Les actualités du droit, avril 2021
En musique avec RAY BRYANT
Ray Bryant, pianiste à l’immense talent, pour un concert en solo enregistré en 1987
Focus sur… notre ami Lula
BRÉSIL
la justice anti-corruption était vérolée
Le 7 avril 2018, Lula, candidat aux élections présidentielles fixées pour la fin d’année, renonce à sa campagne car il se rend à la police pour être incarcéré, en exécution de quatre jugements rendus par juge Sergio Moro, présenté comme le petit juge courageux et indépendant qui, depuis tribunal fédéral de Curitiba, faisait tomber les réseaux de corruption politico-affairistes. Le juge Moro l’avait condamné pour corruption à 9 ans et 6 mois de réclusion, une peine alourdie à 12 ans et 1 mois en appel, pour avoir reçu un triplex en bord de mer après avoir favorisé une entreprise du bâtiment. Ce que Lula avait toujours contesté.
Au siège du Parti des Travailleurs, Lula déclare à la foule qui l’accompagne : « On tue un combattant, mais la révolution continue. Je ne me cache pas. Je n’ai pas peur. La tête haute, je dirai au représentant de la police : “je suis à votre disposition.” Dans quelques jours, la justice prouvera que celui qui a commis un crime, c’est le policier qui m’a accusé, le juge qui m’a condamné. » Et, rappelant les progrès sociaux spectaculaires accomplis lors de ses deux mandats, il poursuit : « Il y a très longtemps, j’ai rêvé qu’il était possible pour un métallurgiste sans diplôme universitaire de s’occuper davantage d’éducation que les diplomates et les privilégiés qui gouvernent ce pays. Si c’est ça le crime que j’ai commis, alors je resterai un criminel, car je vais commettre beaucoup, beaucoup d’autres crimes ».
Dilma Rousseff destituée en aout 2016 sans jamais avoir été inculpée dans une affaire de corruption, et Lula incarcéré en avril 2018 : la piste était libre pour l’atterrissage d’un président bien dans la main des Etats-Unis : l’excellent Jair Bolsonaro, aux conceptions d’extrême droite affichées, a été élu le 28 octobre 2018.
Et très vite, une grande surprise : le gentil juge Sergio Moro est nommé ministre de la justice de Bolsonaro. Ces gens-là, instruits mais sans éducation, vivent sans retenue : il prononce l’incarcération de Lula le 7 avril 2018, et il accepte le 26 octobre d’être le ministre de la Justice de Bolsonaro. Retour sur service rendu.
Nouvel épisode le 9 juin 2019. Ce jour-là, le site The Intercept Brasil – l’édition brésilienne du site fondé par le journaliste états-unien Glenn Greenwald – publie les retranscriptions conversations tenues entre 2015 et 2018 entre le juge Sergio Moro et des procureurs brésiliens anti-corruption, dont le procureur en chef, Deltan Dallagnol, Conversations sur la messagerie cryptée Telegram, mais tout a été récupéré, et le résultat est accablant. Alors que selon la procédure, le procureur et le juge travaillent en toute indépendance, le second statuant sur les demandes du premier, on voit que les deux sont comme des collègues, qui – en marge de la procédure officielle – choisissent des cibles et organisent des plans, des combines et des manipulations. On apprend tout de leurs méthodes, consistant à arrêter sur la base de soupçons pour laisser les personnes en prison tant qu’elles ne font pas des déclarations les condamnant, ou à épargner ceux qui leur apportent un soutien politique. En 2016, alors que va s’ouvrir le premier procès de Lula, le procureur Dallagnol explique ses craintes car l’accusation ne tient pas, et le juge Moro lui répond de ne pas s’inquiéter car c’est lui qui rédigera le jugement. Consternant… Et quelques semaines avant l’élection présidentielle, tous deux sont encore à la manœuvre pour bloquer une interview que Lula appelant à voter pour Haddad, le candidat de gauche à la présidentielle.
Entendu le 19 juin par le Sénat, Sergio Moro a expliqué que tout était faux, et qu’il était victimes de hackers ayant modifié les messages, arguement grotesque repris par toute la presse aux ordre, dont le puissant groupe de presse Globo.
Pour Lula, c’est le début du compte à rebours, qui passe par trois décisions de justice.
La première étape était la question générale de l’habeas corpus : peut-on incarcérer une personne alors que tous les recours n’ont pas été examinés ? Après bien des étapes et des rebondissements, le tribunal suprême fédéral, à 6 voix contre 5, est revenu par un arrêt du 7 novembre 2019 sur une décision antérieure de 2016, posant pour principe qu’aucune incarcération n’est possible tant que tous les recours ne sont pas purgés. Pour Lula, des recours étaient en attente et il a aussitôt été libéré de la prison de Curitiba.
Deuxième étape, la décision rendu le 8 mars 2021 par le juge Edson Fachin, de la Cour suprême, ordonnant l’annulation des quatre jugements condamnant Lula. Motif : le tribunal fédéral de Curitiba, qui les avait prononcées, n’avait pas compétence pour le faire. Le juge Edson Fachin a retenu, d’abord, que le tribunal était incompétent dans la mesure où son mandat consistait à instruire les cas de corruption liés à l’affaire dite « Lava Jato » – affaire de corruption liée au groupe Petrobras, ouverte en 2014 – alors qu’aucun lien matériel n’a pu être établi entre Lula et cette affaire. Ensuite, le juge Fachin dénonce une violation du principe du « juge naturel », selon lequel la compétence relève de règles objectives, répondant aux principes d’impartialité et de neutralité du juge. Le juge ne peut pas « choisir » ses dossiers, ce qui avait été le cas. Deux motifs sévères retenus contre le juge Sergio Moro. Les jugements sont annulés : Lula récupère un casier judiciaire vierge, et ses droits politiques sont rétablis, mais les quatre procédures sont transmises au Tribunal fédéral de Brasilia.
Un appel par le procureur général est possible, mais je ne trouve pas l’info. Toutefois, il n’est pas évident que le procureur le fasse, car joue la troisième décision, rendue par une formation de cinq juges du tribunal suprême.
Ce troisième jugement, du 23 mars 2021, est le résultat d’une procédure dite de « suspicion » lancée par les avocats de Lula. Cette procédure vise à déterminer la partialité d’un magistrat dans une affaire et d’annuler, le cas échéant, tous ses jugements et ses condamnations si cette « suspicion » est avérée.
La deuxième chambre de la Cour suprême, par trois voix contre deux, a déclaré Sergio Moro « partial » par trois voix contre deux, décision a pour effet d’annuler totalement le procès de Lula. Avec les publications de The Interecept et l’accord politique entre Moro, tout s’est mis en lumière : l’arrestation médiatisée de Lula pour le conduire au tribunal alors qu’il n’avait jamais refusé de s’y rendre ; la mise sur écoute de ses avocats lorsqu’ils échangeaient avec Lula ; l’entente entre le juge et le procureur pour monter des opérations ; la divulgation d’un dialogue gouvernemental entre la présidente, Dilma Rousseff, et Lula ; la diffusion « d’aveux » d’Antonio Palocci, ancien ministre de l’économie de Lula, à la veille de l’élection présidentielle de 2018…
La juge Carmen Lucia, qui avait voté en 2018 contre la partialité de Moro, a modifié son vote en dénonçant « une spectacularisation de la justice et une violation des droits juridiques fondamentaux qui doivent être garantis à tout citoyen ». Le magistrat Gilmar Mendes qualifié ces abus de « crime » et a fustigé des « ambitions politiques qui n’ont rien à voir avec le devoir d’un juge ».
Intéressant le vote du juge Fachin, qui a soutenu le juge, alors qu’il venait d’annuler ses jugements dans son arrêt du 8 mars 2021, un juge qui avait toujours voté contre Lula par le passé. De la grosse combine à deux balles : on accorde à Lula l’annulation immédiate de ses condamnations sur une question de procédure, et renvoyant l’affaire au tribunal de Brasilia, soit rien pendant la campagne électorale, et on blanchit Sergio Moro car ses jugements sont annulés. Grosse combine rejetée par les juges.
Et que devient le juge-ministre de la justice ? En avril 2020, il a démissionné du gouvernement, pour dire qu’il se préparait pour la présidentielle de 2022. Pourquoi pas, s’il n’est pas en prison d’ici là.
Les actualités du droit, fevrier et mars 2021
15 février – Le scandale des sanctions contre le Venezuela
La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme, Alena Douhan, a exhorté aujourd’hui les États-Unis, l’Union européenne et d’autres États à abandonner les sanctions imposées au Venezuela.
À la fin d’une visite de deux semaines au Venezuela, Douhan a déclaré que les sanctions avaient exacerbé les situations économiques préexistantes et avaient dramatiquement affecté l’ensemble de la population du Venezuela, en particulier mais pas seulement les personnes vivant dans l’extrême pauvreté, les femmes, les enfants, les travailleurs médicaux, les personnes handicapées ou souffrant de maladies chroniques.
« Manque de machines, de pièces de rechange, d’électricité, d’eau, de carburant, de gaz, de nourriture et de médicaments, insuffisance croissante de travailleurs qualifiés dont beaucoup ont quitté le pays pour de meilleures opportunités économiques, en particulier du personnel médical, des ingénieurs, des enseignants, des professeurs, des juges et les policiers, a un impact énorme sur toutes les catégories de droits humains, y compris les droits à la vie, à l’alimentation, à la santé et au développement ».
«En raison de la complexité de la situation, j’ai cherché à rencontrer le plus grand nombre de personnes pour écouter leur expérience et leurs idées. J’ai rencontré des représentants du gouvernement, des diplomates, des agences internationales, des dirigeants de l’opposition, des organisations non gouvernementales, des avocats, des médecins, des enseignants, des universitaires, des victimes de violations des droits de l’homme, des représentants d’entreprises privées et de l’Église, ainsi que des gens ordinaires », a déclaré Douhan.
Les premières sanctions ont été imposées au Venezuela en 2005 et ont été sévèrement renforcées depuis 2015 en raison de nombreuses allégations, les plus sévères étant imposées par les États-Unis.
Douhan a souligné que les mesures unilatérales ne sont légales que si elles sont autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU, ou utilisées comme contre-mesures, ou ne violent aucune obligation des États et ne violent pas les droits humains fondamentaux. Elle a appelé les pays à respecter les principes et les normes du droit international et rappelle que les préoccupations humanitaires doivent toujours être prises en compte dans le respect mutuel, la solidarité, la coopération et le multilatéralisme. Elle prévoit de publier un rapport complet sur sa mission en septembre 2021.
22 février – Délire sur les menus sans viande
La décision de M. Grégory Doucet, maire de Lyon, de servir à partir aux élèves de sa ville des repas ne contenant aucune viande pour faciliter le service en période pandémique a causé un joli délire médiatique. « Les protocoles sanitaires de l’Education nationale nécessitent des adaptations constantes. La ville de Lyon a dû appliquer en cette rentrée scolaire le sixième protocole en moins d’un an, toujours plus contraignant, tout en maintenant un service public de qualité pour 29.000 repas par jour », rappelle la municipalité, qui avance que « près de la moitié des enfants choisissent habituellement des menus sans viande ».
Les spécialistes de la nutrition explique de longue date que la viande est la principale cause de diabète de type II, de maladie cardiovasculaire, d’hypertension, ou encore d’obésité. Mais peu importe, le ministre de l’Intérieur fulmine contre une « idéologie scandaleuse », ajoutant que « de nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande». M. Denormandie, ministre de l’Agriculture, partageait lui aussi son indignation par le biais des réseaux sociaux : « Arrêtons de mettre de l’idéologie dans l’assiette de nos enfants ! Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie.» Or comme l’expliquent les études menées par l’Anses ce sont les enfants des pauvres qui mangent le plus de viande et de produits d’origine animale, ce qui explique d’ailleurs pourquoi ils souffrent davantage que les autres d’obésité.
Les experts des Nations unies invitent les Occidents à moins manger de produits d’origine animale pour ne pas accélérer le changement climatique. Plus récemment, les auteurs d’une étude d’envergure parue dans Science concluaient que nous pourrions diminuer de trois quarts l’utilisation de terres consacrées à l’agriculture, avec des effets sur l’eau et les pesticides.
4 mars 2021 – Coupable ou innocent ?
L’ancien président de la République Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un ferme, par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des « écoutes ». Il a fait appel de cette décision. Un jugement de 250 pages que personne n’a lu, mais ça n’empêché pas la critique ! Moins tu en sais, plus tu parles.
Dans le genre, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, regrette « une condamnation extrêmement dure dans un dossier particulièrement faible ». Et il précise sa pensée, estimant qu’il y a « une disproportion entre la gravité de la peine et la légèreté notamment des preuves : est-ce que aujourd’hui en France la seule intention suffit à prononcer une peine de prison ? »
Ca serait drôle si le type n’était pas un sénateur, donc un législateur influent. Donc, d’après lui, si les preuves sont un peu justes, il faut une condamnation légère. Consternant de bêtise… Faillite démocratique… Non, si les preuves ne tiennent pas, la réponse est la relaxe. Donc, innocent ou coupable. La sévérité de la sanction, c’est une autre approche.
7 mars – Le Pape à Mossoul
Le pape en présence de dignitaires catholiques et musulmans :
« Si Dieu est le Dieu de la vie – et il l’est – il ne nous est pas permis de tuer nos frères en son nom. Si Dieu est le Dieu de la paix – et il l’est – il ne nous est pas permis de faire la guerre en son nom. Si Dieu est le Dieu de l’amour – et il l’est – il ne nous est pas permis de haïr nos frères.
« Prions ensemble pour toutes les victimes de la guerre, afin que Dieu Tout Puissant leur accorde la vie éternelle et la paix sans fin, et qu’il les accueille dans ses bras très aimants. Et prions aussi pour nous tous, afin qu’au-delà des appartenances religieuses, nous puissions vivre en harmonie et en paix, conscients qu’aux yeux de Dieu nous sommes tous frères et soeurs.
« Nous te confions ceux dont la vie terrestre a été écourtée par la main violente de leurs frères, et nous t’implorons aussi pour tous ceux qui ont fait du mal à leurs frères et à leurs soeurs : qu’ils se repentent, touchés par la puissance de ta miséricorde. »
Puis s’adressant au « Dieu très haut, Seigneur du temps et de l’histoire », il a imploré « un tendre amour de Père » contre « l’océan de la souffrance et de la mort, au-delà des tentations de la violence, de l’injustice et du gain inique». Car, « nous les hommes, ingrats à l’égard de tes dons et distraits par nos préoccupations et par nos ambitions trop terrestres, nous avons souvent oublié tes desseins de paix et d’harmonie. »
Il a conclu par une imploration au pardon : « Seigneur, alors que nous te confions les nombreuses victimes de la haine de l’homme contre l’homme, nous invoquons ton pardon et nous implorons la grâce de la conversion ».
7 mars : la Suisse prohibe le voile intégral
Les Suisses ont voté en faveur de l’interdiction de se dissimuler le visage dans les lieux publics. Le texte, qui vise les rares femmes qui portent la burqa ou le niqab dans le pays, a obtenu 51,21% des voix et une majorité de cantons, selon les résultats officiels publiés par le gouvernement fédéral.
En France, on serait à 95 %. La Suisse préfigure le recul des idées d’extrême-droite et leur rejet par les grandes familles politiques. Phénomène du même type en Italie. Chez nous, la pandémie xénophobe et intolérante est pour le moment sans contrôle.
18 mars – Portugal : la Cour constitutionnelle annule la loi autorisant l’euthanasie
La loi sur l’euthanasie, approuvée le 29 janvier par une large majorité du Parlement portugais, est annulée par le Conseil constitutionnel, saisi d’un recours formé par le président de la République, Marcelo de Sousa.
La loi autorisait « la mort médicalement assistée » dans les cas de « maladie incurable » ou de « souffrance intolérable » liée à des « lésions définitives d’extrême gravité, selon le consensus scientifique ».
Selon Marcelo de Sousa, les critères de la loi étaient « excessivement imprécis », ce que retient les juges, avec une majorité de sept voix contre cinq. Ce n’est pas le principe qui est en cause, bien que la Constitution portugaise proclame « l’inviolabilité de la vie humaine ». Les juges n’y voient pas un « obstacle insurmontable », relevant que « le droit à la vie ne peut pas se transformer en un devoir de vivre dans n’importe quelle circonstance ». En revanche, « les lois doivent etre claires, précises, prévisibles et contrôlables ».
19 mars – Covid-19 : la Cour des comptes dénonce l’impréparation de l’Etat face à la crise sanitaire
Trop faible anticipation de la crise sanitaire et impréparation des services publics concernés, au premier rang desquels la santé et l’éducation nationale : c’est la critique que la Cour des comptes adresse au gouvernement dans son rapport annuel « version Covid ». « Le premier enseignement à tirer, c’est une faible anticipation de la crise au sein des acteurs publics », même si ces derniers « se sont fortement mobilisés et ont fait preuve d’une très grande capacité de réaction et même d’innovation ».
S’agissant de la réanimation, la Cour relève qu’il n’existait pas de « plan adapté » dans les services de réanimation des hôpitaux pour gérer une telle déferlante, avec le passage, entre le 1er janvier et le 15 avril 2020, de 5 080 à 10 707 lits.
La « forte capacité de mobilisation » des acteurs et les « déprogrammations massives » des autres activités ont permis de faire face à l’afflux des malades. Mais un an plus tard, le constat est sans appel : « Ce secteur mal préparé à affronter la crise doit désormais être mieux armé », avertit la Cour. « Depuis 2013 au moins, l’offre de soins critiques a décroché par rapport aux besoins d’une population française qui vieillit ».
24 mars – Espionnage d’un salarié par l’employeur, en cas de harcèlement moral
Selon un principe établi du droit du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Donc, pas d’espionnage possible… sauf, s’il n’y a aucune autre possibilité, en cas de harcèlement moral.
Dans une entreprise, une salarié est accusées par ses subordonnés de mauvais comportement, de grossièretés, d’injures à caractère racial et discriminatoire, dans une ambiance de stress et de conflit.
L’employeur consulte les délégués du personnel et décide de mener une enquête, confiée à un détective privé, bien sûr sans aviser la salariée incriminée. Enquête non recevable, comme le dira le conseil de prud’hommes et la cour d’appel, dénonçant un « procédé clandestin de surveillance » et donc déloyal. Une personne visée doit être entendue par l’enquêteur pour présenter sa défense. Le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, et l’employeur condamné à des indemnités.
Pourvoi en cassation, et là revirement parce qu’il s’agit de harcèlement moral. Dans la mesure où il s’agit de prouver des actes qui mettent en danger la santé d’autrui, l’employeur peut confier une enquête secrète à un détective, et le résultat de cette enquête peut être utilisé comme un motif de licenciement légitime.
29 mars – Un syndicat chez Amazon
Le vote pour ou contre la création d’un syndicat dans un entrepôt Amazon de l’Alabama met en lumière les méthodes de voyous de cette société.
Bataille héroïque du syndicat de la distribution RWDSU qui a du obtenir 3 000 accords de principe, sur un total de 5 800 employés, pour pouvoir envisager un vote sur la création d’une section syndicale : un pays de brutes ! « C’est un Etat historiquement anti-syndicats, a souligné l’ancien candidat à l’investiture démocrate Bernie Sanders. Ce n’est pas rien, en Alabama, de se lever contre une grande corporation. » Ainsi, c’est dans cet Etat que se trouve la seule usine Mercedes sans syndicat au monde, ce qui rend cette firme bien sympathique.
Jusqu’à maintenant, les efforts précédents de syndicalisation au sein d’Amazon ont échoué aux Etats-Unis.
29 mars – Mediator : les laboratoires Servier condamnés
Plus de dix ans après l’ouverture d’une information judiciaire et dix-huit mois après le début du procès, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu coupable les laboratoires Servier de « tromperie aggravée » et d’« homicides et blessures involontaires » dans l’affaire du Mediator.
Le groupe pharmaceutique avait commercialisé pendant des années ce médicament, prescrit comme coupe-faim, qui provoquait de graves lésions des valves cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare et mortelle. Les premières alertes sur la toxicité du médicament avaient été données dans les années 1990.
« Malgré la connaissance qu’ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années (…), [les laboratoires Servier] n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient », a fait valoir la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis, au début de la lecture du délibéré, un jugement long de près de 3 500 pages ». «
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jugée pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator devra, quant à elle, s’acquitter de 303 000 euros d’amende : la peine maximale de 225 000 euros pour « homicides et blessures involontaires » par négligence, à laquelle s’ajoutent des peines d’amendes contraventionnelles à hauteur de 78 000 euros. Le tribunal correctionnel a estimé que l’instance avait « failli dans [son] rôle de police sanitaire et de gendarme du médicament ». L’autorité de santé ne fera pas appel
31 mars – Cédric Herrou a gagné
Rejet du pourvoi du Parquet général par la Cour de cassation : c’est la victoire pour Cédric Herrou, l’agriculteur de la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, emblématique défenseur de la cause des migrants. La relaxe du militant, le 13 mai 2020, par la cour d’appel de Lyon est devenue définitive.
Cette décision marque l’aboutissement d’une longue procédure jalonnée de trois procès et d’une saisine du Conseil constitutionnel, qui avait consacré en 2018 le ‘‘principe de fraternité » ».
« Cette décision met fin à l’acharnement du parquet à l’encontre de Cédric Herrou et permet de reconnaître enfin de manière définitive que celui-ci n’a fait qu’aider autrui, et que dans notre République la fraternité ne peut pas être un délit », a réagi son avocate, Me Sabrina Goldman.
Cédric Herrou avait été condamné à une amende en première instance, puis à quatre mois de prison en appel en 2017.
Voilà un point acquis : aucune poursuite pénale ne peut être engagée à l’encontre d’une personne qui aide un migrant en situation irrégulière lorsqu’il agit de façon désintéressée, qu’il appartienne ou non à une association. Commentaire de Cédric Herrrou : « Je suis définitivement relaxé. Après 11 garde-a-vues, 5 perquisitions, 5 procès et 5 ans de lutte. La solidarité ne sera plus un délit ».