Evolution inattendue dans l’affaire… Non, ne parlons pas de l’affaire en cause, car nous n’en savons rien, ou si peu de choses:  nous n’en avons entendu parler qu’à travers des articles de presse, c’est-à-dire si peu au regard du sérieux qui prévaut lorsqu’il s’agit d’un crime grave, et complexe à cerner.

Cette affaire est un homicide, horrible, perpétré sur une femme âgée, sans défense évidemment. Depuis le premier jour, les services de police les plus ajustés sont sur l’affaire, sous contrôle des si vigilants magistrats de Paris – Procureur, juge d’instruction et chambre de l’instruction – et après plusieurs expertises confiées à des psychiatres rodés, la Chambre de l’instruction, à la suite de débats contradictoires, tenus en présence de toutes les parties, a conclu que l’auteur des faits, au moment du crime, était privé de discernement. La cause d’exemption pénale définie par l’article 122-1 du code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

L’affaire n’a pas pris fin car un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation.

C’est donc le mieux que l’on puisse trouver pour un parcours judiciaire, avec des magistrats particulièrement sensibles aux enjeux,… quand badaboum, vient cette déclaration du Président de la République le 25 janvier, parvenant péniblement à se sortir des cours de philosophie de terminale :

« Le procès, en ce qu’il met les parties autour d’une table et qu’il est un exercice reconnaissant la douleur, permet de dire l’acte. Dans sa part sacramentelle, il est indispensable pour faire son deuil, pour parachever l’exercice de vérité. (…) Il faut un procès sur des sujets aussi forts, quand bien même à la fin, pour des raisons d’expertise, on déciderait qu’il n’y aurait pas de responsabilité pénale, parce qu’on aura établi les autres responsabilités, qu’on aura permis de faire émerger la vérité et de faire le travail de deuil. »

Il poursuit : « Un pourvoi en cassation a été formulé et constitue une voie possible. Si la responsabilité pénale est affaire des juges, la question de l’antisémitisme est celle de la République. Même si à la fin le juge décidait que la responsabilité pénale n’est pas là, le besoin de procès est là. » Et au cas où nous n’aurions pas compris, il conclut : « J’ai reçu tant de lettres, entendu tant d’émoi, vu tant de rage, de colère à l’idée que la justice ne soit jamais faite ».

Donc ce serait bien que la Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction et organise un procès pour mettre en scène « la part sacramentelle ». Message direct à ces juges sans cœur de la Cour de cassation qui, bêtement, essaient de répondre à leur mission : appliquer la loi.

Je précise qu’avant de livrer ces savantes analyses, le Président parle d’un dossier qu’il n’a pas étudié, dont il n’a lu ni les PV, ni les expertises, ni les mémoires des uns et des autres. Ma vie, comme à la télé…

Il y aurait tant et tant à dire de cette immixtion du Président de la République dans une affaire en cours d’être jugée alors qu’il est d’après l’article 66 de la Constitution le garant de l’institution judiciaire, et puis… quelle glue de la pensée, qui confond douleur et droit, psychologue et juge…

Mais la réponse est venue par un communiqué de ce 27 janvier, signé par Madame Chantal Arens, première présidente et Monsieur François Molins, procureur général près cette Cour :

« La première présidente de la Cour de cassation et le procureur général près cette Cour rappellent que l’indépendance de la justice, dont le Président de la République est le garant, est une condition essentielle du fonctionnement de la démocratie. Les magistrats de la Cour de cassation doivent pouvoir examiner en toute sérénité et en toute indépendance les pourvois dont ils sont saisis. »

Unique dans les annales…

Trop de signes montrent que les politiques ne savent plus ce qu’est la République. Les juges, eux, défendent avec constance l’État de droit.