Les actualités du droit, octobre 2022

L’accès au droit par le recours en justice

En musique avec CESARIA EVORA

La beauté et tellement de bien… Irremplaçable Cesaria Evora et son orchestre au sommet, en concert à Paris en 2004

Focus sur…

Une idée intéressante :
embaucher autant d’infirmières-psy que de policiers

Vancouver a un nouveau maire Ken Sim, arrivé jeune enfant depuis la Chine avec ses parents. Comptable de profession, et il est à la tête d’une importante entreprise, Nurse Next Door, un service de soins à domicile pour les personnes âgées, avec plus de 5 000 employés et de solides résultats. A 52 ans, le voici maire.

La vie publique à Vancouver – ce n’est pas très orignal – a été marquée par des faits divers sur fond de difficultés sociales, et c’est devenu l’un des points noirs pour le maire sortant. La réponse passe bien sûr par l’embauche de policiers, mais là où c’est plus intéressant, c’est que le maire va embaucher autant de policiers que d’infirmières et d’infirmiers spécialisés en santé mentale, et ils feront équipe par deux pour intervenir sur le terrain. Le slogan était percutant : 100 policiers et 100 infirmières en santé mentale, soit 20 millions de dollars par an sur quatre ans.  Les appels à la police mais liés à la santé mentale ont augmenté de 9 % en Colombie-Britannique de 2018 à 2020. Au cours de la même période, les appréhensions liées à la santé mentale ont augmenté d’environ 18 %.

L’idée est qu’une équipe policier/infirmière en santé mentale apportera aux personnes en crise l’aide dont elles ont besoin. Le service de police de Vancouver (VPD) estime, s’agissant des agressions enregistrées sur la ville, que la santé mentale était un facteur contributif dans 73 % des cas.

En réalité, le programme existe depuis 1978 sous le nom Car 87, et il s’agit de le dynamiser.  Car 87 permet à un agent et une infirmière en santé mentale de se rendre en voiture de police banalisée pour évaluer et gérer des situations non urgentes ou de crise.  Les réponses d’intervention peuvent inclure, mais sans s’y limiter les évaluations téléphoniques, la sensibilisation et le soutien, l’administration de médicaments, l’orientation et connexion à d’autres soutiens/services communautaires et de santé, des appréhensions en vertu de la Loi sur la santé mentale, mais aussi l’assistance aux équipes rencontrant des difficultés. La voiture 87 peut être jointe via la ligne de crise 24 heures sur 24.  S’il y a un risque imminent de violences, le régulateur missionne une équipe classique de police.

Un deuxième service, connu sous le nom de Car 88, a été créé en juillet 2020. Une même équipe de deux est dans les rues depuis l’année dernière, permettant au service de fonctionner de 7 h à 23 h.

Le programme Car 87/88 reçoit entre 200 et 300 demandes par mois pour assister à des incidents non urgents pour des personnes en crise de santé mentale.

Dans une entrevue avec la Presse Canadienne, le sergent Steve Addison du service de police de Vancouver déclare : « La police assure de facto un rôle de travailleur social pour les personnes qui manquent de services de soutien tout en luttant contre l’itinérance, la maladie mentale et la toxicomanie, ce qui pourrait les mettre dans des situations potentiellement dangereuses ». Selon lui, ce qu’il appelle « la police par défaut » est de plus en plus la réalité pour les personnes « qui n’ont ni endroit où vivre ni l’aide dont elles ont besoin pour des problèmes de santé mentale qui les maintiennent dans des campements qui ont tendance à être déplacés d’un endroit à un autre ». Ajoutant : « Nous voyons des gens qui vivent avec cette constellation de problèmes sociaux très complexes qui non seulement les rendent dangereux, mais rendent d’autres personnes dangereuses ».

Chez les infirmières psychiatriques, la réponse est plutôt oui, mais avec des réserves. Selon Ira Roness, directrice de la santé mentale et de la toxicomanie de la ville, « avoir un professionnel de la santé mentale en partenariat officiel avec des policiers pour les appels de santé mentale, améliorera les soins pour les plus vulnérables ». Sur un plan pratique, les médicaux hésitent parfois à se rendre seuls dans les quartiers les plus difficiles, et la présence du policier règle le problème. Mais la présence policière ne doit pas devenir un moyen d’imposer des soins, et puis… les problèmes sont complexes et à large spectre, comme l’explique une infirmière : « Nous sommes là pour soigner le patient, alors que la police a un autre mandat. Ils ont pour mandat de protéger le public. Ainsi, alors que nous nous concentrons sur l’individu, ils se concentrent sur le large éventail de ce qui se passe autour d’eux ».

Ken Sim veut aller de l’avant : « Le programme Car 87/88 démontre les types de collaboration qui peuvent se produire entre différents niveaux de gouvernement lorsque différentes agences travaillent ensemble pour obtenir de meilleurs résultats ».

Donc, c’est pas gagné, mais c’est une piste intéressante. Pour notre bon pays, j’attends la prochaine déclaration de notre Sinistre de l’intérieur : « J’ai décidé de recruter mille policiers et autant d’infirmiers psy ». Demain peut-être…

Document : à lire, cet excellent édito de Maurice Bontinck, de la Charente Libre

La Justice devient une opinion comme une autre

« La liberté d’expression n’est pas incompatible avec la justice. Au contraire, elle fait partie de ces valeurs défendues par la justice pour faire vivre notre démocratie et garantir nos droits. Mais quand, au nom de la liberté d’expression, la justice ne devient plus un fondement de notre état de droit mais une opinion comme une autre que l’on peut vider de tous nos principes fondamentaux acquis au fil des siècles, il n’y a plus de justice, ni droit ni démocratie.

Ces derniers jours, sur la base de faits-divers atroces sur des enfants, la justice serait devenue un obstacle. Avec un adjectif accolé pour dire ce qui lui manquerait et au-delà ce qui nous empêcherait de faire société. Pas assez rapide, la justice devrait être « expéditive ». Cela s’appelle la loi du Talion. Œil pour œil, dent pour dent. Pas assez sévère, la justice aurait besoin d’être faite par soi-même. Cela s’appelle la vengeance. Sentence collective pour en finir avec l’individualisation de la peine. Plus besoin d’avocat, de juge, d’enquête contradictoire.

Nous pouvons regretter sa lenteur, son manque de moyens, son laxisme. Mais à l’inverse, nous pouvons regretter sa trop grande rapidité, des moyens démesurés, son extrême sévérité. Il n’y a qu’à voir certains politiques se plaindre qu’elle soit laxiste avec des délinquants de droit commun et trop sévère contre leurs amis. C’est notre « conviction intime » pour reprendre son langage.

Après tout, la justice n’a pas le monopole de la vérité ; elle exprime une vérité judiciaire. Mais elle doit garder le monopole de la sanction. Cette dernière peut elle aussi être contestée, dans le cadre de nos lois, en faisant par exemple appel, selon les droits de chacun.

Mais que voit-on aujourd’hui ? Qu’entend-on sur la justice ? La voilà accusée d’être à l’origine de tous nos maux de société. La voilà condamnée à coups de procès médiatique et numérique parce qu’elle favoriserait la violence. C’est elle le problème ; il faut casser le thermomètre de ce pays malade et enfiévré. Il faut rendre justice à sa place, « au nom » des Français, de leur « bon sens ». Il faut passer d’une justice populaire, celle des jurys et des procès, à une justice populiste, celle des tribuns et du spectacle en place publique.

C’est dans l’air du temps. Le procès de la justice, c’est le procès de notre époque. Celle où les faits, la connaissance, le respect n’ont pas plus de valeurs que l’opinion, l’ignorance et l’invective. Une époque prête à basculer de l’arbitrage à l’arbitraire ».

m.bontinck@charentelibre.fr, le 26 octobre 2022

Les actualités du droit, octobre 2021

1er octobre – Sandrine Rousseau recadre Elisabeth Badinter

Elisabeth Badinter est essayiste et philosophe, certes, mais aussi présidente du Conseil de surveillance de Publicis jusqu’en 2017 et principale actionnaire de ce groupe, groupe dont les publicités flattent les plus hautes valeurs humaines, et qui est le principal lobbyiste de l’Arabie saoudite sur la scène internationale. Donc, un discours, outragé, contre l’islamisme politique, mais une réalité qui est d’en tirer profit. Mais cette dame, 67ème fortune française, a droit à toutes les bienveillances, et allez, la voici en toute tranquillité devant le micro France inter pour allumer Sandrine Rousseau après son intervention médiatique qui a amené Julien Bayou à démissionner de son poste de secrétaire national d’EELV.

L’actionnaire de Publicis déplore que le mouvement féministe « se radicalise » en France, avec, à sa tête, « une députée écolo, madame Rousseau, qui veut faire tout flamber ». Et explique : « J’ai été choquée de son intervention sur C à vous quand elle s’est permis d’évoquer un problème entre Monsieur Bayou et sa compagne et d’appeler à son exclusion. Où on en est ? Où sommes-nous pour mépriser la justice ? On ne peut pas à ce point mépriser les principes démocratiques. Je crois que cette femme est dans la toute-puissance et se permet de contrer la justice. On livre des hommes, en particulier, à la vindicte sans passer par un minimum de justice ».

Sur Twitter, Sandrine Rousseau a eu la réplique : « Flamber le patriarcat, Madame, et avec enthousiasme de surcroît ».

Sandrine Rousseau n’est ni une victime, ni un juge. Elle n’est pas dans un processus judiciaire. C’est une femme, élue, qui exerce ce qu’on appelle la liberté d’expression. Elle dispose d’informations, les travaille, en juge l’intérêt et elle s’exprime. Rien à voir avec le fait de rendre justice. J’use de la liberté d’expression et j’essaie de dire mes vérités, et vois-tu, Elisabeth, c’est très important de dire ce que l’on pense, en s’exposant à la libre critique. La justice avec le monopole des juges, et le droit de sanctionner au nom de la vérité judiciaire, c’est autre chose. Liberté d’expression d’un côté, sanction des juges de l’autre, c’est très simple, mais a priori trop compliqué pour l’actionnaire… et pour les journalistes de France Inter, incapables de répliquer.

2 octobre – Uruguay : le bilan, dix ans après la légalisation du cannabis

En 2013, l’Uruguay a été le premier pays au monde à légaliser la production et la vente de cannabis, en autorisant trois procédés : la vente en pharmacie à des consommateurs préalablement enregistrés, l’autoculture et l’adhésion à un club de producteurs/consommateurs. Le prix de vente est fixé à un niveau inférieur à celui du marché clandestin, avec l’idée de l’assécher.

Selon l’étude annuelle l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis, seulement 27% des consommateurs uruguayens se sont approvisionnés sur le marché officiel en 2021.

Le marché illégal, toujours contrôlé par des groupes criminels, ne représente plus que 30% du marché.

La légalisation a entraîné la prédominance sur le marché noir de petits producteurs et revendeurs locaux « qui supplantent » les trafiquants d’autrefois, ces derniers délaissant le business de la marijuana au profit d’autres drogues.

Daniel Radio, secrétaire général du Conseil national des drogues de l’Uruguay, estime que « l’objectif principal a été atteint : que les gens puissent consommer du cannabis sans avoir besoin d’être liés à des organisations criminelles ». Il reconnaît toutefois l’imperfection du système actuel et admet que certains consommateurs sont « à la recherche d’un pourcentage plus élevé de THC (10% dans les pharmacies uruguayennes) ou d’une plus grande variété » de plantes aux goûts et aux effets psychoactifs différents ».

La nouvelle économie créée a donné naissance à une industrie d’exportation du cannabis à usage médicinal qui a rapporté 20 millions de dollars depuis 2019.

4 octobre – Bayou :  rendez-vous avec la justice 

Lors de l’émission C à Vous sur France 5, le 19 septembre, Julien Bayou a été accusé par Sandrine Rousseau « de comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Bayou démissionne de la direction des Verts quelques jours plus tard, reprend son souffle, et revient sur les plateaux télé pour dénoncer l’attitude « irresponsable » de la Sandrine Rousseau, et parler de maccarthysme. Pas d’accord du tout : c’est une attaque politique, qui ne comporte pas d’accusation pénale, et Bayou devait répliquer sur le plan politique, au lieu de démissionner illico presto, pour mieux revenir en position de victime. Ecœurée par cette manip’, son ex-compagne a déposé plainte, rappelant que le victime, c’est elle.

5 octobre – Le ministre de la justice renvoyé devant la Cour de justice de la République

Éric Dupond-Moretti est renvoyé par la Cour de justice de la République pour « prise illégale d’intérêts », et il déclare qu’il conteste ce renvoi, qu’il va former un recours, et que sa démission n’est « pas à l’ordre du jour ». En cause, deux enquêtes ordonnées par le ministre à peine nommé, l’une contre des magistrats du parquet national financier qui avaient épluché les factures téléphoniques de l’avocat dans une affaire de corruption, l’autre était contre un juge d’instruction de Monaco avec lequel il avait ferraillé comme avocat. Selon la CJR, il a profité de sa position pour régler ses comptes avec d’anciens magistrats qu’il avait côtoyés lorsqu’il était avocat. C’est la première fois qu’un garde des Sceaux en exercice est renvoyé pour être jugé au pénal, mais dans la médiocrité actuelle du gouvernement, ça passe comme banal. Le ministre ? Bof… Si c’est pas Dupond-Moretti, ce sera Moretti-Dupond et la même soupe.

6 octobre – Il se suicide avant son procès pour le meurtre de son épouse, patiente Alzeheimer

Une dame souffrait depuis de nombreuses années de la maladie d’Alzheimer. Son mari, âgé de 80 ans, médecin retraité, assistait impuissant à la démence et la déchéance de celle qui a partagé sa vie pendant plusieurs décennies. Il est hanté par la peur de mourir avant elle.

Le 18 juillet 2019, elle est à nouveau victime d’une crise paroxystique délirante. Son mari s’est alors saisi d’un couteau et l’a tuée, avant de se planter l’arme dans le thorax. A l’arrivée des gendarmes, le couple était allongé dans son lit, avec une lettre où le père de famille demande pardon à ses enfants, parlant d’un geste « impardonnable et inqualifiable ».

Il a été hospitalisé dans un état grave, et a pu récupérer, avant d’etre admis à hôpital psychiatrique puis en détention provisoire pendant une année.

Il a été poursuivi pour meurtre et non assassinat de sa femme, la préméditation n’ayant pas été retenue. Un expert psychiatre avait diagnostiqué l’altération du discernement au moment des faits.

Il devait être jugé par la cour d’assises de l’Eure le 7 octobre, mais il s’est suicidé la veille. Il avait 84 ans.

7 octobre – Réforme de la police judiciaire : le gouvernement veut tout contrôler

Le gouvernement souhaite, avec sa réforme, placer tous les services de police départementaux sous l’autorité d’un nouveau responsable, un directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet. Qu’il s’agisse du renseignement, de la sécurité publique, de la police aux frontières (PAF) ou de la police judiciaire. La PJ, sur des bases posées il y a 115 ans, a développé un véritable savoir-faire, reconnu par tous les professionnels. Un projet qui soulève une large unanimité contre lui. 

En réaction, a été créée l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), qui rassemble des enquêteurs décidés à alerter sur les « conséquences désastreuses de la réforme pour la sécurité des citoyens et l’indépendance de la justice ».Est en jeu une interférence du pouvoir politique dans les enquêtes : « Décloisonner la PJ qui traite du terrorisme, de la criminalité organisée, de la grande délinquance financière et des dossiers ‘politiques’ accentuera cette difficulté pour le DDPN, au contact étroit et constant du préfet ».

Le Conseil National des Barreaux s’inquiète « des dangers que porte ce projet d’interférences du politique par l’effet du renforcement de l’autorité des préfets sur la police ».

Pour François Molins, procureur général près la Cour de cassation, cette réforme est « porteuse d’un certain nombre de dangers », le premier étant de « détruire quelque chose qui fonctionne ». L’échelon départemental de cette centralisation du contrôle des forces de police est inadapté « au regard d’une criminalité qui se joue à l’échelle des interrégions et de l’international ».

Frédéric Macé, le secrétaire général de l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi) évoque « un véritable gâchis des compétences » de ce service, car immanquablement des effectifs de police judiciaire se trouveront mobilisés pour des missions de maintien de l’ordre ou de sécurité publique, comme l’expérimentation dans quelques départements l’a d’ailleurs montré. Une fois regroupée dans une direction beaucoup plus large, la PJ risque d’être « réorientée sur d’autres priorités plus court-termistes ou sur d’autres missions ».

David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, dénoncent un « nivellement vers le bas » et craint que la réforme fasse « perdre la capacité de faire des enquêtes au long cours et sur la criminalité ». Et puis, « la PJ, c’est au-delà du département ».

La procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens, lors de l’audience de rentrée au tribunal judiciaire, alerte : « Qui sera en capacité prochainement de traiter nos enquêtes de fraudes sociales, fiscales, nos enquêtes que nous souhaitons engager sur le grand circuit de blanchiment ou sur le détournement de fonds publics ? ». Ajoutant : « Le choix qui a été fait de bâtir un dispositif sur le département nous paraît effectivement problématique sur la pertinence opérationnelle à repérer ces équipes criminelles qui sont extrêmement mouvantes et qui, bien évidemment, s’affranchissent totalement de ces frontières administratives ».

Le 7 octobre, le directeur général de la police national (DGPN), Frédéric Veaux s’est rendu à Marseille, pour une réunion de travail dans les locaux de l’Evêché, le siège de la police marseillaise. En signe de protestation, 200 enquêteurs du service, revêtus de leur gilet noir où les mots « police judiciaire » apparaissaient barrés en signe de deuil, ont organisé une « haie du déshonneur », tous cote à cote le long des couloirs du service, lors le départ du patron de la police. Le lendemain, le directeur de la police judiciaire de Marseille, pour la zone Sud, Eric Arella, a été démis de ses fonctions. Le syndicat des commissaires dénonce une décision « brutale et injuste : limoger un chef de police doit rester un acte exceptionnel et justifié par des motifs graves et avérés ».

Le 26, c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui fait part de sa « profonde préoccupation face au projet de réforme » de la police judiciaire, voyant dans la création des directions départementales de la police nationale voulue par Gérald Darmanin un véritable risque d’entrave à l’indépendance de la justice. Réunir tous les services de police – sécurité publique, police aux frontières, renseignement et police judiciaire – sous l’autorité d’un directeur départemental unique, exerçant sous les ordres du préfet… La ficelle est trop grosse.

10 octobre – « Au Maroc, nous exportons sous forme de fruits l’eau qui nous manque »

Dans Le Monde, un article d’Aurélie Collas sur le Maroc qui a misé sur l’irrigation et les cultures de contre-saison, une stratégie réussie économiquement, mais qui assoiffe un pays qui subit les sécheresses : « En exportant ses tomates, ses pastèques, ses fraises ou ses oranges, le Maroc vend l’eau qui lui fait défaut. Dans un pays confronté à une grave sécheresse, ce cri d’alarme se fait de plus en plus insistant. Il provient de scientifiques, de militants écologistes et d’associations, qui mettent en garde contre les conséquences d’une agriculture gourmande en eau et tournée, pour une bonne part, vers l’export plutôt que vers l’autosuffisance ».

C’est de l’économie, mais c’est aussi du droit, car c’est le mépris de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, excellente résolution adoptée par l’Assemblée générale le 17 décembre 2018.  Ce texte salue les efforts que déploient les paysans pour une « production agricole durable », avec des pratiques « qui soient bénéfiques pour la nature, qualifiée de Terre nourricière dans de nombreux pays et régions, et soient en harmonie avec elle, notamment en respectant la capacité biologique et naturelle des écosystèmes à s’adapter et à se régénérer par des processus et des cycles naturels ».

Selon l’article 18 : « Les paysans et les autres personnes travaillant dans les zones rurales ont droit à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité productive de leurs terres ainsi que des ressources qu’ils utilisent et gèrent ».

L’article 21 pose les principes de la sauvegarde de l’humanité

« 1. Les paysans et les autres personnes travaillant dans les zones rurales sont titulaires du droit à l’eau potable et à l’assainissement, droit de l’homme essentiel à la pleine jouissance de la vie, à l’exercice de tous les autres droits de l’homme et à la dignité de l’être humain. Ce droit englobe le droit à des systèmes d’approvisionnement en eau et à des installations d’assainissement de qualité, d’un coût abordable et physiquement accessibles, non discriminatoires et acceptables sur le plan culturel par les hommes comme par les femmes.

« 2. Les paysans et les autres personnes travaillant dans les zones rurales ont le droit d’accéder à l’eau pour leur usage personnel et domestique, pour s’adonner à l’agriculture, à la pêche et à l’élevage et pour se procurer d’autres moyens de subsistance liés à l’eau, assurant la conservation, la restauration et l’utilisation durable de l’eau. Ils ont le droit d’avoir un accès équitable à l’eau et aux systèmes de gestion de l’eau et d’être à l’abri de coupures arbitraires ou d’une contamination de leur approvisionnement en eau.

« 3. Les États respecteront, protégeront et garantiront l’accès à l’eau, y compris dans les systèmes coutumiers et communautaires de gestion de l’eau, sur une base non discriminatoire, et ils prendront des mesures pour garantir l’accès à l’eau à un coût abordable pour un usage personnel, domestique et productif, et à des installations d’assainissement améliorées, notamment pour les femmes et les filles vivant en milieu rural et pour les personnes appartenant à des groupes défavorisés ou marginalisés, tels que les éleveurs nomades, les travailleurs des plantations, tous les migrants sans considération de statut migratoire et les personnes vivant dans des implantations sauvages ou illégales ».

Un exemple des textes de qualité que produit cette si précieuse ONU, et on comprend l’ardeur des grands groupes économiques qui passent leur temps à discréditer cette arène du droit.

11 octobre – 26 300 € de rémunération pour Moscovici sur fonds publics

Moscovici, premier président de la Cour des comptes, perçoit une rémunération de 14.500 euros net par mois, c’est déjà pas mal. Mais il cumule avec 2 700 € de retraite de député, 600 € de retraite de député européen, 8 500 € liés à son ancien mandat à la Commission européenne, soit un total de 26 300 € par mois. 14 fois le salaire médian, qui est de 1 790 € par mois… Ces chiffres sont incontestables.

Lors des travaux préparatoires de la loi sur les retraites, en présence de Moscovici, le député Frédéric Mathieu a voulu interroger Moscovici : quelle légitimité pour le cumul emploi/retraite quand on atteint ce niveau de rémunération ? et comment peut-on faire l’éloge de l’économie libérale quand on perçoit une rémunération mensuelle de 26 300 € de fonds publics ?

Mais le député n’a pu poser la question car la macroniste présidente de séance lui a coupé le micro, histoire de ne pas flétrir notre chouchou de Moscovici. Ces gens-là vivent dans un autre monde.

12 octobre – Migrants à Calais : la justice annule des arrêtés anti-distribution de nourriture

Invoquant des « troubles à l’ordre public » et des « risques sanitaires », la préfecture a pris des arrêtés interdisant aux associations non mandatées par l’État de distribuer repas et boissons aux migrants dans le centre de Calais, de distribuer nourriture et boissons dans certaines rues du centre de Calais entre septembre 2020 et avril 2022, puis à nouveau en août 2022 pour une zone moins étendue.

Dans un jugement du 12 octobre, le tribunal administratif, saisi par des associations (Secours catholique, Médecins du Monde…), estime que les interdictions édictées par trois arrêtés préfectoraux de septembre, novembre et décembre 2020, « sont disproportionnées par rapport aux finalités poursuivies », notamment parce qu’elles affectent « les conditions de vie de populations particulièrement vulnérables ».

Le tribunal souligne que « les distributions assurées par l’État », via une association mandatée, La Vie Active, « sont quantitativement insuffisantes » pour « assurer trois repas par jour à chaque personne », étant donné le nombre de migrants sur place.

Les associations ont salué mardi « une grande victoire », estimant que le tribunal administratif condamnait « une pratique particulièrement attentatoire aux droits fondamentaux de ces étrangers, qui limitait leur droit à recevoir l’aide humanitaire qui leur était proposée ».

18 octobre – Liz Truss, dame de fer ? Une minette en ferraille ! 

Les élections internes au Parti conservateur, parti totalement décalé des réalités sociales, avaient il y a trois semaines conduit au pouvoir Liz Truss, qui avait fait compagne sur le thème : « Je suis la nouvelle Margaret Thatcher en plus moderne, je vais libérer l’économie en libérant les plus riches, seulement méthode valable pour sortir le pays de sa langueur ». Un truc d’allumé… Et effectivement c’est parti comme en 14 : allégement radical des impôts de plus riches, emprunt public pour compenser, et rien pour les plus démunis qui bénéficieront du boom inéluctable de l’économie.

Sauf, que ça été pile l’inverse. Les banques, inquiètes, sont parties en surchauffe, la Banque d’Angleterre est intervenue pour éviter l’écroulement des marchés, et le FMI a même dû lancer une alerte. En urgence, elle a viré le ministre de l’économie pour en nommer un autre, mais le parti s’est complètement divisé, avec des députés voyant arriver les futures élections comme un précipice. En toile de fond, un pays encalaminé après le Brexit… qui devait être la solution à tout.

Le 17, c’est le ton du dédain :  sa politique est la seule possible, et il suffit de la recaler avec une équipe plus compétente. Le 18, assaillie par son parti et par les banques, elle démissionne. Le successeur, Rishi Sunak, banquier de métier, va rassurer les banques.

Nos pays sont dirigés par des n’importe quoi, c’est assez affolant…

20 octobre – Nouvelle-Zélande : Le gouvernement veut taxer les pets de vache

En Nouvelle-Zélande, on l’appelle la « fart tax », soit la taxe sur les pets, un projet du gouvernement centriste dirigé par la Première ministre, Jacinda Ardern de taxer les émissions de gaz à effet de serre du bétail.

Les gaz, comme le méthane, naturellement émis sous forme de pets et de rots par les 6,2 millions de vaches et 26 millions de moutons néo-zélandais, ainsi que le protoxyde d’azote contenu dans l’urine du bétail, figurent parmi les plus gros problèmes environnementaux du pays.

Si le méthane est moins abondant et ne reste pas aussi longtemps dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, il constitue un facteur beaucoup plus puissant contribuant au réchauffement climatique. Ainsi, il est responsable d’environ 30% du réchauffement de la planète depuis la Révolution industrielle, estiment les scientifiques, bien qu’il ne représente qu’une fraction de la composition du gaz à effet de serre.

La taxe vise à encourager les éleveurs à recourir à des méthodes qui conduisent les vaches à moins péter en modifiant les denrées alimentaires ou en plantant des arbres pour absorber le carbone.

21 octobre – Les tags protégés par la liberté d’expression

Un militant antipublicité avait été condamné à une amende pour « dégradations légères » sur des panneaux publicitaires urbains, et il contestait : « Il ne s’agit pas de dégradations, car il suffit de nettoyer les panneaux. C’est une forme de liberté d’expression ».

La loi considère les tags sur du mobilier urbain comme du vandalisme. Selon l’article 322-1 du Code pénal « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ainsi que le mobilier urbain est puni de 3 750 € d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger ». En cas de dommage important, un tag ou un graffiti peut être puni de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende allant jusqu’à 30 000 €.

La Cour d’appel avait reconnu qu’on était proche de la liberté d’expression, mais « l’exercice de la liberté d’expression ne peut pas justifier la commission d’une infraction », estimant « La liberté d’expression, qui peut s’exercer par de nombreux biais, doit s’exercer dans le respect de la loi et des droits des tiers, comme leur droit de propriété sur les panneaux publicitaires par exemple ».

Pas d’accord, dit la Cour de cassation : « La Cour d’appel aurait dû rechercher si l’incrimination pénale de ce comportement ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression de ce militant »

La liberté d’expression peut donc inclure une petite dose d’infraction à l’idéal hygiéniste, bonne nouvelle.

25 octobre – Meurtre d’une jeune fille : Les lascars sans retenue

Le meurtre d’une jeune fille par une jeune femme sans titre de séjour et manifestement marquée par une grande dégradation de son état mental permet à nos grands instruits de faire étalage de leurs savoir.

La prime revient au fin penseur Cyril Hanouna, bombardé vedette par les patrons de chaine télé et choisi comme interlocuteur des ministres : « Pour ce genre de personne, le procès doit se faire en quelques heures et terminé, c’est perpétuité direct, il n’y a pas de discussion. Donc, pas besoin de la justice pour les affaires les plus graves, et le mec continue de pérorer.

Du coté de LR, ce n’est pas triste non plus. Les mecs sont complétement allumés avant le vote pour la présidence. Ciotti, le favori a mandaté son porte flingue le député LR du Var Eric Pauget pour interroger le gouvernement : « Par faiblesse de la République, Lola a vécu la douleur, la torture, la barbarie. Par le laxisme de vos politiques d’immigration, cet enfant a été martyrisé, violé, tué, par une clandestine ». Ce pendant que les parents demandent le respect…

Bruno Retailleau, le concurrent de Ciotti, dépassé sur ce terrain, a trouvé l’astuce pour se rendre intéressant. Il va déposer au plus vite une proposition de loi « pour rendre l’Etat civilement responsable quand un Français est blessé ou tué par un étranger qui n’a rien à faire en France ». Déclinaison de l’invention du fêlé Éric Z de « francocide ». Le parlementaire ignore que depuis trente ans, la loi a instauré un régime d’indemnisation des victimes de violence, à la charge de l’Etat.

Alors, gagné ? Non, contre-attaque de Ciotti à propos du père de famille qui a lynché l’agresseur de sa fille : « Qui peut condamner la réaction du père ? Je ne condamnerai pas le père de famille qui protège sa fille ! » Mais bien sûr, Retailleau et Ciotti se réclament du général de Gaulle… et à leurs coté, Le Pen fait figure de modérée.

27 octobre – Témoin-clé au procès de Nice

C’était la huitième semaine de procès 14-Juillet pour le crime de Nice, imputé à l’islamisme. Le 27, la cour d’assises spéciale de Paris a entendu jeudi Roger Battesti, 80 ans, qui fut 3le confident, l’amant et le mentor du futur terroriste du 14-Juillet », avec un excellent compte rendu d’audience de Christophe Cirone, de Nice Matin. Un portrait qui ne cadre pas trop avec les références de l’islam.

Dans la galerie de proches du terroriste qui se succèdent à la barre, Roger Battesti détone. Ce résident niçois, né en Algérie il y a quatre-vingts ans, en paraît vingt de moins. Son visage aux traits lissés, ses cheveux d’un noir éclatant surplombent une silhouette menue, mais encore vaillante. Sans doute l’héritage des séances de muscu qui l’ont amené à croiser la route de MLB.

« Il avait un regard de Kalachnikov ». Voilà la première impression qu’a laissée MLB à Roger Battesti. Nous sommes dans une salle de sport, à Nice, en 2010. Il découvre un « beau gosse aux jolis yeux ». « J’ai accepté de prendre un pot avec lui. C’était une personne gentille, calme. Une amitié s’est formée ».

En fait, leurs liens vont bien au-delà. Malgré leurs 43 ans d’écart, Roger Battesti fréquente assidûment MLB, partage repas et soirées avec lui, le conseille, le recadre quand il le faut : « J’avais un pouvoir sur lui. C’était une personne très influençable, avec certainement une lacune. Il m’écoutait avec un grand respect. J’étais devenu un peu son mentor. Il me demandait toujours mon avis ».

Roger Battesti sympathise aussi avec Hajer, la femme de MLB. Quand il apprend que son ami a levé la main sur elle, il l’oblige à s’excuser : « C’était un garçon faible d’esprit. On pouvait tout lui faire faire. Et il le faisait ». Le président Laurent Raviot l’interroge : « Est-ce que vous représentiez pour lui une forme d’autorité paternelle ? » Réponse : « Je pense, oui »

Roger Battesti savait que le père biologique de MLB, lui, le battait très souvent. Il savait que cet enfant de M’Saken faisait peu de cas de sa famille, et de ses origines en général : « Il avait honte d’être tunisien. Il disait : Moi, j’aime pas les Arabes ».

MLB aimait les femmes, en revanche. De manière obsessionnelle : « Il avait beaucoup de succès ». Un peu moins auprès des passantes, qu’il abordait cash. Cette facette contraste avec un Momo « timide, très réservé, qui parlait calmement, avec une petite voix un peu cassée, comme le Parrain ».

Roger Battesti, lui, aime les hommes. Naguère, il a géré un sauna gay à Paris. Il a tout de suite senti que Momo pouvait céder à ses avances : « Je l’ai dragué. Et ça a marché. On a eu quelques relations ». Elles dureront quatre ans. Roger Battesti l’avait nié face aux policiers. Il l’a finalement confié quatre ans plus tard à notre regretté confrère Jean-François Roubaud, lors d’une longue interview.

Les magistrats citent abondamment cet article paru dans Nice-Matin le 13 juillet 2020, ainsi que celui de Paris-Match. Roger Battesti s’est montré bien plus disert dans ces deux médias que face aux enquêteurs. L’avocat général Jean-Michel Bourlès s’en étonne. Explication : « J’étais pas bien dans ma tête, que mon ami devienne un assassin… »

Si les magistrats sondent les ressorts intimes du terroriste, c’est pour mieux comprendre son crime. Et déceler ses signes avant-coureurs. Trois jours avant l’attentat, Roger Battesti reçoit MLB. Il voit bien que son ami se renferme : « Momo, tu rigoles plus comme avant?  – C’est rien, cher ami », sera sa seule réponse. « Je n’ai rien senti. Il s’est bien gardé de me dire quoi que ce soit. Sinon, il n’y aurait jamais eu d’attentat. Je l’aurais arrêté ».

Le 14 juillet au soir, Roger Battesti se couche à 21 heures. Il habite près de la Prom’, entre la caserne Magnan et l’hôpital Lenval. Avec ses boules Quies, le retraité n’entend rien. Il n’apprend l’impensable nouvelle qu’au réveil : « Je suis tombé de très haut… »

Peu à peu, tout lui revient. Cette violence qu’il a découverte chez MLB, quand son ami a frappé un automobiliste. Cette vidéo de décapitation « insoutenable » qu’il lui a montrée quelques mois plus tôt. Ce permis poids lourd qu’il lui a payé, aussi. Et sa crainte qu’il ne soit influencé par de mauvaises personnes : « Il me disait : T’inquiète pas, mon cher ami. Ma vie, c’est de faire l’amour ». Au final, MLB a semé la mort. « Pour qu’on parle de lui », pense Roger Battesti.

Fin de 2h30 d’audition. Le président demande aux gendarmes de raccompagner le témoin, pour « qu’il ne soit pas importuné »

30 octobre – La Pologne préfère Westinghouse à EDF pour construire sa première centrale nucléaire

Varsovie a choisi le groupe américain face à ses concurrents français et sud-coréen pour sa centrale de Choczewo, près de la mer Baltique. L’objectif est qu’elle soit opérationnelle en 2033. Une défaite de plus pour notre champion EDF, et la mainmise envahissante des US. La secrétaire à l’énergie, Jennifer Granholm, claironne : « C’est un pas énorme dans le renforcement de nos relations avec la Pologne pour les générations à venir ». Cette décision « envoie un message clair à la Russie, celui que l’Alliance atlantique est unie pour diversifier notre approvisionnement énergétique ». C’est noté.