Les actualités du droit, février 2023
L’accès au droit par le recours en justice
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Focus sur…
Légiférer en état d’ébriété ?
Le 8 février, s’est tenue une réunion du bureau de l’Assemblée nationale réunissant la présidente, les questeurs, les vice-présidents, les secrétaires et les présidents des groupes parlementaires. A l’ordre du jour, les comportements insultants et outranciers, à la demande de la cheffe des députés Renaissance, Aurore Bergé, celle de l’alcoolisation excessive des députés à la buvette de l’Assemblée nationale, à la demande de Caroline Fiat, de la France Insoumise. Deux sujets liés. La première questeure, Marie Guévenoux (Renaissance), chargée de la gestion administrative et financière, a précisé que le pic de consommation d’alcool se situait entre 20 heures et 21 h 30. L’hypothèse d’une interdiction de l’alcool à la buvette des députés après 21 h 30 a été évoquée par l’élu RN Sébastien Chenu. Une étude sur cette consommation d’alcool sera présentée lors du prochain bureau, le 7 avril.
Dans l’attente, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, « a souhaité que chaque président de groupe concerné par le comportement d’un de ses membres gère ce type de situation si elle se présente ». Aurore Bergé confirme : « C’est aussi notre job de faire attention aux écarts et d’être attentifs aux autres ».
Il a beaucoup été écrit que, pendant les débats sur la réforme des retraites, l’ambiance était électrique à l’Assemblée nationale du fait des enjeux, mais en réalité elle était surtout alcoolisée.
Ça commence par des « coupettes » à 11 heures du matin, avec des députés qui passent au rhum dès 16 heures, avec un pic de consommation entre 20 heures et 21 h 30, à l’heure du dîner. En début de soirée, c’est chaud : « On vide les tonneaux à vitesse grand V », explique une écologiste, et la buvette est bondée : « Impossible de trouver une place à la buvette » ajoute un macroniste. Bière, vin, champagne, alcools forts… Conséquence : la buvette est venue à manquer de certains spiritueux selon les soirs. Une députée assure avoir vu un collègue « se faire ramasser par les serveurs de la buvette tellement il était mal ». Et, soyons fous : vendredi 17 février, à l’issue des débats sur la réforme des retraites, la soirée s’est prolongée jusqu’à 3 heures du matin, avec « alcool à gogo » dans les jardins et à la buvette de l’Assemblée.
Avec des débats effectivement importants : « Les Insoumis seront plus chaud ce soir parce qu’ils seront passés par la buvette », rigole par exemple un élu macroniste au JDD. Alors qu’un député Nupes le promet : « Je vois plus de vieux députés Les Républicains qui boivent, que des députés La France Insoumise. »
Le fait est reconnu, et le motif mis en avant est bien faible : un coup dans le nez pour « décompresser voire même « tenir face au stress et à la charge de travail ». Bichette…
Je pose une première question : que vaut une loi votée en état d’ébriété ? Et une deuxième : Voter pour un candidat qui s’engage à ne pas être bourré quand il siège à l’Assemblée ? L’irresponsabilité sociale de ces abrutis est consternante.
À lire …
Les balourds de Bayrou rectifiés par le Parquet de Paris
Le 31 janvier, le procureur de la République de Paris a ordonné le renvoi de Bayrou, patron du MoDem, et de douze des responsables du parti centriste en correctionnelle dans l’affaire des assistants au Parlement européen pour « détournement de fonds publics » à propos des assistants au Parlement européen.
Bayrou est aussitôt venu chouiner sur BFMTV : « La vie politique, c’est une jungle. Et assez souvent, les bêtes fauves qui vous agressent ne se trouvent pas nécessairement dans le camp de vos ennemis. Nous n’avons jamais utilisé ces procédés-là. L’ensemble des preuves que nous apporterons montrera que ceux qui nous ont attaqués étaient des adversaires politiques ».
Le type-même d’argumentaire bidon, tellement nul qu’il annonce une prochaine condamnation. Tu vas apporter des preuves maintenant, après 5 ans d’enquête ?
Le démenti est vite venu, avec la publication dans la presse du réquisitoire du parquet de Paris, et là, c’est du sérieux : 121 pages rédigées par les services les plus compétents, pour faire la synthèse des agissements de François Bayrou, Sylvie Goulard, Michel Mercier et autres dans l’enquête ouverte en juillet 2017 pour détournement de fonds publics. A la base du dossier, un rapport de synthèse des policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) en date du 14 avril 2021.
Selon le réquisitoire, l’UDF, le MoDem et leurs responsables ont « sollicité du parlement européen la prise en charge de salaires et charges afférentes aux contrats d’assistants parlementaires alors que ces derniers occupaient en réalité, en tout ou en partie, un emploi au sein du parti ». Ils ont organisé « l’affectation des enveloppes d’assistance parlementaire des députés européens pour faire supporter au Parlement européen la prise en charge de salaires et frais de collaborateurs du parti sous couvert de contrats d’assistance parlementaire locaux. » Ils ont également demandé « aux députés européens d’engager en qualité d’assistants parlementaires des personnes occupant des emplois au sein du parti et de solliciter du Parlement européen la prise en charge de leurs rémunérations et frais afin de financer au moins en partie leur emploi par le parti ».
Le préjudice pour le Parlement européen est estimé à 554 074 euros concernant le MoDem (7 emplois d’assistants entre décembre 2007 et janvier 2017), et au moins 134 312 euros s’agissant de l’UDF (4 emplois entre juin 2005 et décembre 2013).
La défense de François Bayrou ne concerne pas les faits – comment contester des écrits et opérations bancaires ? – mais son rôle : Bayrou renvoie « à la responsabilité des eurodéputés dans le choix d’embauche de leurs assistants et le contrôle de leurs tâches, décrivant les parlementaires comme sourcilleux et jaloux de leur indépendance. […] Il indiquait qu’en tout état de cause, lui-même ignorait tout des contrats de travail considérés comme litigieux. Il soulignait qu’il n’avait qu’une responsabilité politique et aucune responsabilité administrative au sein des partis UDF et MoDem, et qu’il faisait confiance aux trésoriers successifs et aux responsables administratifs sans vérifier quoi que ce soit, sauf en cas de déficit ».
Très élégant, Bayrou désigne ainsi Alexandre Nardella, le directeur financier du MoDem, comme étant responsable de ces questions au sein du parti, mais celui-ci s’est défendu en déclarant qu’il avait reçu des « instructions ».
Le réquisitoire balaie cette défense asthmatique et minable : « Contrairement aux affirmations de François Bayrou, les nouveaux statuts du MoDem adoptés en 2010 prévoient que le président prend ‘toutes décisions relatives à la gestion et à la conservation du patrimoine du MoDem, et particulièrement celles relatives à l’emploi des fonds à la gestion du personnel’ ». Même chose ou presque pour l’UDF. « Pour faire vivre son parti et assurer son fonctionnement à moindre coût, François Bayrou et Marielle de Sarnez, épaulés par les cadres du parti, ont mis au service de l’UDF puis du MoDem des assistants parlementaires rémunérés par le Parlement européen. Ce système a pu être mis en place grâce au consentement des eurodéputés, qui s’engageaient à cette mise à disposition dans l’intérêt du parti qu’ils représentaient et qui avait porté leur élection. Cette stratégie était peaufinée avec le temps, puisque les collaborateurs parlementaires détournés disposaient d’un contrat de travail à temps partiel avec le parti et un autre avec l’élu européen, ‘endormant’ ainsi la vigilance des services du Parlement européen et rendant très malaisés d’éventuels contrôles ou vérifications portant sur la réalité du travail des assistants bénéficiant de ces doubles emplois physiquement situés dans les locaux de l’UDF et du MoDem ». Cette méthode de gestion permettait au directeur administratif et financier « de pouvoir disposer assez librement d’une partie des enveloppes financières des eurodéputés, qu’il pouvait ainsi utiliser au profit du parti afin de pallier ses difficultés financières, substituant les fonds européens aux fonds propres du MoDem pour assurer le règlement des rémunérations de salariés agissant pour le compte du parti ».
Le réquisitoire, étayé par le travail d’enquête, sera le guide du procès à venir : « François Bayrou apparaissait donc bien, en tant que président des deux partis, décideur et responsable de la mise en place et du fonctionnement du système frauduleux d’allègement de leurs charges via la conclusion de contrats d’assistants parlementaires de complaisance par des eurodéputés, tel que mis à jour par les investigations. Au regard du mode de fonctionnement des partis résultant des statuts, et du poids de ses deux têtes, François Bayrou et Marielle de Sarnez […], il apparaissait clairement que les arbitrages et instructions données avaient été de leur fait, notamment s’agissant de l’engagement demandé aux députés européens d’engager un assistant parlementaire basé au siège et ainsi laissé à la disposition du parti, pierre angulaire du système ».
Pour faire bon poids, le réquisitoire fait état d’une note instituée « pistes d’organisation maison », retrouvée par perquisition dans l’ordinateur de F Bayrou, confirmant « qu’il était parfaitement informé du mécanisme en place tenant à faire porter sur des financements extérieurs des charges salariales du parti […]. Autres preuves, avec « des documents retrouvés dans le bureau de François Bayrou avec des tableaux listant le personnel du parti et mettant en exergue les coûts salariaux, précisant pour ceux en temps partiel avec un contrat les liant à un député la mention salaire » suivie du nom du député concerné. Et le parquet ajoute : « Enfin, s’il déclarait n’en avoir aucun souvenir, plusieurs députés déclaraient lui avoir fait part de leur mécontentement concernant un fonctionnement qu’ils estimaient illicites ».
Suite au retrait de son poste (éphémère) de ministre de la justice, il aura néanmoins reçu plusieurs lots de consolation de la part d’Emmanuel Macron : il a été nommé haut-commissaire au plan en septembre 2020, puis secrétaire général du Conseil national de la refondation (CNR) en septembre 2022, et il vient d’être promu directement au grade d’officier de la Légion d’honneur en janvier dernier.
Les actualités du droit, février 2023
1 février – Nouvelles bases militaires des Etats-Unis aux Philippines
Les soldats US accèdent à quatre nouvelles bases militaires aux Philippines, le résultat d’un nouvel accord conclu, le 1 février, entre les États-Unis et les Philippines à l’occasion d’une visite du secrétaire à la Défense Lloyd Austin à Manille.
Les deux Etats élargissent ainsi l’accès de l’armée américaine à des bases militaires philippines – aujourd’hui limité à cinq – à quatre nouveaux emplacements. Bien installés au Nord de cette zone militaire et économique stratégique à Okinawa au Japon et en Corée du Sud, les US ont désormais toutes facilités au Sud grâce à ces bases dans les Philippines.
Les Etats-Unis et les Philippines sont liés par un traité de défense mutuelle datant de 1951, mais Manille avait pris du recul, cherchant une position plus équilibrée vis-à-vis de Pékin. L’ex-président Rodrigo Duterte s’était tourné vers la Chine au détriment de Washington, ancien colonisateur des Philippines, mais le nouveau gouvernement de Ferdinand Marcos Jr revient à cette alliance ancienne. Le rapprochement avec les Etats-Unis s’était matérialisé en 2014 par un pacte, connu sous l’acronyme d’EDCA, qui permet à l’armée états-unienne d’accéder à cinq bases philippines, mais aussi d’y stocker des équipements et matériels militaires. Avec cette nouvelle annonce, les États-Unis auront accès à au moins neuf bases militaires des Philippines.
Compte tenu de la proximité de Taïwan, ce rapprochement est mis en avant comme un élément clé dans l’éventualité d’un conflit avec Pékin. Pékin a déploré la signature de l’accord militaire assurant qu’il contribuerait à nourrir les tensions dans la région.
5 février – Pas d’attaque du territoire russe avec des armes occidentales, assure Scholz
Dans une interview publiée le 5 février dans l’hebdomadaire Bild am Sonntag, le chancelier allemand limite strictement l’appui militaire : « Avec nos alliés, nous fournissons des chars de combat à l’Ukraine pour qu’elle puisse se défendre. Nous avons soigneusement pesé chaque livraison d’armes, en étroite coordination avec nos alliés, à commencer par l’Amérique. Cette approche commune permet d’éviter une escalade de la guerre ».
5 février : Le parquet entre dans la communication
Diffusion d’une circulaire datée du 19 janvier relative à l’application de l’article 11 du Code de procédure pénale réformé par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire… Une petite révolution, qui fait du procureur de la République un communiquant sur une affaire en cours, dans le but de satisfaire les attentes des médias et notamment des chaines d’information en continu.
Cette communication « se professionnalise » en faisant appel aux services d’agences de communication. Pourquoi pas, mais comment préserver le secret de l’enquête et de l’instruction ? On verra…
Ensuite, la possibilité pour le procureur de République de communiquer sur une affaire en cours, introduite par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, possibilité très pratiquée, avait pour but d’« éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public » et permettait de « rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure sans porter d’appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ».
La loi du 22 décembre 2021 ajoute un nouveau but, « afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie ». Dans ce cadre, le procureur pourra rendre publics des « éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ».
« Tout autre impératif d’intérêt public », soit une manière de dire que le procureur entre de plein pied dans la communication.
Rappel : Les uns et les autres doivent respecter l’article 11 du code de procédure pénale : « vigilance absolue quant au respect de la présomption d’innocence », « préservation de l’efficacité des investigations ».
7 février – L’Eglise d’Angleterre donne sa bénédiction aux couples homosexuels
L’Eglise d’Angleterre va permettre aux prêtres de bénir les couples de personnes de même sexe, un compromis qui suscite des remous au sein du culte anglican.
Les près de 500 membres du synode général ont voté à une confortable majorité – 250 pour, 181 contre et 10 abstentions – en faveur de ces bénédictions. Si la motion adoptée jeudi reconnaît « l’échec de l’Eglise » concernant l’accueil des personnes LGBT+ et « le mal que les personnes LGBT+ ont subi et subissent encore dans la vie de l’Eglise », elle confirme aussi l’interdiction de célébrer des mariages religieux entre personnes de même sexe.
Cette décision est le résultat de six années de consultations, qui ont révélé au grand jour les fractures traversant l’Eglise anglicane et ses 85 millions de fidèles, sur cette question. Si l’Eglise d’Angleterre apparaît globalement plus libérale sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la communauté LGBT+, ce n’est pas le cas d’autres Églises anglicanes, en particulier dans certains pays d’Afrique subsaharienne où l’homosexualité reste considérée comme un crime.
« Le synode est maintenant parvenu à un résultat. Je reconnais que certains en seront profondément reconnaissants et que d’autres vont en être blessés », a déclaré l’évêque de Londres, Sarah Mullally, après l’annonce du résultat.
9 février – Insultes d’Hanouna : 3,5 millions d’euros d’amende
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) condamne la chaîne de télévision C8 à payer une amende de 3,5 millions d’euros à la suite des insultes adressées par Cyril Hanouna à l’encontre du député Louis Boyard, le 10 novembre 2022 : « Espèce d’abruti », « Ferme ta gueule », « T’es un naze », « Tocard, va, allez, tais-toi ! Bouffon, va », « T’es un malade », « Tu sais que tu es dans le groupe Canal+ ici ? Qu’est-ce que tu viens foutre ici ? ». Ce mec est vraiment sans tenue, et sans aucune retenue.
L’Arcom a déploré le « caractère injurieux » de ces propos ainsi que leur accumulation, « d’une particulière agressivité ». Dans sa décision, elle regrette l’absence de « maîtrise de l’antenne », notant « qu’aucune personne présente en plateau » n’ait « cherché à tempérer » Cyril Hanouna « ni à modérer ses propos ».
De plus, elle stigmatise le manquement « à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent », pour avoir refusé de laisser Louis Boyard dénoncer les agissements de Vincent Bolloré, le propriétaire du groupe Canal+, en Afrique.
9 février – Nicaragua : 222 prisonniers politiques libérés et expulsés
À la surprise générale, le Nicaragua a libéré 222 prisonniers politiques, soit la quasi-totalité de ceux qui avaient été emprisonnés après les manifestations lancées en 2018 contre le régime de l’ancien guérillero sandiniste, revenu au pouvoir en 2007, Daniel Ortega, et ils sont arrivés à Washington.
En 2018, des manifestations réclamant le départ de Daniel Ortega avaient été sévèrement réprimées, le pouvoir considérant ces protestations comme une tentative de coup d’Etat avec le soutien des Etats-Unis. Plus de 350 personnes avaient été tuées, et 200, emprisonnées.
Daniel Ortega a été réélu en novembre 2021, pour un quatrième mandat consécutif
Pour le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, « Les Etats-Unis accueillent 222 personnes qui ont enduré de longues et injustes périodes de détention ». Leur libération est « une étape constructive » qui « ouvre la porte à un dialogue » entre Washington et Managua.
Leur remise en liberté a été décidée par les autorités du Nicaragua, mais les Etats-Unis ont ensuite « facilité » leur transport, a précisé une porte-parole du département d’Etat. En clair, tout a été négocié en amont.
Le magistrat Octavio Rothschuh, de la cour d’appel de Managua, a confirmé « l’expulsion » des 222 prisonniers, qualifiés de « traîtres à la patrie », ajoutant que leurs droits civiques ont été suspendus à vie, avant leur prochaine déchéance de nationalité.
10 février – Cambodge : des villages rayés de la carte au nom de la préservation du site d’Angkor
Les temples d’Angkor, qui accueillaient plus de deux millions de visiteurs étrangers en 2019, se préparent au retour en force des touristes, avec la fin des restrictions de voyage liées au Covid-19.
Quelque 120.000 personnes habitaient en 2013 les 400 km2 de la zone protégée des temples d’Angkor, soit six fois plus que vingt ans plus tôt. Selon les autorités, cette expansion de la population locale, parallèle à celle du tourisme, menace l’intégrité du site, de par les déchets générés, ou l’usage excessif de l’eau, ont assuré les autorités locales, et le plan est de reboiser ces espaces. Aussi, les autorités ont engagé un vaste plan pour expulser ces habitants. Le programme de relogement ne concerne pas les populations installées depuis des générations, et repose sur la base du volontariat, mais en pratique le départ s’impose. Les familles reçoivent « un droit de propriété sur un lopin de 20 mètres sur 30, 350 dollars, une carte de santé et de la tôle pour le toit de leur future maison qu’ils doivent bâtir ».
L’Unesco, qui s’était inquiétée en 2008 des risques liés au développement urbain, assure n’avoir jamais appelé au déplacement de populations locales.
Cette question sensible s’est posée ailleurs, comme à Pétra en Jordanie, ou à Louxor en Egypte.
11 février – Un quart des poissons pêchés en France sont toujours issus d’une population surexploitée
Après s’être largement amélioré depuis le début des années 2000, l’état des populations pêchées dans l’hexagone stagne depuis 5 ans : la part des volumes de poissons débarqués provenant de populations non surexploitées oscille autour de 50 % ; en revanche, le nombre de populations non surexploitées continue d’augmenter, il est ainsi passé de 56 en 2017 à 72 en 2021. Cet apparent paradoxe s’explique cette année : d’un côté, par la dégradation de l’état de la population de maquereau de l’Atlantique Nord-Est, une espèce qui contribue à 7 % du total des volumes pêchés et, d’un autre côté, par le fait que les pêcheurs ont moins puisé dans les populations en bon état comme le merlu. Cette stagnation laisse présager qu’il sera difficile d’atteindre dans un futur proche l’objectif de 100 % des populations pêchées au niveau du rendement maximum durable fixé par la Politique commune de la pêche.
13 février – Séisme en Turquie et en Syrie : l’Allemagne simplifie ses procédures d’obtention de visas
Face la catastrophe que sont les séismes en Turquie et en Syrie, l’Allemagne a décidé de mettre en place « des procédures très simplifiées pour obtenir des visas de trois mois ». Des visas qui permettront de venir en Allemagne pour « se loger et se faire soigner ».
Le ministère allemand des Affaires étrangères a renforcé ses équipes sur place, notamment en Turquie, au plus près des zones touchées, indiquant que des centres de visas ont ainsi été installés pour diminuer les contraintes administratives. Pour obtenir ce visa allemand, il faut avoir un passeport en cours de validité, et surtout avoir de la famille ou un point de chute en Allemagne. Plus de trois millions de personnes d’origine turque résident déjà en Allemagne, et 900 000 personnes d’origine syrienne.
15 février – Aux Pays-Bas, des tensions persistantes sur le marché du travail
Le nombre d’emplois vacants est actuellement de 123 postes pour 100 chômeurs, 15 fois plus que la France. Pour combler ces emplois, les entreprises misent de plus en plus sur l’immigration. Avec un solde migratoire de plus de 277.000 personnes en 2022 contre 161.000 pour la France, le pays a attiré un nombre record d’immigrés. Mais cet afflux suffit à peine à répondre aux besoins du marché.
De nombreux secteurs ont déjà vu les salaires augmenter de plus de 10 %, comme dans le BTP et les chemins de fer, et même de 40 % dans le secteur de la sécurité. Le personnel du port de Rotterdam a de son côté réussi à négocier une augmentation de 17 % cette année. La pénurie et l’inflation élevée ont entraîné de fortes augmentations de salaire au cours de l’année écoulée, mais les demandes ne sont pas toujours satisfaites.
Le pays, habitué à résoudre les problèmes entre travailleurs et employeurs par le dialogue social, est maintenant confronté à des grèves. Sur le long terme, les employeurs n’ont guère d’autre choix que de répondre favorablement aux exigences des syndicats.
16 février – Un haut fonctionnaire forçait des femmes à uriner devant lui : l’État condamné par le tribunal administratif
Pendant dix ans, un haut fonctionnaire du ministère de la culture avait en effet fait passer des entretiens à des femmes qu’il intoxiquait afin de les regarder uriner devant lui. Il commençait par leur proposer thé ou café, y ajoutait discrètement un diurétique et imposait une balade à l’extérieur. Sous l’effet du médicament, les victimes ne pouvaient plus se retenir et finissaient par uriner devant lui, parfois sur elles, pendant qu’il faisait mine de les cacher. Il rentrait ensuite au ministère consigner tout de manière clinique dans un tableur Excel nommé « Expériences ». Exemple : « Elle commence à baisser collants et culotte (noire). […] Elle s’accroupit et lâche un jet très fort et très long. »
Parmi les 250 victimes de ce dossier, sept d’entre elles avaient donc saisi cette juridiction et posaient cette question : comment le ministère de la culture a-t-il pu ignorer les faits pendant tant d’années ?
La réponse est venue du tribunal administratif de Paris qui dans un jugement du 16 février condamne l’État à indemniser les victimes des préjudices subis en raison d’une situation humiliante qui leur a été « imposée par un sous-directeur qui a travaillé au ministère de la culture ».
Dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre, le sous-directeur a reconnu avoir imposé des situations humiliantes aux femmes qu’il recevait en entretien et dont la liste a été tenue par lui dans un tableau dans lequel figurait le nom de la requérante avec des mentions sur sa réaction physiologique lors de l’entretien.
Après avoir rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service commise par un agent d’une administration, alors même qu’elle doit, par sa gravité, être regardée comme détachable du service, engage la responsabilité de l’administration qui l’emploie, le tribunal administratif, dans son jugement du 16 février 2023, retient que la faute commise par l’ancien sous-directeur du ministère de la Culture constitue une faute personnelle détachable du service compte tenu de sa gravité et condamne l’Etat à réparer l’intégralité des préjudices subis par la requérante en lien certain et direct avec cette faute.
18 février – EDF : la production des réacteurs tombée à 54%
Le producteur national d’électricité EDF a connu l’une des pires années de l’histoire des entreprises françaises, perdant 18 milliards d’euros et voyant sa dette atteindre un montant sans précédent de 65 milliards d’euros en 2022. L’année dernière, la production moyenne des 56 réacteurs nucléaires français est tombée à 54 % – contre 73 % au cours des cinq années précédentes.
EDF n’a pas été en mesure de produire suffisamment d’électricité avec ses centrales existantes, situation qui a contraint le groupe à acheter de l’électricité à prime sur le marché international.
Le nouveau PDG Luc Rémont explique : « Malgré une forte hausse du chiffre d’affaires soutenue par les prix de l’électricité et du gaz, la marge brute d’exploitation d’EDF a été fortement pénalisée par la baisse de la production nucléaire ainsi que par les mesures réglementaires exceptionnelles mises en place en France pour 2022, dans des conditions de marché difficiles ».
L’État français est en phase de renationaliser EDF pour faire passer un plan de renaissance nucléaire de 60 milliards d’euros impliquant six réacteurs EPR.
23 février – La vision de la Chine pour un « règlement politique » de la guerre en Ukraine
Depuis le début du conflit, la Chine affiche une « neutralité » pro russe. La prochaine étape sera la visite de Xi Jinping à Moscou au printemps, afin de renforcer le partenariat stratégique entre les deux alliés. En un an, le président chinois n’a pas eu de contacts directs, du moins officiellement, avec son homologue ukrainien.
La Chine estime que le principal responsable de la guerre en Ukraine est l’Occident dirigé par les États-Unis, et qu’après le déclenchement du conflit, l’Occident a tenté d’utiliser la guerre pour affaiblir la Russie et parvenir à ses objectifs géostratégiques. Elle craint que si la Russie se retire dans la défaite, cette pression politique, économique et militaire de l’Occident ne se concentre ensuite sur la Chine, et qu’elle soit la prochaine cible. En défendant ses intérêts, la Chine essaie de parvenir à un équilibre entre deux objectifs : d’une part stabiliser et améliorer ses relations avec l’Occident, et d’autre part maintenir et même continuer à approfondir son partenariat stratégique avec la Russie.
Ainsi, la ligne rouge que s’est fixée la Chine, c’est d’éviter une défaite complète de la Russie. Si l’armée russe est vaincue, la situation politique en Russie pourrait devenir instable, avec même la possibilité de l’émergence d’un leader proche de l’Occident. Si c’était le cas, au lieu de s’associer à la Chine pour faire face à l’ennemi commun auquel ils sont tous deux actuellement confrontés, la Russie rejoindrait le camp de l’Occident.
23 février – L’Europe de l’énergie s’est massivement tournée vers les Etats-Unis
Pour pallier la chute des approvisionnements russes en gaz et sanctionner Moscou sur le pétrole, l’Europe a dû chercher de nouvelles sources. Elle les a trouvées en grande partie aux Etats-Unis, où l’offre est plus flexible et amenée à croître dans les prochaines années. Résultat : les États-Unis sont devenus le premier fournisseur d’énergie de l’Union européenne.
25 février – Salvador : transfert des premiers membres de gangs dans la nouvelle méga-prison
En mars 2022, le président Nayib Bukele avait obtenu du congrès d’El Salvador d’adopter un état d’exception, depuis prolongé, qui suspend certains droits constitutionnels pour répliquer à l’augmentation spectaculaire des meurtres attribués à des gangs violents. Deux gangs notoires dominent El Salvador, le MS-13 et le gang de la 18e rue. Les deux sont originaires de Los Angeles et se sont répandus à travers l’Amérique centrale.
En un an, plus de 64 000 suspects ont été arrêtés. Des arrestations effectuées sans mandat, avec le libre accès des autorités aux communications privées, et l’absence d’avocat dans cette phase. Les personnes restent détenues dans l’attente d’un procès, d’ici quelques années, avec un recours au juge au bout de 6 mois, mais qui reste sans application vu la masse des procédures.
Une centaine de décès suspects ont été déplorés, mais aucune investigation n’a suivi.
Pour les regrouper, a été construite la prison de Tecoluca, le « Centre de confinement du terrorisme » (Cecot) d’une capacité de 40 000 places, à 74 kilomètres au sud-est de la capitale San Salvador. Ce complexe gigantesque se compose de huit bâtiments, chacun comptant 32 cellules d’environ 100 mètres carrés conçues pour accueillir plus de 100 détenus, selon le ministre des Travaux publics, Romeo Rodriguez. Elle s’étend sur 166 hectares, tandis que 600 soldats et 250 policiers la sécuriseront. C’est la grande prison du monde.
Les 2 000 premiers prisonniers ont été transférés, et dans une impressionnante vidéo partagée sur Twitter par M. Bukele, on peut voir de nombreux prisonniers au corps tatoué, signe de leur appartenance aux deux principaux gangs du MS-13 et du Barrio 18, alignés dans la cour d’une prison dans l’ouest du pays. Puis, menottés dans le dos, ils ont été transférés en bus sous une lourde escorte, dont plusieurs hélicoptères militaires, jusqu’au CECOT : « Ce sera leur nouvelle maison, où ils vivront pendant des décennies, mélangés, incapables de faire plus de mal à la population », a déclaré M. Bukele.
« Cellule par cellule, nous éliminons ce cancer de la société. Sachez que vous ne sortirez plus jamais du CECOT, vous paierez pour ce que vous êtes… lâches terroristes », a déclaré le ministre de la Justice et de la Sécurité Gustavo Villatoro sur Twitter.
Avec près de deux pour cent de sa population adulte derrière les barreaux, El Salvador a le taux d’incarcération le plus élevé au monde.
Le président Nayib Bukele a défendu la mesure au milieu des critiques des groupes de défense des droits, affirmant qu’elle avait réduit les homicides, l’extorsion et la présence visible de gangs. Les taux de criminalité ont suffisamment baissé, du moins à court terme , pour que les Salvadoriens déclarent se sentir plus en sécurité.
Le gouvernement va s’assurer que les personnes déjà derrière les barreaux y restent, en particulier à l’approche des élections de février 2024, au cours desquelles Bukele va se porter candidat.
En Amérique latine, sa répression militarisée contre les gangs lui vaut un fan club, qui ne cesse de croître. Des politiciens éminents et des gens ordinaires de pays allant des régions voisines de l’Amérique centrale au lointain Pérou et au Chili ont professé leur admiration pour sa politique et ont exprimé le désir de voir leur propre pays adopter une approche similaire.
27 février – A Lima, le « mur de la honte » en voie de démantèlement
Le tribunal constitutionnel a ordonné la destruction d’une partie de cette construction séparant les quartiers riches des quartiers pauvres de Lima. D’un côté La Molina, le quartier cossu. De l’autre, un des quartiers périphériques du district de Villa Maria del Triunfo, érigé sur un flanc de colline désertique, où la plupart des maisons sont constituées de tôle, de parpaings et de planches de bois cloutées, s’alignant le long de rues non asphaltées. Une requête avait été déposée en 2017 par un habitant du quartier pauvre de Villa Maria del Triunfo, et cinq ans plus tard, le tribunal constitutionnel a donc tranché en sa faveur.
Ce mur long de plusieurs kilomètres, constitué de pierres et de béton, montant jusqu’à 3 mètres de haut, avec des barbelés au sommet, sépare certains quartiers parmi les plus riches, à l’est de la capitale, d’autres parmi les plus pauvres, situés de part et d’autre d’une même colline.
Le juge Gustavo Gutierrez Ticse, l’un des sept membres de l’organe judiciaire, a expliqué : « C’est un mur inadmissible dans une démocratie. Non seulement ce mur porte atteinte à la liberté de circulation, mais surtout, c’est un mur discriminatoire car il sépare deux classes sociales ».
Les mots du magistrat Ticse résonnent particulièrement fort au Pérou. Le pays andin traverse une grave crise politique et sociale depuis la destitution de l’ex-président Pedro Castillo, le 7 décembre 2022. Les manifestants exigent la convocation d’élections anticipées, avant celles prévues en 2026.
Le mur de Lima est devenu le symbole des inégalités au Pérou : 1 % de la population concentre près de 30 % des richesses, selon les données du World Inequality Report 2022. Une personne pauvre à Lima peut payer jusqu’à dix fois plus pour bénéficier du service d’eau potable qu’une personne vivant en zone résidentielle, à cause des difficultés de distribution dans les zones périphériques, où le réseau n’est pas raccordé et où la distribution dépend du passage de camions-citernes.