Les actualités du droit, janvier 2022

En musique avec DIANNE REEVES, SIMONE ET LIZZ WRIGHT

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MEILLEURS VŒUX

Tous mes vœux de santé et de bonheur… avec la beauté d’Andrée Chedid

De cet amour ardent je reste émerveillée

Je reste émerveillée
Du clapotis de l’eau
Des oiseaux gazouilleurs
Ces bonheurs de la terre
Je reste émerveillée
D’un amour
Invincible
Toujours présent

Je reste émerveillée
De cet amour
Ardent
Qui ne craint
Ni le torrent du temps
Ni l’hécatombe
Des jours accumulés

Dans mon miroir
Défraîchi
Je me souris encore
Je reste émerveillée
Rien n’y fait
L’amour s’est implanté
Une fois
Pour toutes.
De cet amour ardent je reste émerveillée.

Poème offert par Andrée Chedid au Printemps des poètes 2007

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Focus sur… le délire de Macron

« LES DEVOIRS VALENT AVANT LES DROITS »  :
ATTENTION, ON CHANGE de société

Une phrase des vœux du président Macron qui pèse lourd, lourd de menaces : « Les devoirs valent avant les droits ». Je vais bien entendu dire ce que j’en pense, mais l’intérêt de la discussion juridique est que, en droit, tout n’est pas qu’opinions personnelles. Le droit, c’est d’abord de la connaissance, et des règles reconnues dans la société, ce qu’on appelle le droit positif. Et là problème : le droit positif fait ressortir l’affirmation de Macron comme ignorante. Alors, première étape, cherchons ce que dit le droit, et d’abord en droit international qui est le cadre de tout.

I – CE QUE DIT LE DROIT

A – Le droit international

1/ La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

La première référence est la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, même si contrairement à l’idée reçue, ce texte n’a pas de force juridique directe. C’est une proclamation de principes, de grande valeur. Voici quelques extraits du préambule :

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme,

Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».

La dignité et des droits égaux comme fondements de la liberté, de la justice et de la paix, avec la mise à disposition d’outils pour défendre les droits de l’homme et éviter la révolte comme seule réponse à l’oppression. Pour dire les choses, c’est simplement magnifique.

2/ Le Pacte des droits civils et politiques de 1966

En matière de droits fondamentaux, le texte international opératoire est le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par 173 Etats, soit pratiquement tous, sauf quelques brutes comme Les Emirats Arabes Unis. C’est donc le gros consensus international. Là encore quelques extraits du préambule, qui renvoie d’ailleurs à la Déclaration de 1948 :

« Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’idéal de l’être humain libre, jouissant des libertés civiles et politiques et libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi bien que de ses droits économiques, sociaux et culturels, sont créées,

Considérant que la Charte des Nations Unies impose aux Etats l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l’homme,

Prenant en considération le fait que l’individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s’efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le présent Pacte ».

L’idéal est donc « l’être humain libre, jouissant des libertés civiles et politiques » ce qui suppose qu’existent « des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits », ce qui renvoie aux devoirs des Etats, lesquels supportent « l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l’homme ». En parallèle de cette obligation fondamentale des Etats, viennent « les devoirs envers autrui et envers la collectivité », soit participer à l’élaboration des règles de droit, et respecter la loi.

Les devoirs viennent donc après les droits et libertés, qui sont la condition des devoirs. C’est bien parce que les droits et libertés sont garantis, avec une obligation lourde et complète de l’État d’en être la garantie, que chaque citoyen supporte des devoirs, à savoir le respect du corpus juridique. Dans une société sans protection des droits individuels, c’est la sauvagerie, et il n’y a pas de devoirs ; dans la société civilisée des droits individuels, avec la garantie de l’État, chacun jouit de la liberté et assume sa part de devoir, soit respecter la loi même s’il la critique et qu’il agit pour la modifier.

B – La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1951

Ce texte est très intéressant car il est d’application effective pour chaque citoyen des 47 Etats du Conseil de l’Europe, et qu’il résulte d’une rédaction inchangée depuis 1951, donc du solide. Là encore le titre est explicite car il s’agit bien de sauvegarder les droits de l’homme et non pas ses devoirs. Voici quelques extraits du préambule :

« Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l’un des moyens d’atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

« Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception commune et un commun respect des droits de l’homme dont ils se réclament ;

« Résolus, en tant que gouvernements d’États européens animés d’un même esprit et possédant un patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle ».

Ô que cela fait du bien de lire cela en nos temps marécageux… La paix suppose de rapprocher les peuples, et pour atteindre ce but, rien de mieux que le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ces libertés fondamentales « qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde ». Le respect de la liberté et la prééminence du droit font partie de notre patrimoine commun, et le devoir des gouvernements est de prendre les mesures propres à assurer la garantie collective de ces droits.

Un texte bien beau, mais quid de l’application ? Le juge y veille, et ce juge est la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH, qui tire les conséquences de l’importance des droits et libertés dans la stabilité de la société, impose aux Etats des devoirs, par le régime des « obligations positives ». En clair, les autorités nationales doivent prendre « les mesures nécessaires à la sauvegarde des droits des personnes ».

Dès ses premières décisions en 1968, la CEDH a jugé que la protection effective des droits civils et politiques des personnes pouvait générer « des obligations d’action à la charge des États ». Et oui des devoirs… En effet, il ne s’agit pas de proclamerdes droits théoriques et illusoires, mais de « protéger les droits et libertés concrets et effectifs », et c’est un devoir de l’Etat.

C – Le droit interne

1/ La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Je prends d’abord plaisir à citer la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en soulignant à quel point ça commence à sentir mauvais quand on évoque la prééminence des devoirs, et donc une future « Déclaration des Devoirs de l’Homme et du Citoyen de 2022 ». Brrrr…

Voici les cinq premiers articles, fondateurs, et dites-moi si vous trouvez la moindre trace pour fonder une prééminence des devoirs ?

« Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».

Quand je dis que j’adore la France et que je la proclame comme pays des droits de l’homme, c’est en pensant à ce texte, au sein duquel je souligne le droit « à la résistance à l’oppression ». En 1789, le pouvoir sait qu’il peut être oppresseur et il garantit au citoyen qu’il aura le droit de résister pour défendre les libertés individuelles.

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

1789, c’est la conception individuelle des droits et libertés, qui sont inhérents à l’homme, et le devoir de l’État est de s’interdire tout immixtion dans ce qui est le cœur de la nature humaine. C’est juridiquement, philosophiquement et socialement un progrès considérable, mais pour que ce ne soit pas le triomphe des droits et libertés des plus riches et les plus puissants, ce mécanisme irremplaçable doit être complété par une garantie d’accès aux droits, qui est une charge de l’État, ce que proclame le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le modèle droit de l’homme, c’est donc l’individualisme 1789 complété par les garanties de 1946 : les droits et libertés, parce que c’est la nature de l’homme, mais avec des garanties d’exercice effectif, à la charge de l’État. Lorsque, bébé, j’ouvre les yeux, je suis un être humain porteur, sans aucune contrepartie, de tous les droits et libertés, et bonne chance pour mes aventures personnelles, mais si je n’y arrive pas par mes propres moyens, je peux revendiquer des droits vis-à-vis de l’État, lequel a le devoir de me procurer les moyens pour me permettre de vivre mes droits et libertés. Il en va de la réalité des droits individuels et de la si précieuse cohésion sociale.

C’est l’objet du Préambule de 1946, qui « réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 », mais qui proclame « comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux », parmi lesquels je retiens :

  1. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances
  2. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
  3. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
  4. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.
  5. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ».

Donc petit bébé ouvrant les yeux, je peux vivre tous les droits et libertés parce que je suis un être humain, et si je n’en ai pas les moyens, je me tourne vers l’État qui a le devoir de me les garantir. La classe.

II – CE QUE JE PENSE DES PROPOS DE MACRON

A – Alors, les devoirs valent avant les droits, vraiment ?

Le rappel de ces textes fondateurs montre que la phrase présentée comme un principe évident de la République – les devoirs valent avant les droits – n’a juridiquement aucun contenu, ni en droit international, ni en droit européen, ni en droit interne. C’est une imposture.

Dans une première analyse, cela relève de la gesticulation en chambre, car comment le président de la République, qui est le gardien de la Constitution, peut-il affirmer une idée qui viole les bases de cette Constitution ? De la gesticulation, car si vraiment le président a la conviction qu’il faut passer à autre chose – why not ? – il doit assumer en rédigeant une « déclaration des devoirs de l’homme », par une pensée moderne qui remplacera le vieux texte de 1789. Il retirera également la France de la référence internationale qu’est le Pacte de 1966, mais aussi du Conseil de l’Europe, afin de protéger le peuple français de la si pernicieuse Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

S’il ne s’agissait que de gesticulation, nous sommes habitués, et ça ne serait pas si grave. Or c’est grave car ce discours juridique vérolé est proclamé avec l’autorité du chef d’État face à une opinion qui n’a pas tous les repères juridiques en tête. La place juridique laissé au devoir par le droit, c’est le respect de la loi, c’est-à-dire contester la loi s’il le faut, mais ne pas la bafouer. Or, dans la déclaration de Macron, il n’y a aucun respect du droit existant. C’est d’autant plus grave que l’opposition politique ne semble pas impatiente de répliquer à de telles attaques qui sapent les bases de notre société.

Qu’est-ce que l’on apprend aux enfants ? « La loi te plaît ou ne te plaît pas, et tu la feras changer dès que tu en auras l’occasion, mais en attendant, c’est la loi et elle s’applique. Il ne peut y avoir de vie collective que si chacun se retrouve dans les mêmes règles. Alors fais ce que tu veux de ta vie, mais respecte la loi en toutes circonstances car c’est la condition de la vie collective, c’est la condition pour ne pas broyer les existences des plus faibles ». Et ici quel est le spectacle ? Le président de la République bafoue le droit fondamental, avec une insupportable prétention comme si sa pensée, toute de lumière et de grâce, s’imposait d’elle-même. Non, une règle de droit est une règle de droit, un discours est un discours, et j’oppose le droit au discours ignorant de Macron.

Les devoirs ne sont pas la source de l’organisation juridique mais les conséquences des droits qui sont la base de l’organisation juridique. Si je vis dans une société sans droit, où dominent l’argent, les armes, la mafia, mon devoir est être le plus rusé et le plus violent pour défendre ma vie et celle de mes proches. Mais quand je vis dans une société qui considère d’abord l’être humain – tout être humain ! – comme titulaire de droits et libertés du fait de son existence, avec une implication de l’État donnant sa garantie pour permettre un accès effectif à ces droits et libertés, alors oui j’ai le devoir de respecter la loi même si je la conteste, et d’agir avec sens des responsabilités pour protéger ce bien commun. Le respect n’est pas l’obéissance. Le débat doit être permanent, car la démocratie c’est la loi du nombre, et le nombre peut se tromper. Jetez un œil sur l’histoire, et voyez tout ce que nous devons à ceux qui ont eu le courage d’exprimer des opinions alors minoritaires. C’est le terreau de nos droits les plus précieux.

B – Quelle place pour les devoirs ?

Le droit ne laisse qu’une toute petite place aux devoirs, car il connaît leur caractère réducteur et dangereux. Réducteur car il ne reste que l’obéissance si les devoirs sont initiaux, et non pas l’annexe des droits et libertés, et dangereux car le devoir globalise. Prenons la distinction du religieux et juridique, très éclairante.

Le précepte religieux nous dit « tu ne tueras pas, tu ne voleras pas », et la loi pénale « si tu tues ou que tu voles, tu seras jugé et sanctionné ». La proximité entre la morale et le droit saute aux yeux, mais la différence de méthode aussi. Le devoir religieux définit une ligne constante et globale, alors que la règle juridique repose sur la liberté, seulement bornée par la sanction. À chaque moment et où qu’il soit, le fidèle agit par respect du commandement religieux, qui est la source de toutes les décisions. Sur le terrain juridique, le citoyen agit par libre arbitre, sans commandement de la loi, mais il sait qu’il doit respecter la loi, sauf à s’exposer à des sanctions. Le commandement religieux et la loi peuvent défendre les mêmes valeurs, mais ils le font avec des méthodes totalement différentes.

Transformer la règle juridique en un devoir moral conduit à la catastrophe, c’est-à-dire l’abandon des libertés individuelles car le droit s’impose à tous, et il est bien loin d’avoir la substance de la foi religieuse. Respecter le précepte religieux n’est en rien contraire aux libertés… car l’adhésion à d’une croyance religieuse est une liberté assumée, donc bien différente de la loi qui s’impose à tous ; et parce qu’in fine, toute activité humaine, même dans la sphère religieuse, devra respecter le cadre de la loi. C’est un débat qui souvent très mal posé, comme s’il y avait concurrence entre la religion et la loi alors que les deux ne sont pas du même registre.

Les dirigeants politiques, grands metteurs en scène des peurs sociales, présentent comme une catastrophe le fait que des jeunes affirment privilégier l’enseignement religieux sur les dispositions de la loi. Or, cela se comprend très bien car c’est le sens même d’une adhésion religieuse, qui est le guide d’une vie, en fonction de valeurs et de croyances qui donnent un sens à la vie sur terre. Deux mondes se croisent : dans le religieux, un fidèle organise tous les aspects de sa vie en fonction des préceptes qui sont autant de devoirs, au jour le jour ; dans le juridique, le citoyen s’organise par libre arbitre, sous la seule réserve de ne pas violer la loi. À coup sûr, la loi ne peut pas lutter car elle n’a pas le même objet transcendantal, mais en revanche, dès lors qu’il s’agit de la vie dans la relation avec les autres, la loi retrouve ses effets, et s’impose.

Une dernière précision. En droit, la seule place autonome des devoirs se trouve dans la bien délicate déontologie professionnelle. Les juristes qui la pratiquent savent à quel point il est délicat de manier cette règle juridique nourrie de morale – quel contenu à la confraternité ? quelles limites à l’obligation de réserve ? –  mais la partie est jouable car on en reste au secteur professionnel. Autre chose que des devoirs de citoyen.

C – Le péril d’une société de l’obéissance

Entrer dans une société fondée sur une approche juridique du devoir, c’est abandonner la République pour entrer dans une théocratie morale, avec un gouvernement guide des conduites des citoyens. Cela suffit à dire définitivement non, mais il reste à analyser ce qu’est en réalité cette mise en avant du devoir. Il s’agit de rompre avec la société de libertés, pour entrer dans une société de l’obéissance, obéissance qui conditionne l’accès aux libertés.

L’être humain n’est plus celui de 1789, qui nait et demeure avec ses droits et libertés. C’est un être humain en attente, qui doit entrer dans des cases, remplir des conditions, et respecter des procédures avant de pouvoir accéder aux libertés, et encore à celle concédées par le pouvoir. La vie est dangereuse, et le pouvoir, bienfaisant, est obligé de nous protéger. Aussi c’est lui qui élabore la loi du bien-être, à laquelle chacun doit consentir par bon sens. Contester cette loi du bien-être n’est plus le débat démocratique ou la naturelle « résistance à l’oppression », c’est le basculement dans l’autre camp, fait d’ahuris, d’abrutis, et d’ennemis. Bref des gens qui ne sont pas bien. Quant à toi qui acceptes de m’obéir, alors bienvenue dans les joyeuses libertés que je t’ai réservées, mais surtout ne pose pas trop de questions. Car à ton niveau, tu ne peux pas tout comprendre, et il faut mieux t’en remettre à moi.

Regardons le processus de prise des décisions pour l’épidémie Covid : un conseil scientifique désigné comme cela, qui ne publie pas ses avis, et qui ne rend compte à personne, puis un conseil de défense, qui travaille et décide dans le secret le plus total, ce pour arrêter des décisions ensuite validées par un passage formel devant un parlement qui vote tout et vite, les yeux fermés. Et toute critique est traitée comme antiscientifique, arriérée et complotiste. Fait unique, le premier ministre explique en toute tranquillité qu’il s’agit d’agir contre un groupe de 10 % de la population, qu’il faut ramener à la raison par la contrainte.

Alors la morale pour fonder la vie sociale, non merci et jamais.

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Le grand Desmond Tutu est décédé le 26 décembre 2021, à 90 ans et après une vie si bien remplie, et avec la pluie d’hommages de responsables politiques… qui pourtant combattent ses actions. En 2014, après l’agression militaire israélienne sur Gaza – qui désormais est sous le coup d’une enquête de la CPI – Desmond Tutu avait adressé une tribune au Haaretz, dans lequel il appelait à un boycott mondial d’Israël.

DESMOND TUTU : CECI EST MON PLAIDOYER AU PEUPLE D’ISRAËL

Les dernières semaines, des membres de la société civile du monde entier ont lancé des actions sans précédent contre les ripostes brutales et disproportionnées d’Israël au lancement de roquettes depuis la Palestine.

Si l’on fait la somme de tous les participants aux rassemblements du week-end dernier exigeant justice en Israël et en Paslestine – à Cape Town, Washington, New-York, New Delhi, Londres, Dublin et Sydney, et dans toutes les autres villes – cela représente sans aucun doute le plus important tollé de l’opinion citoyenne jamais vu dans l’histoire de l’humanité autour d’une seule cause.

Il y a un quart de siècle, j’ai participé à des manifestations contre l’apartheid qui avaient rassemblé beaucoup de monde. Je n’aurais jamais imaginé que nous assisterions de nouveau à des manifestations d’une telle ampleur, mais celle de samedi dernier à Cape Town fut au moins aussi importante. Les manifestants incluaient des gens jeunes et âgés, musulmans, chrétiens, juifs, hindous, bouddhistes, agnostiques, athéistes, noirs, blancs, rouges et verts… C’est ce à quoi on pourrait s’attendre de la part d’une nation vibrante, tolérante et multiculturelle.

J’ai demandé à la foule de chanter avec moi : « Nous sommes opposés à l’injustice de l’occupation illégale de la Palestine. Nous sommes opposés aux assassinats à Gaza. Nous sommes opposés aux humiliations infligées aux Palestiniens aux points de contrôle et aux barrages routiers. Nous sommes opposés aux violences perpétrées par toutes les parties. Mais nous ne sommes pas opposés aux Juifs ».

Plus tôt dans la semaine, j’ai appelé à suspendre la participation d’Israël à l’Union Internationale des Architectes qui se tenait en Afrique du Sud.

J’ai appelé les sœurs et frères israéliens présents à la conférence à se dissocier activement, ainsi que leur profession, de la conception et de la construction d’infrastructures visant à perpétuer l’injustice, notamment à travers le mur de séparation, les terminaux de sécurité, les points de contrôle et la construction de colonies construites en territoire palestinien occupé.

« Je vous implore de ramener ce message chez vous : s’il vous plaît, inversez le cours de la violence et de la haine en vous joignant au mouvement non violent pour la justice pour tous les habitants de la région », leur ai-je dit.

Au cours des dernières semaines, plus de 1,7 million de personnes à travers le monde ont adhéré au mouvement en rejoignant une campagne d’Avaaz demandant aux compagnies tirant profit de l’occupation israélienne et/ou impliquées dans les mauvais traitements et la répression des Palestiniens de se retirer. La campagne vise spécifiquement le fonds de pension des Pays-Bas ABP, la Barclays Bank, le fournisseur de systèmes de sécurité G4S, les activités de transport de la firme française Véolia, la compagnie d’ordinateurs Hewlett-Packard et le fournisseur de bulldozers Caterpillar.

Le mois dernier, 17 gouvernements européens ont appelé leurs citoyens à ne plus entretenir de relations commerciales ni investir dans les colonies israéliennes illégales.

Récemment, on a pu voir le fond de pension néerlandais PGGM retirer des dizaines de millions d’euros des banques israéliennes, la fondation Bill et Melinda Gates désinvestir de G4S, et l’église presbytérienne américaine se défaire d’un investissement d’environ 21 millions de dollars dans les entreprises HP, Motorola Solutions et Caterpillar.

C’est un mouvement qui prend de l’ampleur.

La violence engendre la violence et la haine, qui à son tour ne fait qu’engendrer plus de violence et de haine.

Nous, Sud-Africains, connaissons la violence et la haine. Nous savons ce que cela signifie d’être les oubliés du monde, quand personne ne veut comprendre ou même écouter ce que nous exprimons. Cela fait partie de nos racines et de notre vécu.

Mais nous savons aussi ce que le dialogue entre nos dirigeants a permis, quand des organisations qu’on accusait de « terroristes » furent à nouveau autorisées, et que leurs meneurs, parmi lesquels Nelson Mandela, furent libérés de prison ou de l’exil.

Nous savons que lorsque nos dirigeants ont commencé à se parler, la logique de violence qui avait brisé notre société s’est dissipée pour ensuite disparaître. Les actes terroristes qui se produisirent après le début ces échanges – comme des attaques sur une église et un bar – furent condamnés par tous, et ceux qui en étaient à l’origine ne trouvèrent plus aucun soutien lorsque les urnes parlèrent.

L’euphorie qui suivit ce premier vote commun ne fut pas confinée aux seuls Sud-Africains de couleur noire. Notre solution pacifique était merveilleuse parce qu’elle nous incluait tous. Et lorsqu’ensuite, nous avons produit une constitution si tolérante, charitable et ouverte que Dieu en aurait été fier, nous nous sommes tous sentis libérés.

Bien sûr, le fait d’avoir eu des dirigeants extraordinaires nous a aidés.

Mais ce qui au final a poussé ces dirigeants à se réunir autour de la table des négociations a été la panoplie de moyens efficaces et non-violents qui avaient été mis en œuvre pour isoler l’Afrique du Sud sur les plans économique, académique, culturel et psychologique.

A un moment charnière, le gouvernement de l’époque avait fini par réaliser que préserver l’apartheid coûtait plus qu’il ne rapportait.

L’embargo sur le commerce infligé dans les années 80 à l’Afrique du Sud par des multinationales engagées fut un facteur clé de la chute, sans effusion de sang, du régime d’apartheid. Ces entreprises avaient compris qu’en soutenant l’économie sud-africaine, elles contribuaient au maintien d’un statu quo injuste.

Ceux qui continuent de faire affaire avec Israël, et qui contribuent ainsi à nourrir un sentiment de « normalité » à la société israélienne, rendent un mauvais service aux peuples d’Israël et de la Palestine. Ils contribuent au maintien d’un statu quo profondément injuste.

Ceux qui contribuent à l’isolement temporaire d’Israël disent que les Israéliens et les Palestiniens ont tous autant droit à la dignité et à la paix.

A terme, les évènements qui se sont déroulés à Gaza ce dernier mois sont un test pour ceux qui croient en la valeur humaine.

Il devient de plus en plus clair que les politiciens et les diplomates sont incapables de trouver des réponses, et que la responsabilité de négocier une solution durable à la crise en Terre Sainte repose sur la société civile et sur les peuples d’Israël et de Palestine eux-mêmes.

Outre la dévastation récente de Gaza, des personnes honnêtes venant du monde entier – notamment en Israël – sont profondément perturbées par les violations quotidiennes de la dignité humaine et de la liberté de mouvements auxquelles les Palestiniens sont soumis aux postes de contrôle et aux barrages routiers. De plus, les politiques israëliennes d’occupation illégale et la construction d’implantations en zones tampons sur le territoire occupé aggravent la difficulté de parvenir à un accord qui soit acceptable pour tous dans le futur.

L’Etat d’Israël agit comme s’il n’y avait pas de lendemain. Ses habitants ne connaîtront pas l’existence calme et sécuritaire à laquelle ils aspirent, et à laquelle ils ont droit, tant que leurs dirigeants perpétueront les conditions qui font perdurer le conflit.

J’ai condamné ceux qui en Palestine sont responsables de tirs de missiles et de roquettes sur Israël. Ils attisent les flammes de la haine. Je suis opposé à toute forme de violence.

Mais soyons clairs, le peuple de Palestine a tous les droits de lutter pour sa dignité et sa liberté. Cette lutte est soutenue par beaucoup de gens dans le monde entier.

Nul problème créé par l’homme n’est sans issue lorsque les humains mettent en commun leurs efforts sincères pour le résoudre. Aucune paix n’est impossible lorsque les gens sont déterminés à l’atteindre.

La paix nécessite que le peuple d’Israël et le peuple de Palestine reconnaissent l’être humain qui est en eux et se reconnaissent les uns les autres afin de comprendre leur interdépendance.

Les missiles, les bombes et les invectives brutales ne sont pas la solution. Il n’y a pas de solution militaire.

La solution viendra plus probablement des outils non violents que nous avons développés en Afrique du Sud dans les années 80 afin de persuader le gouvernement sud-africain de la nécessité de changer sa politique.

La raison pour laquelle ces outils – boycott, sanctions et retraits des investissements – se sont finalement avérés efficaces, est qu’ils bénéficiaient d’une masse critique de soutien, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le même type de soutien envers la Palestine dont nous avons été témoins de par le monde durant ces dernières semaines.

Mon plaidoyer envers le peuple d’Israël est de voir au-delà du moment, de voir au-delà de la colère d’être perpétuellement assiégé, de concevoir un monde dans lequel Israël et la Palestine coexistent – un monde dans lequel règnent la dignité et le respect mutuels.

Cela demande un changement de paradigme. Un changement qui reconnaisse qu’une tentative de maintenir le statu quo revient à condamner les générations suivantes à la violence et l’insécurité. Un changement qui arrête de considérer une critique légitime de la politique de l’Etat comme une attaque contre le judaisme. Un changement qui commence à l’intérieur et se propage à travers les communautés, les nations et les régions- à la diaspora qui s’étend à travers le monde que nous partageons. Le seul monde que nous partageons !

Quand les gens s’unissent pour accomplir une cause juste, ils sont invincibles. Dieu n’interfère pas dans les affaires humaines, dans l’espoir que la résolution de nos différends nous fera grandir et apprendre par nous-mêmes. Mais Dieu ne dort pas. Les textes sacrés juifs nous disent que Dieu est du côté du faible, du pauvre, de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger qui a permis à des esclaves d’entamer leur exode vers une Terre Promise. C’est le prophète Amos qui a dit que nous devrions laisser la justice couler telle une rivière.

À la fin, le bien triomphera. Chercher à libérer le peuple de Palestine des humiliations et des persécutions que lui inflige la politique d’Israël est une cause noble et juste. C’est une cause que le peuple d’Israël se doit de soutenir.

Nelson Mandela a dit que les Sud-Africains ne se sentiraient pas complètement libres tant que les Palestiniens ne seraient pas libres.

Il aurait pu ajouter que la libération de la Palestine serait également la libération d’Israël.

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Les actualités du droit, décembre 2021

3 décembre – La France vend 80 Rafales à la terrible dictature que sont les Emirats Arabes Unis

Au premier jour de la tournée de Macron dans les pays du Golfe, ce 3 décembre 2021, la France et les Émirats Arabes Unis ont signé la vente de 80 Rafale pour un montant de 17 milliards d’euros. La plus importante commande jamais signée par Dassault Aviation. S’ajoutent un milliard d’euros pour 12 hélicoptères de combat Caracal fabriqué par Airbus Helicopters à Marignane, et 2 milliards d’armements pour MBDA. La ministre des Armées Florence Parly se réjouit des retombées pour l’industrie française, une victoire qui représente la moitié du contrat des sous-marins.

Les Emirats arabes unis seront le septième Etat à utiliser l’avion de chasse de Dassault après l’Inde, l’Egypte, le Qatar, la Grèce, la Croatie et bien sûr, la France. Au total, 236 commandes fermes.

Les Emirats visaient les F-35, mais les Etats-Unis ne souhaitaient pas livrer une version aussi évoluée que celle vendue à Israël. Pour prendre une revanche sur le marché australien des sous-marins, la France n’a pas rechigné car elle livrera sa version la plus récente… dont l’armée française ne dispose pas encore.

Les Émirats Arabes Unis, qui viennent de prendre la tête d’INTERPOL du fait de la lâcheté occidentale, plastronnent, et s’apprêtent à s’impliquer plus encore dans la guerre du Yémen, où la coalition commet des crimes de guerre en série. Mais ça, les dirigeants français ne sont pas au courant.

5 décembre – Réfugiés : remarquable discours du Pape depuis le camp de Lesbos

J’adore tous les petits et grands couillons qui nous sermonnent sur la présence musulmane qui menacerait notre identité chrétienne, et qui vomissent sur les réfugiés, tournant le dos à l’une des bases de l’identité chrétienne : l’accueil des personnes en difficulté. Superbe réponse du Pape devant des migrants au camp de Lesbos.

« Je suis là pour voir vos visages, pour vous regarder dans les yeux. Des yeux remplis de peur et d’attente, des yeux qui ont vu la violence et la pauvreté, des yeux embués par trop de larmes», a lancé le Pape François au début de son discours (lien vers le texte intégral en français).

Dans un monde marqué par de nombreuses crises, comme le changement climatique et la pandémie de Covid-19, le défi migratoire ne peut pas être esquivé, car « ce n’est qu’en étant réconcilié avec les plus faibles que l’avenir sera prospère. Parce que lorsque les pauvres sont rejetés, c’est la paix qui est rejetée. Le repli sur soi et les nationalismes – comme l’histoire nous l’enseigne – mènent à des conséquences désastreuses. L’avenir nous met de plus en plus en contact les uns avec les autres. Pour en faire un bien, ce sont les politiques de grande envergure qui sont utiles, et non les actions unilatérales », a averti François.

Evoquant à sa précédente visite à Lesbos en 2016 à Lesbos, le Pape a relevé les efforts menés par les autorités locales et par la population, loin de ce qui serait nécessaire.

« Il faut admettre avec amertume que ce pays, comme d’autres, est encore en difficulté, et que certains en Europe persistent à traiter le problème comme une affaire qui ne les concerne pas. Comme ces conditions sont indignes de l’homme ! Combien de hotspot où les migrants et les réfugiés vivent dans des conditions à la limite de l’acceptable, sans entrevoir de solutions ! Pourtant, ce respect des personnes et des droits humains, surtout dans le continent qui les promeut dans le monde, devrait toujours être sauvegardé, et la dignité de chacun passer avant tout ! Il est triste d’entendre proposer, comme solution, l’utilisation de fonds communs pour construire des murs, pour construire des fils barbelés.

Bien sûr, les peurs et les insécurités, les difficultés et les dangers sont compréhensibles. La fatigue et la frustration se font sentir, exacerbées par les crises économique et pandémique, mais ce n’est pas en élevant des barrières que l’on résout les problèmes et que l’on améliore la vie en commun. Au contraire, c’est en unissant nos forces pour prendre soin des autres, selon les possibilités réelles de chacun et dans le respect de la loi, en mettant toujours en avant la valeur irrépressible de la vie de tout homme, de toute femme, de toute personne. Lorsque des vies humaines sont en danger, lorsque la dignité humaine est en danger, les frontières nationales deviennent sans objet.

Dans diverses sociétés, on oppose de façon idéologique sécurité et solidarité, local et universel, tradition et ouverture, a regretté François. Plutôt que de prendre parti pour des idées, il peut être utile de partir de la réalité : s’arrêter, étendre son regard, l’immerger dans les problèmes de la plus grande partie de l’humanité, de tant de populations victimes d’une urgence humanitaire qu’elles n’ont pas causée mais seulement subie, souvent après de longues histoires d’exploitation qui durent encore.

Il est facile de mener l’opinion publique en diffusant la peur de l’autre ; pourquoi, au contraire, ne pas parler avec la même vigueur de l’exploitation des pauvres, des guerres oubliées et souvent largement financées, des accords économiques conclus aux dépens des populations, des manœuvres secrètes pour le trafic et le commerce des armes en provoquant leur prolifération ?

Il n’y a pas de réponses faciles aux problèmes complexes», a reconnu le Pape, invitant à «accompagner les processus de l’intérieur pour surmonter les ghettoïsations et de favoriser une intégration lente et indispensable, afin d’accueillir les cultures et les traditions des autres de manière fraternelle et responsable ».

Le Pape François a invité à regarder le visage des enfants. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir :

« Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d’eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort. Ne permettons pas que la Mare Nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre devienne le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !»

« C’est Dieu que l’on offense, en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde.

« Combien de mères enceintes ont trouvé la mort dans la précipitation et en voyage alors qu’elles portaient la vie dans leur sein ! Que la Mère de Dieu nous aide à avoir un regard maternel, qui voit dans les hommes des enfants de Dieu, des sœurs et des frères à accueillir, à protéger, à promouvoir et à intégrer. Et à aimer tendrement. Que la Mère Toute Sainte nous apprenne à faire passer la réalité de l’homme avant les idées et les idéologies, et à nous hâter à la rencontre de ceux qui souffrent », a conclu le Saint-Père.

9 décembre – US : naissance historique d’un syndicat dans des cafés Starbucks

Deux établissements de Buffalo, dans l’Etat de New York, au nord-est du pays, ont voté pour la création d’un syndicat, une première au sein de la compagnie Starbucks. « C’est l’aboutissement d’un long chemin », a réagi Michelle Eisen, employée depuis plus de onze ans dans le café en question. La bataille a été tellement dure, explique-t-elle, « avec tout ce que Starbucks nous a jeté à la figure ».

Bernie Sanders a salué une victoire « historique », victoire saluée par Alexandria Ocasio-Cortez accompagnant son message d’un poing levé.

La compagnie, fondée il y a cinquante ans, en 1971, soutenait que les conditions de travail qu’elle propose sont tellement favorables qu’elles ne justifient pas la création d’un intermédiaire entre les salariés et la direction. Sauf que maintenant Starbucks va devoir négocier à partir des revendications salariales… A prévoir des tonnes de com’, car la grande peur du si sympathique cafetier est que le mouvement s’étende. Si les salariés défendent leurs droits, où va-t-on ?

10 décembre : La justice ordonne la réintégration de Jérôme Pernoo au Conservatoire de musique de Paris

Un camouflet pour la direction du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris : le juge des référés du tribunal administratif de Paris suspend l’exclusion prononcée contre le violoncelliste de renom, Jérôme Pernoo, ainsi réintégré au Conservatoire.

A l’origine, deux signalements pour des faits d’agression sexuelle, suivi d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris pour « agression sexuelle sur mineur » et d’un audit interne. Quand les griefs sont faux, il faut être costaud pour faire face. Jérôme Pernoo était suspendu depuis mars, mais en juin, la direction n’avait prononcé qu’une exclusion de douze mois, qui montrait l’absence de preuves.

Les avocats du musicien, Patrice Spinosi et Chirine Heydari-Malayeri, soulignent :« La décision du tribunal administratif n’est que la conséquence de l’absence de tout fondement des injustes poursuites dont il est la victime depuis de longs mois. Orientée par une enquête menée uniquement à charge par la militante Caroline De Haas laquelle n’a jamais respecté les règles les plus élémentaires du contradictoire et des droits de la défense, la décision de la sanction du Conservatoire ne pouvait être que viciée ».

Effectivement, à la suite des signalements, la direction avait diligenté un audit interne, mené conjointement par l’institution et le cabinet Egaé, fondé par la militante féministe Caroline De Haas. Cette dernière avait elle-même mené la plupart des entretiens avec les élèves et professeurs du Conservatoire. Une partie des personnes interrogées rapportaient que leurs témoignages avaient été tronqués, voire déformés. Le juge des référés a d’ailleurs pointé « le manque d’impartialité́ de l’enquête administrative », mais aussi « l’irrégularité de la composition du conseil de discipline ». Le procès-verbal de cette réunion n’a jamais été remis à la défense. Une bonne maison…

10 décembre – Les ours en appellent au droit

Par un communiqué  du 10 décembre 2021, CAP-Ours interpelle Barbara Pompili demandant « que toute la lumière soit faite et que soient définies toutes les responsabilités, y compris administratives », après la mort d’une ourse abattue par un chasseur, le 2 novembre à Seix, en Ariège.

L’association déplore une impunité, faisant référence aux menaces de mort proférées à l’encontre d’agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et à leurs véhicules brûlés.

Promulgué en 2018, le « Plan d’action ours brun », visait à « permettre à la fois l’installation durable et la consolidation de cette population d’ours et garantir l’avenir du pastoralisme pyrénéen » sur dix ans, prévoyant « le remplacement de tout ours qui aurait disparu prématurément du fait de l’homme afin de garder une dynamique favorable de la population d’ours brun ». Pour l’heure, aucun ours tué par l’homme n’a été remplacé dans les Pyrénées.

La présence des ours ne peut être remise en cause d’un point de vue juridique, l’Etat ayant l’obligation de préserver les ours en application de la directive européenne du 21 mai 1992.

10 décembre – Conseil de sécurité de l’ONU : Sall et Ramaphosa réclament une réforme

Les présidents sénégalais Macky Sall et sud-africain Cyril Ramaphosa reviennent à la charge s’agissant de la représentation injuste de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU.

Le Conseil de sécurité des Nations unies compte 15 membres, dont 5 membres permanents (Chine, États-Unis, Russie, France et Royaume-Uni) et 10 membres élus par l’Assemblée générale pour une période de deux ans. Avec ses 54 pays membres et ses 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique représente 25 % des membres de l’ONU. Cependant, le continent ne dispose que de deux à trois sièges non permanents au Conseil de sécurité, actuellement occupés par le Kenya, la Tunisie et le Niger.

Les membres permanents du Conseil, qui bloquent toute réforme, font valoir avec cynisme la faible contribution financière de l’Afrique au budget des Nations unies : 0,01 % en 2021, contre 25 % pour les États-Unis. Financer l’ONU, ce qui n’est pas cher pour les puissances, pour imposer sa loi…

15 décembre – Malte légalise le cannabis

Le parlement de Malte a adopté, par 36 voix contre 27, la loi autorisant la possession de sept grammes de cannabis maximum et la culture de quatre pieds de cannabis par usager de 18 ans et plus. Au-delà de 7 grammes et jusqu’à 28 grammes, l’usager risque une amende de 100 euros. Sont également proscrites la consommation en public, délit passible d’une amende de 235 euros, et la consommation devant un mineur, passible d’une amende allant de 300 à 500 euros. Le trafic reste pénalement sanctionné.

Le texte prévoit la formation d’associations à but non lucratif permettant la production de la précieuse herbe.

17 décembre – 975 magistrats imposent le droit de grève

Selon le décompte opéré par la chancellerie, 975 magistrats se sont déclarés grévistes au cours de la journée « Justice morte » du 17 décembre, ce sur un effectif total de 8 271.

Or, le droit de grève n’est pas reconnu aux membres du corps judiciaire, ainsi que l’énonce l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature : « Toute délibération politique est interdite au corps. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ».

C’est donc une faute professionnelle, qui doit justifier autant de poursuites disciplinaires… Bonjour l’ambiance…  La réponse de la hiérarchie a été une retenue sur traitement pour cette journée non travaillée. Donc, une grève non sanctionnée sur le plan disciplinaire, et le retrait de la rémunération comme pour tout gréviste. Le droit de grève des magistrats devient une réalité.

17 décembre – L’exclusion sanitaire des personnes précaires

L’accès aux soins de santé des personnes vulnérables en Europe a été particulièrement faible durant cette année de pandémie, selon une enquête menée auprès de 25 355 personnes dans six pays européens par l’ONG Médecins du Monde (MDM).

Près de 80% d’entre elles étaient exclues des soins de santé jusqu’à leur première visite chez Médecins du Monde.

L’état de santé physique de ces personnes déconnectées des soins classiques était mauvais en 2020 : 26,6% des personnes interrogées ont ainsi déclaré être en (très) mauvaise santé physique. Ce nombre est trois fois plus élevé comparé à la population européenne générale, dont 8,4% déclare être en mauvaise santé physique. L’enquête met également en lumière la mauvaise santé mentale des personnes interrogées : près de 59% d’entre elles ont déclaré se sentir souvent déprimées. Un tiers de ces personnes ont obtenu un score si élevé sur l’échelle de la dépression qu’un examen pour la dépression majeure était indiqué. Le suivi de grossesse des femmes enceintes est par ailleurs particulièrement défaillant. Plus de la moitié (52,7%) des 437 femmes enceintes qui se sont présentées dans les projets nationaux de MDM n’avaient reçu aucune consultation prénatale, tandis que 42,9% des femmes qui se trouvaient dans leur deuxième ou troisième trimestre n’avaient bénéficié d’aucun examen.

Quant aux enfants, ils ne sont pas suffisamment vaccinés. Seuls 46,4% des enfants ayant fréquenté des structures dans lesquelles l’ONG est active avaient reçu un vaccin contre le tétanos, 44,1% contre la coqueluche et l’hépatite B et 42,6% contre la rougeole, la rubéole et les oreillons. « C’est non seulement dangereux pour la santé des enfants vulnérables, mais cela présente également des risques réels pour la santé de l’ensemble de la population. La vaccination contre le Covid-19 l’a démontré. De plus, ce type de situation crée un fossé entre les enfants pauvres, non vaccinés et les enfants (plus) riches, vaccinés ».

Pendant ce temps, les excités de la Droite rance se mobilise contre l’aide médicale de l’Etat, destiné aux étrangers en situation irrégulière, l’un des pivots de la ruine de notre pays. Salauds de pauvres, et surtout quand ils sont malades…

19 décembre – Présidentielles au Chili : la gauche bat l’extrême droite

A la tête d’une vaste alliance allant du Parti communiste au centre gauche, Gabriel Boric, l’ancien leader étudiant de 35 ans a remporté l’élection présidentielle avec 56 % des voix contre le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast. Une victoire magnifique contre celui qui se présentait comme héritier de Pinochet. Mais la partie sera bien difficile, dans ce pays surveillé par les US. Au premier tour, Gabriel Boric n’était qu’à 25 %, et pour diriger un pays en très mauvaise situation économique et sociale, son gouvernement devra composer avec un parlement où il ne dispose de majorité claire devant aucune des deux chambres.

24 décembre – La clé de la cellule de Nelson Mandela vendue aux enchères

La clé de la cellule de Nelson Mandela est prévue pour être mise aux enchères en janvier 2022 en Grande-Bretagne par la maison d’enchères britannique Guernsey’s,

Il s’agit de la clé de la cellule de l’île-pénitencier de Robben Island, où Nelson Mandela a été enfermé pendant une bonne partie de ses 27 années de détention. C’est un geôlier, Christo Brand, qui l’aurait vendue à la maison d’enchères britannique Guernsey’s.

Le ministre sud-africain Nathi Mthethwa dénonce cette incurie : « C’est insupportable que Guernsey’s, qui est clairement conscient de l’histoire douloureuse de notre pays et du symbolisme de la clé, envisage de la vendre aux enchères sans aucune consultation du gouvernement sud-africain, des autorités chargées du patrimoine en Afrique du Sud et du musée de Robben Island ».

Robben Island est aujourd’hui un musée national.

27 décembre – L’Egypte condamne 3 militants des droits de l’homme à la prison

La longue liste s’allonge. Le tribunal d’urgence de la sûreté de l’État a condamné le militant Abd El Fattah à cinq ans de prison et l’avocat des droits de l’homme Mohamed el-Baqer et le blogueur Mohamed Ibrahim, plus connu sous le nom de Mohamed Oxygen, à quatre ans chacun. Abd El Fattah, un ingénieur logiciel, est l’un des visages les plus connus du soulèvement de 2011. Il a passé une grande partie des 10 dernières années en prison. Il avait été arrêté en septembre 2019 dans un commissariat, où il passait ses nuits dans le cadre de sa libération conditionnelle après avoir purgé une peine de cinq ans pour manifestation illégale, selon ses avocats et sa famille.

Les familles des condamnés décrivent une audience factice au cours de laquelle le juge était absent et les accusés étaient en attente dans une cellule au sous-sol sous la salle d’audience : « Un administrateur du tribunal est sorti et a rendu les verdicts comme ceci : Alaa cinq ans, Baqer quatre, Oxygen quatre ». Les « jugements » ne sont pas susceptibles d’appel.

Le gouvernement a levé l’état d’urgence, mais a accordé au président et aux services de sécurité des pouvoirs qui leur donnent carte blanche pour la répression. Plusieurs dizaines de milliers d’opposants sont en prison.

En mai, plus de 30 pays, dont les États-Unis, ont publié une déclaration très critique appelant l’Égypte à permettre aux militants, aux médias et à d’autres de s’exprimer « sans crainte d’intimidation, de harcèlement, d’arrestation, de détention ou de tout autre forme de représailles. Les États-Unis ont récemment déclaré qu’ils retiendraient 130 millions de dollars d’aide militaire à l’Égypte jusqu’à ce que la situation des droits humains s’améliore.

Pour la France, al-Sissi n’est pas un dictateur, mais un brave homme qui lutte contre le terrorisme, et qui préfère acheter nos avions Rafale plutôt que de financer le développement social de son peuple. Que des qualités.

28 décembre – La justice sud-africaine suspend l’exploration sismique de Shell

Dans le sud-est de l’Afrique du Sud, ouverte sur l’océan Indien, la Wild Coast s’étend sur 300 km et compte plusieurs réserves naturelles et zones marines protégées. C’est là, sur plus de 6.000 km2, que Shell avait décidé de lancer un nouveau projet d’exploration sismique. Les recherches impliquaient l’envoi de puissantes ondes de choc toutes les dix secondes, 24/24h, envoyées par des bateaux équipés de canons à air, mais selon Shell, tout était sous contrôle.

Le ministre sud-africain de l’Energie avait défendu le projet, accusant ses détracteurs de faire barrage aux investissements économiques dont l’Afrique du Sud a besoin.

Le tribunal de Grahamstown vient de tout bloquer. Le juge Gerald Bloem a estimé que Shell n’avait pas rempli l’obligation de consulter la population locale, qui détient notamment des droits de pêche et entretient un « lien spirituel et culturel particulier avec l’océan ». Shell « n’a pas pris en compte les petits pêcheurs artisanaux du long de la côte », alors que la compagnie avait « manifestement le devoir de le faire. S’il était peut-être compréhensible que les pratiques culturelles des communautés locales et leur relation spirituelle avec la mer puissent être ‘étrangères’ aux étrangers, elles n’en sont pas moins protégées par la loi ».

De plus, le jugement interdit l’exploration sismique de Shell tant qu’une autorisation environnementale n’aura pas été délivrée selon la loi sur la gestion de l’environnement.

30 décembre – Un jeune malien, pris en charge le Département de la Lozère, menacé d’expulsion

Moussa Tambadou est un jeune Malien, arrivé mineur en France, a été pris en charge par le département depuis mars 2019. Le jeune homme, « dont le comportement est irréprochable depuis son arrivée en Lozère a su mettre à profit l’accompagnement du Département pour concrétiser un projet d‘insertion professionnelle ».

Il est en apprentissage au sein d’une blanchisserie depuis le 1er septembre 2020, et son employeur lui propose un CDI à la fin de sa formation. Mais Moussa Tambadou s’est vu refuser son titre de séjour en juillet dernier. Il était depuis assigné à résidence et ne pouvait plus travailler malgré le contrat d’apprentissage en cours auprès de la blanchisserie du Massegros. Il a été arrêté mardi matin à Mende et placé au centre de rétention administrative de Toulouse en vue de son expulsion.

Furieux, le département est monté au créneau : « Alors que la Lozère l’a accueilli, soigné et lui a proposé une formation dans laquelle il donne entière satisfaction, son incarcération est totalement injustifiable et contraire aux valeurs de la République. Moussa Tambadou doit pouvoir continuer sa formation. Sa place n’est ni en centre de rétention, ni en prison, mais bien en Lozère, auprès de son employeur et de ses amis. Dans le cas d’une expulsion, les moyens humains et financiers engagés par le Conseil départemental, sa structure de formation et de son employeur seraient définitivement gâchés ».

Le 31 décembre, le tribunal a donné tort à la préfecture : Moussa Tambadou n’est pas expulsable.