À nouveau le feu d’artifices : ravages de l’anonymat sur Internet, dérive à l’américaine, violence des campagnes électorales… C’est plutôt l’inconséquence d’un ministre.

La divulgation des vidéos pornos de notre Benjamin est clairement puni par la loi. Il n’y a pas lieu d’en débattre. Le code pénal s’occupe de ce genre d’affaires au titre de la protection de l’intimité de la vie privée par le biais de trois articles. J’insiste sur les trois articles, car ce qui choque dans l’affaire, c’est l’étalage sexuel, mais on ouvre la porte à cette dérive en acceptant de capter et de diffuser toute image d’une personne sans son consentement. Le simple fait de capter l’image sans l’autorisation est une infraction. Ici, cet aspect ne joue pas car c’est l’intéressé qui a capté l’image de lui-même, et l’a adressée à un tiers.

La base est l’article 226-1 du code pénal :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

« Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »

L’article 226-2 sanctionne le fait de porter à la connaissance du public, et vient l’article 226-2-1 qui aggrave les peines si les images présentent un caractère sexuel :

« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.

« Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. »

Donc pas la peine de s’affoler : tout est bien prévu par la loi, et les personnes impliquées pourront être sanctionnées.

Vient ensuite le délire n° 1 sur les réseaux sociaux, et le délire n° 2 sur l’anonymat d’Internet et l’urgence à légiférer. Quelle est la faute des réseaux sociaux? Et en quoi l’anonymat a à voir avec cette affaire?  Le monsieur a envoyé la vidéo à une dame, qui était sa relation avant que la relation casse, et que la dame ait une relation avec un autre monsieur, qui a diffusé. Donc légiférer sur l’anonymat aurait changé quoi ? Et comment la loi française s’appliquerait-elle à un diffuseur installé à l’étranger ?

On continue avec la violence des campagnes électorales. Mais la diffusion ne vient pas d’un adversaire politique. De quoi parle-t-on ? C’est un problème de vie privée, pas de vie politique. On confond tout…

A ajouter dans la salade, la « dérive à l’américaine », sous-entendu le puritanisme forcené qui vous fait prendre un risque insensé en étant dans un ascenseur avec une personne d’un autre sexe. Bon, on se calme ? Un homme marié et père de famille fait des vidéos pornos et les échanges avec sa maîtresse. Pas vu pas pris, d’accord, mais le problème moral est bien sérieux, sans avoir à se lamenter sur cette pseudo-dérive. Benjamin n’a pas piqué dans la caisse et n’a commis aucune infraction : il démissionne sur un plan moral, et voilà.

Oui, c’est une faute morale, et elle est centrale.  Une invraisemblable légèreté, car il ne s’agit pas de vieilles vidéos qui ressortent, mais les vidéos ont été faites en 2018, alors que l’intéressé était ministre du gouvernement… et qu’il avait balancé ces vidéos via Internet… C’est n’importe quoi… pour ensuite chouiner qu’on respecte sa famille…

Sur ce coup, je suis plutôt d’accord avec Serge July : « Quand on est un homme politique à l’époque des réseaux sociaux, on fait gaffe ou on est un con. Et Griveaux est un con ! Il était ministre avant d’être candidat, et il envoyait ça. Moi, j’ai aucun problème moral de faire ça, mais c’est pas mon truc de me branler devant une caméra et d’envoyer ça, mais lui il trouve bien de faire ça en état au gouvernement. Alors le mec qui fait ça, il est con. On vient pas d’inventer les réseaux sociaux, ça fait un moment que ça existe… »

Il y a aussi, je crois, une autre dimension, celle d’hommes politiques qui justement n’ont pas de dimension, qui objectivement n’ont pas fait grand-chose de marquant, dans la vie professionnelle ou politique. Des baudruches qui ne sont rien dès qu’on arrête de souffler…