La protection du secret est générale et absolue, et il n’est pas nécessaire de prouver l’intention de nuire. Le but de la loi est d’assurer la confiance qui s’impose dans l’exercice médical : pas de soin sans confidence, pas de confidences sans confiance, pas de confiance sans secret.

Cour de cassation, chambre criminelle, 19 décembre 1885, Arrêt Watelet

Faits

En 1883, un peintre orientaliste en vue est tombé gravement malade, et a été pris en charge par le Docteur Watelet. Le peintre a expliqué qu’il avait bénéficié d’une intervention chirurgicale, et qu’il récupérait. Dans les mois qui ont suivi, il s’est rendu en Algérie avec l’accord de son médecin, mais il y est rapidement décédé. Une campagne de presse alors affirmé que le peintre était en réalité atteint d’une maladie vénérienne, que la prise en charge médicale avait été défectueuse et que le Docteur Watelet avait envoyé son malade loin de la métropole en cherchant à s’exonérer de toute responsabilité.

En accord avec la famille, le Docteur Watelet a répliqué, pour défendre la mémoire du peintre, mais aussi son honneur : le peintre était atteint d’un cancer des testicules, qui avait été opéré, mais sachant l’atteinte irréversible, le médecin avait approuvé ce voyage en Algérie.

Procédure

Le ministère public a engagé des poursuites pénales contre le Docteur Watelet pour violation du secret professionnel.

Le Docteur Watelet soutenait que les faits avaient déjà rendus publics par la presse, et qu’il n’avait fait qu’accréditer l’une des thèses en présence. Ensuite, il n’avait pas révélé une confidence faite pas son patient mais il avait simplement indiqué le diagnostic dont souffrait le patient, diagnostic qu’il avait lui-même découvert. Enfin, il avait agi sans intention de nuire, et d’ailleurs la famille avait le soutien de la famille.

Ces arguments ont été rejetés.

Analyse

La répression pénale du secret est générale et absolue : elle punit toute révélation du secret professionnel, sans qu’il soit nécessaire d’établir, à la charge du révélateur, l’intention de nuire. C’est ce qui résulte des termes de la prohibition et de l’esprit dans lequel elle a été conçue.

En imposant à certaines professions, sous une sanction pénale, l’obligation du secret comme un devoir de leur état, le législateur en entendu assurer la confiance qui s’impose dans l’exercice de certaines professions et garantir le repos des personnes qui peuvent être amenées à révéler leurs secrets par suite de cette confiance nécessaire.

Ce but de sécurité ou de protection ne serait pas atteint si la loi se bornait à réprimer les révélations dues à la malveillance, en laissant toutes les autres impunies.  Ainsi, ce délit existe dès lors que la révélation a été faite, indépendamment de toute intention spéciale de nuire.