Les actualités du droit, avril 2023

L’accès au droit par le recours en justice

En musique avec OSCAR PETTERSON

Oscar Petterson, lors de trois concerts en suède (1963), au Danemark (1964) et en Finlande (1965). Soixante après, cela reste la plus moderne des musiques !  On commence avec un génial et serein Reunion Blues, avant d’enchaîner avec Satin Doll…

SPÉCIAL

la France, État colon à mayotte

L’ile de Mayotte est-elle un département français où la quatrième ile des Comores, l’archipel de quatre iles ? En France, la ligne est que le débat n’a pas a être ouvert. Pourtant, selon le droit international, Mayotte est la quatrième île de l’archipel des Comores, et la France est puissante militaire occupante. Ce pourquoi Les Comores demandent la restitution de leur île. Mais il n’est pas facile pour un Etat parmi les plus faibles de réclamer son droit contre un membre permanent du Conseil de Sécurité. Examinons les faits et le droit.

Les Comores sont une réalité de quatre îles – Mayotte, Mohéli, Anjouan et la Grande-Comore – de temps très anciens. L’archipel des quatre iles est étudié depuis le Vème siècle.

A la fin du XIXème siècle, la France s’est établie à Mayotte, sous forme d’un protectorat, pour ensuite l’étendre aux trois autres îles des Comores (Mohéli en 1886, Anjouan et la Grande-Comore en 1892).

 Pendant les 130 ans de colonisation, la France a toujours reconnu l’unité de l’archipel, et encore par la loi du 9 mai 1946 qui faisait de l’archipel « un territoire jouissant de l’autonomie administrative et financière» (JO, 10 mai 1946, p. 3973).

 

I – La décolonisation et Comores

Les efforts de décolonisation de l’ONU sont fondés sur le « principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » inscrit au paragraphe 2 de l’Article premier de la Charte des Nations Unies,

Le cadre juridique de la décolonisation est la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1960 relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux qui pose le principe de l’unité nationale et l’intégrité territoriale de ces pays, avec quelques articles-clés :

« 1- La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales.

2- Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel.

3- Le manque de préparation dans les domaines politique, économique ou social ou dans celui de l’enseignement ne doit jamais être pris comme prétexte pour retarder l’indépendance. […]

4- Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. »

Sur place, le coup de tonnerre est l’indépendance de Madagascar, obtenue en juin 1960.

Aux Comores, la France avait regroupé ses moyens à Mayotte, et il s’est progressivement constituée une petite communauté – colons et mahorais – porteuse des intérêts économiques, et bien décidée à défendre ses vues, pour maintenir ses privilèges. Donc, sur place, contrôle de toute activité économique significative et à Paris, lobby avec la direction colonialiste.

Le 25 août 1972, le Comité spécial de l’ONU a inscrit l’archipel des Comores sur la liste des territoires pour lesquels doit s’appliquer la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance ». Paris calcule les schémas pour bloquer l’indépendance qui se profile.

Le 23 décembre 1972, la Chambre des députés des Comores, à Moroni, a adopté une résolution demandant « l’indépendance des Comores dans l’amitié et la coopération avec la France. »

Le 15 juin 1973, est signé un accord international entre les Gouvernements de Paris et de Moroni, prévoyant un référendum d’autodétermination fixé au 22 décembre 1974, les résultats devant être « considérés sur une base globale et non île par île », avec pour question : « Souhaitez-vous que le territoire des Comores soit indépendant ?». A ce stade, pas de problème : la question posée est la bonne.

Deux résolutions de l’Assemblée générale liées à cette phase, 3161 (XXVIII) du 14 décembre 1973 et 3291 (XXIX) 3 décembre 1974, ont approuvé ce processus, qui prenaient en compte l’intégralité du territoire comorien.

Pompidou et Giscard d’Estaing mesurent les intérêts mahorais, mais ils ne peuvent s’engager pour la dislocation de l’archipel, une violation flagrante du principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation.

Voici Giscard d’Estaing, lors d’une conférence de presse le 24 octobre 1974 :

« Pour ce qui est de l’île Mayotte, le texte a été évoqué par l’Assemblée nationale, il s’agit de l’archipel des Comores […]. C’est une population qui est homogène, dans laquelle n’existe pratiquement pas de peuplement d’origine française, ou un peuplement très limité. Était-il raisonnable d’imaginer qu’une partie de l’archipel devienne indépendante et qu’une île, quelle que soit la sympathie qu’on puisse éprouver pour ses habitants, conserve un statut différent ? Je crois qu’il faut accepter les réalités contemporaines. Les Comores sont une unité, ont toujours été une unité. Il est naturel que leur sort soit un sort commun […]. Nous n’avons pas, à l’occasion de l’indépendance d’un territoire, à proposer de briser l’unité de ce qui a toujours été l’unique archipel des Comores. »

Mais les activistes…s’activent, et en novembre 1974, la loi votée qui prévoit la tenue dans l’archipel d’un référendum sur l’indépendance, en consultant « les populations comoriennes » et non « le peuple n comorien ».

D’où la question posée pour le référendum du 22 décembre 1974, savoir si « les populations des Comores souhaitent choisir l’indépendance ou demeurer au sein de la République française ».

A Anjouan, Grande Comore et Mohéli le vote favorable avoisinait les 100%. A Mayotte, avec un vote contesté du fait d’irrégularités, le résultat a été favorable au non à 63,82%. Au total, le vote est très favorable à l’indépendance, avec 94,56% des voix.

 

II – Le coup de force de la France

La France refuse le résultat de ce vote, décidant de violer le droit pour conserver Mayotte.

Le 3 juillet 1975, est votée une loi prévoyant que, dans un délai de six mois, un Comité constitutionnel doit établir un projet de Constitution et le soumettre «au référendum avant la proclamation de l’indépendance » et pour être « approuvé île par île» (Art. 2). Ile par ile, et non plus un territoire de quatre îles : cela change tout 

Le 6 juillet 1975, la Chambre des députés des Comores, à l’unanimité des présents (33 sur 39), a prononcé l’indépendance des Comores, soit les quatre iles de l’archipel, désignant le lendemain M. Ahmed Abdallah, chef de l’Etat.

 Le 9 juillet 1975, le gouvernement français a dénié l’indépendance de Mayotte, la France devenant ipso facto puissance occupante au sens des Conventions de Genève.

Le 31 décembre 1975, a été adopté une loi (JO, 2 et 3 janvier 1976) qui décidait de l’indépendance d’Anjouan, la Grande Comore et Mohéli, mais qui prévoyait l’organisation d’une nouvelle consultation à Mayotte, pour savoir si cette ile allait ou non devenir « partie du nouvel État comorien ».

III – L’admission des Comores comme membre de l’ONU

Le 12 novembre 1975, par la résolution 3385 (XXX), l’assemblée générale de l’ONU, a admis les Comores à l’Organisation des Nations-Unies, l’assemblée générale réaffirmant « la nécessité de respecter l’unité et l’intégralité de l’archipel des Comores composé des îles d’Anjouan, de la Grande-Comore, de Mayotte et de Mohéli, comme le soulignent la résolution 3391 (XXIX) du 13 décembre 1994 et d’autres résolutions de l’assemblée générale.

Cette résolution souligne que l’occupation par la France de l’île comorienne de Mayotte constitue une atteinte flagrante à l’unité nationale de l’Etat comorien, violant la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960.

Depuis ce jour, la France est puissance militaire occupante du territoire de Mayotte, au sens des Conventions de Genève. L’Assemblée générale Nations Unies et l’OUA se prononcent sans relâche pour confirmer cette analyse, cette violation sereine du droit commise par un membre permanent du Conseil de Sécurité restant un cas d’école.

 

IV – Les référendums illégaux organisés par la France

 Le 12 novembre 1975, l’Assemblée générale des Nations unies réaffirme « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli ».

Les 8 février et 11 avril 1976, la France organise deux référendums sur le territoire de Mayotte, ce qui excédait manifestement ses pouvoirs de puissance occupante.

Le 21 octobre 1976, dans sa résolution n° 31/4, l’AG ONU condamne les référendums des 8 et 11 février 1976 organisés dans l’ile comorienne de Mayotte par le gouvernement français qui sont considérés comme nuls et non avenus :

« L’Assemblée générale,

Rappelant que l’ensemble du peuple de la République des Comores, par le référendum du 22 décembre 1974, a exprimé à une écrasante majorité sa volonté d’accéder à l’indépendance dans l’unité politique et l’intégrité territoriale,

Considérant que les référendums imposés aux habitants de l’île comorienne de Mayotte constituent une violation de la souveraineté de l’Etat comorien et de son intégrité territoriale,

Considérant que l’occupation par la France de l’île comorienne de Mayotte constitue une atteinte flagrante à l’unité nationale de l’Etat comorien, Membre de l’Organisation des Nations Unies,

Considérant qu’une telle attitude de la France constitue une violation des principes des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, en particulier de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, en date du 14 décembre 1960, relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, qui garantit l’unité nationale et l’intégrité territoriale de ces pays,

  1. Condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus, et rejette
  2. a) Toute autre forme de référendums ou consultations qui pourraient être organisés ultérieurement en territoire comorien de Mayotte par la France;
  3. b) Toute législation étrangère tendant à légaliser une quelconque présence coloniale française en territoire comorien de Mayotte;
  4. Condamne énergiquement la présence de la France à Mayotte, qui constitue une violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores;
  5. Demande au Gouvernement français de se retirer immédiatement de l’île comorienne de Mayotte, partie intégrante de la République indépendante des Comores, et de respecter sa souveraineté;
  6. Invite tous les Etats Membres à apporter, individuellement et collectivement, une aide efficace à I’Etat comorien et à coopérer avec lui dans tous les domaines pour lui permettre de défendre et sauvegarder son indépendance, l’intégrité de son territoire et sa souveraineté nationale;
  7. Lance un appel à tous les Etats Membres afin qu’ils interviennent, individuellement et collectivement, auprès du Gouvernement français en vue de l’amener à renoncer définitivement à son projet de détacher l’île comorienne de Mayotte de la République des Comores;
  8. Demande au Gouvernement françaisd’entamer immédiatement des négociations avec le Gouvernement comorien pour la mise en application des dispositions de la présente résolution ».

La France a choisi la voie inverse, à savoir la consolidation en interne de l’illégalité internationale. Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est le 101ème département français.

Le 11 juillet 2012, le Conseil de l’Union européenne a adopté une décision modifiant le statut de Mayotte à l’égard de l’Union européenne l’ile devant une « région ultra-périphérique », considérée comme un territoire communautaire auquel le droit de l’Union européenne s’applique de plein droit. (JOUE L 204/131 du 31/07/2012).

VI – Le drame humain des morts en mer

Ce territoire de quatre iles est marqué par une profonde unité de fait de son histoire. Aussi, les Comoriens ont toujours eu des habitudes constantes de passage d’une île à l’autre.

Pendant une vingtaine d’années, la France a laissé les populations vivre de cette manière. Les trajets se faisaient donc dans des conditions sécurisées. Les incidents étaient extrêmement rares.

Tout a changé le 18 janvier 1995 quand le gouvernement, alors dirigé par Monsieur Balladur, a imposé aux ressortissants comoriens la formalité d’un visa pour entrer à Mayotte, mis en application à partir de critères très stricts. Le but était d’interdire la venue des Comoriens sur leur territoire ancestral. Les Comoriens sont considérés comme étrangers à Mayotte, alors que c’est leur territoire.

Cette interdiction accès au territoire, parfaitement contraire au droit international, a obligé les Comoriens recourir à des solutions de fortune, cherchant des passages à bord de petites embarcations, dénommée kwassa-kwassa, pour traverser ce bras de mer de 70 kilomètres qui sépare l’île d’Anjouan de Mayotte.

Cette traversée se révèle très dangereuse. Selon les autorités comoriennes, en 20 ans, entre 12 000 et 15 000 personnes ont péri dans ce « canal de la mort ». Côté français, un rapport sénatorial datant de 2012 compte entre 7 000 et 10 000 morts lors de ces traversées depuis 1995.

Au niveau national, les autorités annoncent chaque année un chiffre global avoisinant les 40 000 expulsions d’étrangers sans papier. Sur ce chiffre, les expulsés comoriens depuis Mayotte représentent les deux tiers. En réalité, ce sont des nationaux qui se rendent sur leur terre ancestrale, et qui sont expulsé par une puissance militaire illégale.