Les actualités du droit, 23 décembre 2020
La tentation de la dictature sanitaire
Le ministre de la Santé, du fait de l’émoi, est venu sur le plateau télé hier soir nous dire qu’il n’y a rien, juste un sujet de discussion. Mais ils nous prennent vraiment pour des crétins : ce projet a été adopté en Conseil des ministres, et enregistré à l’Assemblée nationale !
Je reproduis les projets d’articles du Code de la santé publique in extenso, pour que chacun juge sur pièce, avec quelques commentaires juridiques.
Le projet de loi
« Section 2 « État d’urgence sanitaire
« Art. L. 3131-5. – L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.
« L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret, qui est motivé, détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques.
Commentaire
Le Parlement n’a pas son mot à dire sur la déclaration de l’état d’urgence, qui suspend les libertés. On quitte les libertés sur ordre d’un décret ! Non, la démocratie, c’est le Parlement. D’ailleurs, on voit très bien comment ça se passe : formellement, le Premier ministre signe, mais tout est décidé à l’Elysée. Donc, la loi se moque de nous, car elle ne traite pas du lieu réel du pouvoir. Franchement, qui voit Castex imposer quoi que ce soit à Macron ?
Le projet de loi
« Art. L. 3131-6. – Lorsque l’état d’urgence sanitaire est déclaré, il est réuni sans délai un comité de scientifiques. Son président est nommé par décret du Président de la République. Ce comité comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le comité rend périodiquement des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-9, L. 3131-11 et L. 3131-12, ainsi que sur la durée de leur application. Dès leur adoption, ses avis sont communiqués simultanément au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat par le président du comité. Ils sont rendus publics sans délai. Le comité est dissous lorsque prend fin l’état d’urgence sanitaire.
Commentaire
Le Parlement est remplacé par un conseil scientifique, nommé de manière aléatoire sur une base politique, qui ne décide de rien et se contente de rendre des avis, de telle sorte qu’il n’engage pas sa responsabilité. Donc, les décisions prises échapperont à un contrôle réel du juge, administratif, car la motivation de ces décisions s’abritera derrière un avis médical, insusceptible de recours. Le contrôle du juge administratif devient inopérant, car il ne peut que céder devant le flou du texte – « risque élevé de transmettre la contamination » -, la connaissance médicale et la menace du risque.
Celui qui décide ne fait que suivre l’avis, et celui qui a rendu l’avis n’a rien décidé : c’est un mécanisme parfait qui permet aux décideurs d’échapper à leur responsabilité.
Le projet de loi
Art. L. 3131-9. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, les pouvoirs prévus à l’article L. 3131-4 sont applicables de plein droit.
Commentaire
Il faut remonter à l’article L. 3131-4, prévu pour les états de « crise sanitaire ».
Le projet de loi
« Art. L. 3131-4. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état de crise sanitaire est déclaré, aux seules fins de garantir la santé publique :
« 1° Le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé :
« a) Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens ;
« b) Prendre des mesures de réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires pour répondre à la menace ou à la situation sanitaire ou autoriser l’adoption de telles mesures. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par le 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;
Commentaire
Pour ces deux séries de mesures, tout dépend d’un décret, mais pour la suite du texte, il suffira d’un arrêté ministériel pour décider – tenez -vous bien – de « mesures individuelles qui, afin de prévenir la propagation d’une infection ou d’une contamination, ont pour objet le placement et le maintien en isolement des personnes affectées ou contaminées ».
Le projet de loi
« 2° Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé :
« a) Autoriser l’adoption et définir leurs modalités de mise en œuvre, de mesures individuelles qui, afin de prévenir la propagation d’une infection ou d’une contamination, ont pour objet le placement et le maintien en isolement des personnes affectées ou contaminées, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005, ou la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées ou contaminées, au sens du même article 1er qui :
« – soit entrent sur le territoire national ou qui, déjà présentes sur le territoire national, arrivent sur la partie continentale du territoire métropolitain, en Corse ou dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution. Le ministre peut le cas échéant limiter les mesures de quarantaine aux personnes en provenance de zones concernées par la présence ou la circulation active d’une source d’infection ou de contamination. La liste de ces zones fait l’objet d’une information publique régulière ;
« – soit se trouvent ou ont séjourné, sur le territoire national, dans une zone concernée par la présence ou la circulation active d’une source d’infection ou de contamination, ou ont été en contact avec des personnes affectées ou contaminées et qui, de ce fait, présentent un risque élevé de développer ou de transmettre l’infection ou la contamination ;
« b) Prendre, sous réserve du 1°, toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de produits de santé ;
« c) Prescrire, sous réserve du 1°, toute autre mesure relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé.
Commentaire
Attention, là c’est chaud ! Selon l’article L. 3131-12– I, ces mesures individuelles sont prononcées par arrêté préfectoral sur proposition du directeur général de l’Agence régionale de santé, et la personne concernée dispose d’un recours devant le juge des libertés et de la détention. La loi prévoit la possibilité « d’un isolement complet de la personne », et il est alors prévu « un accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur ». Comment se rendre chez son médecin et son avocat pour prendre un avis médical et préparer sa défense ? Ce détail n’est pas prévu…
Après l’application de « plein droit » de ces pouvoirs listés par l’article L. 3131-4, on en vient aux dispositions spécifiques de l’état d’urgence sanitaire, listées par l’article L. 3131-9, et qui relèvent de décisions du Premier ministre. Prenez le temps de lire la liste, et essayez de déterminer ce qui reste hors d’atteinte du gouvernement… Pas grand-chose. Les formulations sont faites de termes glaçants !
Le projet de loi
« Le Premier ministre peut également, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, prendre aux seules fins de garantir la santé publique les mesures suivantes :
« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;
« 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
« 3° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
« 4° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ainsi que les réunions de toute nature, à l’exclusion de toute réglementation des conditions de présence ou d’accès aux locaux à usage d’habitation ;
« 5° En tant que de besoin, prendre toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre.
« 6° Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise l’étendue de cette obligation ainsi que ses modalités d’application s’agissant notamment des catégories de personnes concernées.
Commentaire
Les mesures sont prises pour « garantir la santé publique ». Ok. Donc avec un tel critère, il suffira de deux mots du conseil scientifique ou d’autres instances d’experts autoproclamés pour anéantir tout contrôle effectif du juge administratif, qui ne peut que prendre acte d’un critère sanitaire, car la médecine n’est pas de sa compétence.
Limiter et interdire,… tout y passe, sauf la vie familiale dans la maison d’habitation.
Et la loi permet au Premier ministre d’imposer 1) le suivi d’un traitement préventif ou curatif et 2) l’obligation vaccinale pour « garantir la santé publique » car ceux qui refusent le traitement ou le vaccin perdent « les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités ». « Certains lieux et activités », donc tout. La règle essentielle du consentement aux soins, posée par l’article 16-3 du Code civil, est éliminée, et pas seulement pour le vaccin, pour le traitement aussi !
CONCLUSION
En droit, c’est un cas très avancé de régime dictatorial, car le citoyen voit ses droits et libertés soumis à des décisions du pouvoir exécutif, sans recours effectif.
Est-ce que ce sera bon ou non sur le plan sanitaire ? Je n’en sais rien car la médecine n’est pas ma science. Mais tout de même…
En matière de santé publique, on utilise depuis toujours la réglementation, mais combinée à la responsabilisation, et au service de cette responsabilisation. On ne soigne pas une personne contre son gré, mais en l’aidant à affronter la maladie, avec une considération vraie pour elle, en l’acceptant telle qu’elle est, en lui donnant des informations justes pour comprendre et la mobiliser dans l’effort, pour elle-même et dans le respect des autres. Mais pour cela, il faut autre chose que des mensonges depuis le premier jour – on reparle des masques, inutiles quand ils n’étaient pas en stock ? – et on définit des objectifs logiques et clairs. La raison au lieu de l’autoritarisme ; des citoyens libres et informés, et non pas des sujets réglementés.
Et puis, pour les mêmes mesures, nous changeons tout si 1) la décision dépend d’un cadre législatif effectif, après un vrai débat public, et non pas d’une loi qui délègue tout au gouvernement, et si 2), vu les atteintes graves aux libertés individuelles, on en confie le contrôle – les mesures sont-elles adaptées, nécessaires et proportionnées ? – au juge judiciaire, le gardien des libertés individuelles, avec d’authentiques moyens de défense.
Attention, ils ont peur de tout, et de tout côté, ils réglementent et ils cadenassent, et enrobant le tout de leur insupportable discours mielleux et abêtissant. Stop. Nous ne nous en sortirons pas sans le jeu entier et responsable de nos droits et libertés, c’est un devoir de chaque instant. Libre et responsable, on n’a jamais rien fait de mieux.