Les actualités du droit, novembre 2020

 

7 novembre 2020 – Israël : un Palestinien illégalement détenu retrouve la liberté après 103 jours de grève de la faim

Maher Akhras, un citoyen palestinien, vivant vers Naplouse, père de six enfants, et éleveur de vaches et père de six enfants était « soupçonné de terrorisme » par les forces de sécurité israéliennes de terrorisme. Donc pas jugement, et pas même de tribunal, seulement le Shin Bet, la police du renseignement. Mais dans la seule démocratie du Proche-Orient, cela suffit à faire de vous un détenu : détenu, et pas prisonnier, car c’est le régime de la détention administrative qui permet à Israël de détenir sans inculpation ni jugement pour des périodes pouvant aller jusqu’à six mois renouvelables. Si les détenus peuvent faire appel de la détention, ils n’ont pas accès aux preuves à leur encontre. Justement car il n’y a pas de preuves,… faute de quoi ce serait un procès. 350 Palestiniens emprisonnés sans accusation ni procès dans le cadre de la détention administrative israélienne, une pratique introduite en Palestine par les Britanniques à l’époque de leur mandat colonial et très régulièrement utilisée par Israël, depuis lors, pour emprisonner les chefs et organisateurs de la communauté palestinienne. On compte 4 400 prisonniers politiques palestiniens.

Maher Akhras, avait été arrêté fin juillet à son domicile, mais pas conduit devant un juge, car il n’y avait pas le moindre indice de preuve capable de faire un procès devant une justice militaire pourtant peu regardante. Il est soupçonné par la police du renseignement d’être impliqué dans des activités qui « mettent en danger la sécurité dans la région » et d’« inciter » à la violence par « des déclarations extrémistes ». Il a nié ces accusations lors de son interrogatoire, et engagé une grève de la faim.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a demandé à Israël de cesser la pratique des détentions administratives et de libérer Akhras.

Début novembre, la Cour suprême de justice avait refusé la remise en liberté, mais avait proposé un compromis : Akhras pourrait mettre fin à sa grève de la faim immédiatement, purger le reste de sa peine, et sa détention administrative ne serait pas renouvelée par la suite, à moins que de « nouvelles informations » ne soient mises en lumière. Toujours pas de preuves, mais juste des « informations ». La détermination de Maher Akhras a prévalu.

9 novembre 2020 – L’article 24 de la future loi « Pour une sécurité globale » menace la liberté d’informer

Cet article entend créer un nouveau délit : serait punie d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende la diffusion, par tout moyen, de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » – à l’exception du numéro de matricule, dit « RIO » – d’un policier ou d’un gendarme en intervention, quand cette diffusion a pour but « qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ».

Or la loi française réprime déjà, bien évidemment, les menaces, les atteintes à la vie privée et le cyberharcèlement. La notion, très floue, de « but » d’attenter à l’« intégrité psychique » laisse augurer une tout autre réalité. Condamner le mobile au pénal, c’est en principe une note éliminatoire en première année.

Ces images peuvent aussi servir d’éléments de preuve, et permettre de déclencher des poursuites même en l’absence de plainte, comme le rappelait récemment le procureur général François Molins, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée sur les pratiques de maintien de l’ordre, à propos d’une vidéo ayant beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, qui montrait un policier assénant un coup de poing à un lycéen en marge d’une manifestation devant un établissement parisien en 2016.

Le député LREM Jean-Michel Fauvergue, rapporteur du texte, n’en a pas fait mystère : il s’agit de« reprendre le pouvoir dans la guerre des images » .

Pas d’accord, rappelle la Défenseure des droits dans son avis sur la proposition de loi : « L’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique ».

Cet article passe mal, on verra ce qu’il en reste lors de l’adoption de la loi, et des recours si ce texte est voté.

10 novembre 2020 – Hanane Al-Barassi, avocate, abattue en pleine rue en Libye

Ma consœur avocate, Maître Hanane Al-Barassi, 46 ans, a été abattue dans sa voiture en pleine rue, mardi 10 novembre, à Benghazi. Très active dans la défense des libertés, elle dirigeait aussi une association locale défendant les droits des femmes.

Hanane Al-Barassi a été tuée par balles dans la rue 20, l’une des plus grandes artères commerçantes de Benghazi, alors qu’elle venait de diffuser une vidéo en live sur Facebook, critiquant la corruption au sein des groupes armés dans l’Est, et visant le fils du dirigeant de « l’Armée nationale libyenne », autoproclamée par le Maréchal Khalifa Haftar.

Cette grande femme avait trois défauts : elle était très courageuse et agissait de son libre arbitre ; elle portait le foulard ; elle contestait le Maréchal Khalifa Haftar, sur lequel la subtile diplomatie française a misé car il « combat le terrorisme islamique ». Donc, on a bien peu parlé de Maître Hanane Al-Barassi en France.

Je comprends bien que la justice s’intéresse au financement par le pouvoir libyen de la campagne d’un président de la République, en fonction des preuves. Mais c’est une vraie faille qu’aucune enquête ne vise les conditions dans lesquelles des ordres ont été donnés en 2011, par la France et la Grande-Bretagne, pour détruire ce pays, et causer des dommages tels à la société libyenne ?

15 novembre 2020 : l’Allemagne maintient son refus d’exporter des armes vers l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite est premier importateur d’armes au monde , dépensant 16,9 milliards de dollars en armes entre 2014 et 2018, selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

En 2015, la riche et puissante (à la bourse et dans les banlieues de France) Arabie saoudite a déclenché une guerre contre son voisin le Yémen, pauvre mais fier, et terre de culture, recrutant une pathétique « coalition arabe » qui en cinq ans n’a rien conquis au Yémen, qui oppose une résistance patriotique. Les crimes de guerre succèdent aux crimes de guerre, et selon les Nations Unies, c’est la « pire crise humanitaire au monde ». Plus de 100 000 personnes ont été tuées, selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU, 24 millions de Yéménites ont besoin d’une aide humanitaire, tandis que 20 millions sont en situation d’insécurité alimentaire.

La France, patrie des droits de l’homme et en « guerre contre le terrorisme » conclut de gros marchés d’armement avec l’Arabie Saoudite, alors que l’Allemagne, qui n’est pas du tout la patrie des droits de l’homme et qui n’est pas en « guerre contre le terrorisme » refuse de ventre des armes aux Saoudiens. Depuis mars 2018, la coalition conduite par Angela Merkel refuse la livraison d’armes à tout pays directement impliqué dans la guerre au Yémen. Avant l’interdiction, l’Allemagne faisait de bonnes affaires pour 450 millions d’euros. En cause, desavions de combat Eurofighter Typhoon et Tornado, des missiles air-air Meteor, de l’avion de ravitaillement A330-MRTT, de l’hélicoptère H145 et de l’avion de transport CASA C295. Redoutant l’éventuel renouvellement cet embargo, le Prince Faisal bin Farhan Al Saoud avait cherché à attendrir la coalition Merkel, en vantant « la haute qualité de l’armement allemand »

L’embargo ayant été renouvelé, Adel al-Jubeir, le ministre d’État aux Affaires étrangères, a développé son puissant raisonnement : « L’idée que les ventes d’armes ont été arrêtées à l’Arabie saoudite à cause de la guerre au Yémen est, je pense, illogique. Nous pensons que c’est faux parce que nous pensons que la guerre au Yémen est une guerre légitime. C’est une guerre que nous y avons été contraints ». Oh la la : la gentille Arabie Saoudite menacée et attaquée par le méchant Yémen… Ben mon chouchou, heureusement que la France est là pour te remonter le moral.

La décision allemande souligne l’impact de l’assassinat du journaliste saoudienKhashoggi, au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, le 2 octobre 2018. Macron avait dénoncé cet assassinat horrible, décidé par MBS, mais pas question de fâcher MBS.

Je précise que Berlin bloque également les livraisons d’armes vers d’autres pays, comme les Emirats arabes Unis, l’Egypte, l’Inde et l’Indonésie, sachant que tout appui occidental dans l’armement est un feu vert pour la répression.

Bruno Le Maire, le Sinistre de l’Economie, a appelé l’Allemagne à assouplir ses règles : « Il ne sert à rien de produire des armes par le biais d’une coopération accrue entre la France et l’Allemagne si nous ne sommes pas en mesure de les exporter. Si l’on veut être concurrentiel et efficace, il faut que nous puissions exporter dans des pays hors de l’Europe ».

20 novembre 2020 – Pour Carlos Ghosn, la justice japonaise a exagéré

Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a jugé que l’arrestation de l’ancien patron de Nissan et Renault il y a tout juste deux ans, le 19 novembre 2018, avait été arbitraire.

Dans un document publié le 20 novembre, ce groupe d’experts indépendants, qui ne s’exprime pas au nom des Nations unies et dont les avis ne sont pas contraignants, se fonde sur « les articles 9, 10 et 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme et les articles 9, 10 et 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Il note que les conditions de mise en liberté sous caution imposées à Carlos Ghosn « semblent avoir été exceptionnellement strictes, en particulier l’interdiction, pendant la deuxième période de mise en liberté sous caution, de tout contact avec son épouse, autrement que par l’intermédiaire de ses avocats, sans autorisation préalable du tribunal et pour une durée indéterminée ».

Cette opinion est« totalement inacceptable et n’est pas juridiquement contraignante », a réagi le gouvernement japonais, qui souligne également la fuite, fin 2019, de son célèbre prévenu vers Beyrouth où il est aujourd’hui réfugié. À Tokyo, on n’a certainement pas apprécié cette mise en cause du système judiciaire, et le fait que le groupe de travail de l’ONU considère que Carlos Ghosn pourrait être légitime à demander réparation.

23 novembre 2020 – Un ancien président de la République jugé pour corruption, et puis ?

L’ancien président de la République Sarkozy Nicolas devant la 32e chambre correctionnelle de Paris correctionnelle pour des faits de « corruption », avec son ami et avocat personnel, Maître Thierry Herzog, et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert.

Le premier président de la République condamné en correctionnelle a été en 2011 Jacques Chirac pour « détournements de fonds publics » et « abus de confiance », condamné à deux ans de prison avec sursis.

Sarkozy Nicolas reviendra devant le tribunal correctionnel en mars prochain dans l’affaire Bygmalion – un dossier portant sur le financement présumé illégal de sa campagne présidentielle de 2012.

Il est par ailleurs mis en examen pour « association de malfaiteurs » et « corruption », dans l’affaire des financements libyens.

Présumé innocent, je rappelle.

Mais, ce qui me parle, c’est cette salve dans les médias pour nous expliquer que Nicolas Sarkozy reste la grande chance de la droite pour 2022. La politique au fond de la cave.

24 novembre 2020 – Dupond-Moretti recadré par le Conseil d’Etat

En cause une ordonnance du ministère de la Justice, signée mercredi 18 novembre, qui permet d’assouplir l’usage de la visioconférence lors des procès en matière pénale, y compris aux assises. Par ordonnance, donc sans loi, le détenu se trouve privé d’accès aux assises : il assiste par visioconférence ce au réquisitoire, aux plaidoiries, et à l’annonce du verdict, puisse se dérouler en l’absence physique des accusés, et cette possibilité est laissée à l’appréciation des présidents des juridictions, 3sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties »…

Des syndicats de magistrats et d’avocats ont saisi le Conseil d’Etat :Le syndicat, avec le Syndicat des avocats de France (SAF) et l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus, a déposé, lundi 23 novembre, un recours auprès du Conseil d’Etat. « C’est absolument scandaleux d’imaginer qu’une personne qui encourt de très lourdes peines ne puisse pas assister physiquement de bout en bout à son procès », estime Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, auprès de franceinfo.

Mon excellent confrère et néanmoins ministre, manifestement perturbé par la publication de son patrimoine, a expliqué qu’il n’y avait pas d’autre solution pour que la justice tourne le temps de l’épidémie.

Pas de chance pour notre ami, gravement contaminé par la macronite : le Conseil d’Etat a suspendu cette mesure inique, comme constituant une violation grave des droits de la défense.

26 novembre 2020 – Agression contre Michel Zecler : la CFDT en déroute

A lire pour réfléchir sur l’ampleur des dégâts dans le service public de la police, Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative Police CFDT, commente sur franceinfo l’agression dont a été victime

Denis Jacob :  « Le problème, c’est que sur cette vidéo, on voit le moment de l’interpellation et on ne sait pas ce qu’il s’est passé avant et pour quel motif ils ont voulu interpeller cet individu ».

« Quand je vois des images de collègues qui essayent d’interpeller un individu qui, de toute façon, ne veut pas se laisser interpeller, je me dis qu’ils ont affaire à quelqu’un qui a commis à minima un délit et qu’ils essayent de l’interpeller parce qu’ils sont là pour faire leur travail et pour le conduire au commissariat, le placer en garde à vue, le présenter à un officier de police judiciaire et, le cas échéant, le déférer auprès de la justice. Voilà ce que je dis, moi, quand je vois les images.

Vous ne vous dites pas que c’est trop violent ? Que ça dure trop longtemps ?

« Mais quand vous avez un individu du gabarit de ce monsieur, vous avez quand même vu qu’il y avait trois fonctionnaires de police qui essayaient de le maîtriser. La vidéo dure neuf minutes et ils n’arrivent pas à le maîtriser. En plus, ils interviennent dans une partie du local qui est quand même très petite donc c’est quand même difficile d’arriver à maîtriser un individu dans ce genre d’environnement. Maintenant, je me répète, ce sont les images que j’interprète, comme d’ailleurs d’autres peuvent l’interpréter différemment. Après, il y a le témoignage de la victime, là c’est autre chose. Il y a deux versions qui s’opposent, celle de ce monsieur et celle des policiers. Donc c’est à la justice de déterminer très clairement et très rapidement ce qui s’est passé ».

Et oui, un gros malaise…

26 novembre 2020 – Affaire Théo : trois policiers seront jugés devant la cour d’assises pour violences volontaires

Les trois policiers impliqués dans l’interpellation violente de Théo, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 2 février 2017, seront jugés devant une cour d’assises a annoncé jeudi 26 novembre à l’AFP le parquet de Bobigny, confirmant une information de BFMTV. Motif : violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, et avec circonstances aggravantes.

Théodore Luhaka, 22 ans à l’époque des faits, avait été grièvement blessé par un coup de matraque dans la zone rectale. Il est désormais handicapé à vie.

En parallèle, la Défenseure des Droits Claire Hédon a publié mardi un rapport sur cette interpellation, dans lequel elle réclame des sanctions administratives à l’encontre des quatre agents de la Brigade de sûreté de terrain (BST). Le motif d’interpellation n’a pas été établie, et une fois « maîtrisé, assis au sol, menotté dans le dos et grièvement blessé, aucun cadre légal ne pouvait justifier l’exercice de la force à son égard », écrit Claire Hédon.

27 novembre 2020 – Israël assassine un haut responsable du nucléaire iranien

La voiture de Mohsen Fakhrizadeh, 59 ans, chef du département recherche et innovation du ministère de la Défense, a été touchée par l’explosion d’un autre véhicule chargé d’explosifs, puis visée par des tirs, à Damavand, près de Téhéran. Il était considéré comme le père des activités nucléaires secrètes de l’Iran. Son nom était le seul figurant dans les annexes de l’évaluation finale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2015 sur la possible dimension militaire du programme iranien. « Fakhrizadeh, souvenez-vous de ce nom », avait insisté le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à l’occasion de la révélation en mai 2018 par Israël de milliers de documents dérobés par le Mossad en Iran.

Une exécution, aussitôt attribué à Israël, qualifié de  mercenaire  des États-Unis par le Président iranien Hassan Rohani : « Cet assassinat barbare montre que nos ennemis vivent des semaines difficiles au cours desquelles ils sentent leur pression faiblir, la situation mondiale changer. Ils veulent profiter au maximumde ces quelques semaines  de façon à  créer une situation incertaine dans la région ». Une exécution qui a lieu une semaine après la « tournée d’adieu » du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo en Israël.

La grande coalition de Trump, Israël et l’Arabie Saoudite une dernière fois pour provoquer l’Iran, mais ce sera un échec, comme cela avait déjà été un échec avec l’exécition le 3 janvier 2020, le général Qassem Soleimani, personnage clé de l’armée et héros national.