Les actualités du droit, décembre 2021

En musique avec le modern jazz quartet

Pièce unique qui est un monument du jazz, voici le Modern Jazz Quartet, pour un  concert lors du North Sea Jazz Festival de 1982, avec au vibraphone le légendaire Milt Jackson, au piano John Lewis, à la basse Percy Heath, et à la batterie Connie Cay.

Focus sur… Interpol racheté par les Emirats Arabes Unis, un des pires Etats policiers

Un tortionnaire,
qui dénie les droits de l’homme,
élu à la présidence d’Interpol

Le 26 novembre 2021, lors de l’assemblée générale qui se tenait à Istanbul, les Etats membres d’Interpol ont élu à la présidence, pour quatre ans, Ahmed Nasser Al Raisi, un général émirati chargé du contrôle de la police dans son pays, qui pratique une répression sauvage de toute opposition politique, et qui est impliqué dans la torture. Une prise de pouvoir par des Emirats, qui pose de très nombreuses questions, dont celle du maintien ou non d’Interpol.

INTERPOL : Une institution en dificulté avec le droit international

Les statuts

L’« Organisation internationale de police criminelle » dite Interpol est selon l’article 1 de ses statuts adoptés en 1956 une organisation intergouvernementale qui regroupe à ce jour regroupe 194 Etats membres.

Cette instance internationale de coopération policière se place dans la pratique du droit international et des droits de l’homme, selon l’article 2 de ses statuts :

Article 2

« Elle a pour buts :

« a) d’assurer et de développer l’assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle, dans le cadre des lois existant dans les différents pays et dans l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme ;

« b) d’établir et de développer toutes les institutions capables de contribuer efficacement à la prévention et à la répression des infractions de droit commun.

Institution de droit international, Interpol coopère avec l’ONU, la Cour pénale internationale et de nombreux organismes dédiés aux droits de l’homme. Dans son Recueil de pratique, Interpol multiplie les références au droit international, se plaçant sans réserve dans le respect des principes du droit international, et en particulier la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, et visant régulièrement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, notamment pour les libertés de réunion d’association et d’expression.

Petit rappel qui sera utile par la suite : La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 reste un texte politique. En 1966 a été adopté une version répondant mieux aux critères juridiques et qui est du droit opposable, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est donc le texte fondamental en matière de droits de l’homme, ratifié à ce jour par 173 Etats.

Selon l’article 3 des statuts : « Toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite à l’Organisation ».

Donc tout va très bien pour les opposants politiques : Interpol est une organisation neutre qui respecte les droits de l’homme, qui se consacre à la délinquance. Elle ne va donc pas les pourchasser.

La question des notices rouges

L’un des outils clés d’Interpol est celui des « notices rouges ». Lorsqu’un État membre recherche une personne pour des faits de délinquance, elle adresse une demande de coopération à Interpol, qui alors la répercute sous la forme d’une « notice rouge ». Les personnes frappées d’une notice rouge sont d’ailleurs publiées sur le site d’Interpol. De telle sorte, toutes les polices du monde sont informées et recherchent la personne.

Sur le principe, pas de problème : c’est le principe même de la coopération interpolicière.

En réalité, le système des notices rouges est particulièrement défaillant car nombre d’Etats construisent des dossiers d’accusation avec un mandat d’arrêt, et sollicitent des notices rouges d’Interpol pour traquer des opposants politiques. Ainsi, les notices rouges couvrent les poursuites contre des opposants politiques qualifiés de terroristes, de fraudeurs ou de délinquants, et qui sont exposés à la torture et à un procès inéquitable s’ils sont arrêtés. Ce contournement des procédures a des impacts terribles pour les personnes concernées

Interpol affirme qu’en tant qu’institution de police, il ne lui revient pas de porter une appréciation sur les actes judiciaires, pris par un procureur ou un juge, et c’est exact : quoi qu’il en pense, le policier ne peut pas remettre en cause un acte judiciaire.

En revanche, Interpol, en tant qu’institution internationale, doit faire un travail pour améliorer ses procédures : il ne s’agit pas de disqualifier tel ou tel jugement par un réexamen du dossier mais de disqualifier les systèmes juridiques des États policiers, à commencer par ceux qui recourent à la torture. Ce contrôle des notices rouges, qui a fait des progrès, reste non satisfaisant car il est tranché par une commission interne à Interpol, sans possibilité de recours devant un juge.

Les Emirats Arabes Unis, UN ETAT EN RUPTURE AVEC LE DROIT INTERNATIONAL

Un Etat policier

Les Émirats arabes unis (EAU), avec un pouvoir qui revient aux dirigeants dynastiques des sept émirats regroupés autour du prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed bin Zayed al-Nahyan, ignore toute idée démocratique et rejette les droits de l’homme.

Avec un fort appui des Etats Unis et de la France, les EAU possèdent l’armée la plus puissante des pays du Golfe, et ils se présentent comme fer de lance de la coalition arabe qui a agressé le Yémen, n’hésitant pas à mettre en avant leur sérieux contre un certain amateurisme saoudien.

Les Emirats regorgent de ressources et d’argent, et ils savent faire pour se mettre dans les petits papiers des occidentaux, alors que c’est un des pires Etats policiers du monde.

Pour savoir où un État en est vis-à-vis des droits de l’homme, il faut commencer par lister les textes internationaux ratifiés par cet Etat.

Pour les Emirats, le constat est affligeant. En effet, ils refusent de ratifier l’ensemble des textes fondamentaux pour les droits de l’homme :

  • le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et les Protocoles facultatifs s’y rapportant,
  • le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif s’y rapportant,
  • le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
  • les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant,
  • la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille,
  • la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées,
  • la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, 
  • la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement.

De plus, ils rejettent toutes les procédures de recours individuels et d’enquête prévus par le système de l’ONU. En particulier, les Emirats ont ratifié la Convention internationale contre la torture mais en refusant les enquêtes de l’ONU et les recours individuels. De telle sorte que la signature de la convention reste un habillage politique.

De ce point de vue, la situation est parfaitement claire : il ne s’agit pas de violations des droits de l’homme, mais d’un rejet global des droits de l’homme. 

Bref, faites vous-même la recherche et vous verrez que tout le monde s’accorde pour qualifier les Emirats comme l’un des pires États policiers de la planète : il n’existe aucune garantie judiciaire, et tout dépend du ministre de l’Intérieur, sous commandement des hiérarques du régime.

Ainsi un État qui refuse de ratifier le pacte de 1966 présente un candidat pour la présidence d’Interpol : ça ne gêne personne ! Les ravages du double standard…

Un État souverain est libre de signer ou non les traités, mais ce rejet des droits de l’homme le place en contradiction avec l’article 31 du statut d’Interpol : « Pour atteindre ses objectifs, [Interpol] a besoin de la coopération constante et active de ses Membres qui devront faire tous les efforts compatibles avec la législation de leur pays pour participer avec diligence à ses activités ».

Les Emirats auraient dû être disqualifiés d’office : comment prendre la tête d’une institution internationale quand on rejette le droit international des droits de l’homme ? Pourtant, ils ont gagné la partie, et les Etats occidentaux qui passent leur temps à faire la leçon sur les droits de l’homme sont cette fois-ci bien silencieux.

Ahmed Nasser Al Raisi, un homme-clé du système

Dans ce régime policier, le seul mécanisme de garantie du respect des droits ouverts aux citoyens est confié à Ahmed Nasser Al Raisi, sous la forme d’un « Office of the Inspector General in the organization of the Ministry of Interior », présenté comme « régulateur indépendant » qui a pour mission de contrôler l’action de la police, d’effectuer des enquêtes, et de recevoir les plaintes des particuliers.

Très bien, si ce n’est que son service est totalement défaillant. Les violations des droits de l’homme sont nombreuses et documentées, et le service d’Ahmed Nasser Al Raisi ignore superbement les accusations. Il ne publie aucun rapport, et ne répond à personne, et même pas aux rapporteurs spéciaux de l’ONU !

Le résultat ? Le recours généralisé à la torture, des procédures d’instruction secrètes, l’absence de recours à un avocat et à l’accès au dossier, des détenus ayant purgé leur peine mais restant en prison : Khalifa al-Rabea, Ahmed al Mulla, Omran Ali al Harithi, Abdullah Ebrahim al Helu ; journaliste et activiste des droits de l’homme ; Ahmed Mansoor, activiste qui correspondait avec les institutions défendant les droits de l’homme ; les universitaires Nasser bin Ghaith et Mohammed al Roken, le journaliste Tayseer Al-Najjar ; les avocats Mohammed al Roken et Mohammed al Mansoori ; Matthew Hedges, doctorant à l’Université de Durham… parmi tant d’autres.

En juin 2016, le New York Times a décrit que plus de 1 000 personnes – dissidents et journalistes – étaient placées sur écoute par les Émirats arabes unis en utilisant des logiciels espions sophistiqués.

LE FINANCEMENT D’INTERPOL

Les règles statutaires

Selon l’article 38 du statut, les ressources proviennent de la contribution financière des Etats-membres, mais aussi de « dons, legs, subventions et autres ressources », après acceptation ou approbation par le Comité exécutif.

La contribution financière des Etats est définie par l’assemblée générale selon des critères stricts d’équité, tenant compte, comme dans toutes les instances internationales, des capacités économiques des Etats. L’État doit s’en tenir à sa cotisation, car tout paiement supérieur serait une manière d’influencer la démocratie interne. Des « dons et legs » d’organismes tiers viennent compléter le budget.

Le budget d’Interpol a toujours été modeste car les cotisations sont particulièrement faibles. À ce jour, 120 Etats payent une cotisation inférieure à 20 000 €. Schéma classique : on sous-finance le public pour pouvoir le privatiser. Au cours des années 2000, la présidence d’Interpol, sous influence de son directeur Ronald Noble, avait des projets de développement considérables, et cette très fausse direction a fait valoir que, par préoccupation pour les finances publiques, elle ne modifierait pas les cotisations, mais qu’elle solliciterait les fonds privés. C’est dire que d’emblée, on partait sur un schéma totalement tordu, destructeur de ce que doit être une institution internationale de ce type.

En effet, vu la mission d’Interpol, les Etats auraient certainement accepté une évolution marginale de leurs cotisations, étant souligné que l’organisme est en mesure d’apporter des réponses concrètes aux Etats.

Les principaux donateurs sont tous intervenus car ils avaient des intérêts à défendre, bien loin des objectifs du droit international :

  • 2011, FIFA, 20 millions € ;
  • 2012, Philip Morris, 15 millions €, et Comité de la Coupe du monde 2022 au Qatar, 10 millions $ ;
  • 2013, 29 groupes de l’industrie pharmaceutique, 4,5 millions d’euros ;
  • 2015-2018, Comité international olympique (CIO), 1,5 million sur trois ans

Ces financements sont désormais en recul, du fait de l’importance prise par la « Fondation Interpol pour un monde plus sûr », qui joue un véritable rôle de blanchiment.

Cette fondation est une structure privée de droit suisse, dont le siège est à Genève. Elle regroupe une dizaine d’administrateurs, ignorants du droit international et des préoccupations policières, mais bien en place pour récupérer de l’argent intéressé. Le président d’honneur est le Prince Albert II de Monaco, et il existe une fonction d’« Ambassadeur de la Fondation » confiée à l’ambassadeur des Emirats au Liban M. Sheikh Binzayed Binsultan Al-Nahyan Mansoor. Plusieurs membres ont dû renoncer à leurs fonctions car ils étaient impliqués dans des affaires financières, avec le cas drolatique de Carlos Ghosn, qui était à la fois membre du conseil d’administration et recherché par une notice rouge !

Cette fondation ne fait rien à part collecter l’argent. Elle n’a aucune production intellectuelle. Et en réalité, elle a été utilisée par les Émirats Arabes Unis et Interpol pour contourner le financement par cotisations et permettre aux Emirats de se présenter comme financeur d’Interpol via la fondation. Une véritable opération de blanchiment, qui a bouleversé le financement d’Interpol.

Les 50 millions de dollars des Emirats

Pour les Emirats, la présidence d’Interpol est une cible depuis 2016, et le moyen pour accéder a été très simple : l’argent. En ajoutant sur la lâcheté des Etats prêts à dérouler le tapis rouge aux Emirats en contrepartie de ce financement providentiel.

Les Emirats paient une cotisation, mais ne peuvent faire davantage car le statut interdit des subventions directes des Etats, qui constitueraient des prises de pouvoir. Aussi, la solution trouvée a été le blanchiment de l’argent par la fondation : les Emirats versent les 50 millions à la fondation, qui les reversent à Interpol comme don. Un montage grossier, ce d’autant plus que les Emirats se vantent de ce versement.

En mai 2016, les Emirats ont pris l’engagement d’un versement de 50 millions à la fondation, pour financer sept projets majeurs d’Interpol : l’antiterrorisme, la cybercriminalité, le patrimoine culturel, les groupes vulnérables, les stupéfiants, les marchandises illicites et la criminalité liée aux véhicules. Impossible d’effectuer un versement direct Interpol, alors les Emirats sont passés par la fondation avec un « don » de 50 millions sur cinq ans. En 2016, le budget d’Interpol était de 113,7 millions d’euros, et la contribution des Emirats a pesé pratiquement 10 % ! En chiffre rond, elle équivaut à la cotisation d’une centaine d’Etats. A la suite, les Emirats ont rapidement perçu la contrepartie, en acquérant un rôle central dans l’organisation, la présidence n’étant que l’aboutissement de ces efforts.
En mai 2016, l’Emirates News Agency, l’agence de presse du pays, annonce via le quotidien Gulf News l’ouverture prochaine d’un « bureau central international d’Interpol » lié à la fondation, situé dans les Émirats, à Abou Dhabi.

Peu de temps après, est décidée l’organisation d’un important colloque en mars 2017 sur la surveillance électronique.

Au même moment, est créé au sein de la fondation un poste d’« ambassadeur de la fondation », confié à Hamad Saeed Al Shamsi, l’ambassadeur des Emirats au Liban.

En 2018, les Emirats ont le prestige d’accueillir la 87e assemblée générale d’Interpol.

En 2020, la 89e Assemblée générale, qui devait avoir lieu en Uruguay, a été fixée à Abou Dhabi, avant d’être reportée pour cause de COVID.

En mai 2021, M. Ahmed Nasser Al Raisi a inauguré un atelier Interpol sur le cybercrime et les outils électroniques pour le combattre dans une plate-forme commune avec le directeur du département du cybercrime d’Interpol, avec la participation de 80 gouvernements.

Et en novembre 2021, est tombée comme un fruit mur la présidence d’Interpol.

LES PROCÉDURES ENVISAGÉES

Plainte selon le régime de la compétence universelle

En droit français, selon les articles 689 à 689-13 du Code de procédure pénale, les auteurs ou complices d’infractions de torture peuvent être jugés par les tribunaux français, même si le crime a été commis à l’étranger par une personne étrangère et sur des victimes étrangères. Le critère de rattachement est que la personne en cause doit être sur le territoire français au moment où la plainte est déposée. Ce régime bénéficie d’une grande pratique, que la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme rendent parfaitement opératoire.

Voici donc une institution internationale, Interpol dont le président ne peut se rendre au siège car il ferait immédiatement l’objet d’une plainte criminelle avec un risque d’arrestation. Il ne pourra d’ailleurs voyager dans aucun pays européen, ni dans les très nombreux pays dans le monde qui mettent en œuvre ce principe de la compétence universelle pour la torture.

Recours contre le financement : demande d’un administrateur pour la fondation d’Interpol

En droit, il n’existe pas d’action recevable contre Interpol, organisme de droit public international. En revanche, la fondation Interpol est une structure de droit privé, inscrite au registre des sociétés suisses, et une procédure est parfaitement envisageable contre cette structure en application des dispositions du Code civil suisse.

Or, si le principe d’une fondation en appui à une institution est un modèle très partagé, il y a en réalité un dévoiement des statuts, vu la facilité avec laquelle la fondation a pour objet de transformer les 50 millions d’argent public émirati en un don généreux. L’administrateur devra bloquer les paiements émiratis, et demander le remboursement des 10 millions indûment perçus. Interpol ne peut pas être condamné par un tribunal mais devra prendre position.<

Aussi, la Fondation aurait dû se consacrer sur son objet, c’est-à-dire non pas créer un financement supplétif du mécanisme profond d’Interpol, et non pas assurer un financement complémentaire, notamment pour les victimes de violations du droit de l’homme commise par des Etats policiers.

Que deviendra Interpol sous présidence émiratie ?

Le premier sujet d’inquiétude et celui des « notices rouges », traitées en interne par une commission qui présente bien peu de garanties, car il n’y a aucun recours au juge, et vu les pratiques de Al Raisi, il n’est pas compliqué d’anticiper le poids du président sur l’examen de certains dossiers. C’est donc une très mauvaise phase qui s’ouvre pour les opposants politiques, qui vont être livrés à cette persécution.

Menacé par une plainte criminelle s’il se présente en France, Al Raisi exercera son mandat sans se présenter au siège d’Interpol, et cela ne va pas le tourmenter outre mesure. Le but recherché est le prestige de cette présidence, et Al Raisi va se transformer en VRP des technologies de la surveillance, pour tous les Etats devenus des amis parce les Emirats assurent le financement d’Interpol. Cette politique sera catastrophique en matière de liberté individuelle, et se pose clairement la question du maintien d’Interpol, structure privatisée de facto au service de la violation des droits de l’homme que l’institution est en principe chargé de défendre.

Comme rarement, on constate que les « droits de l’homme » sont d’abord devenus un discours pour les puissances occidentales. Un tortionnaire, hiérarque d’un pays qui dénie le droit international et refuse de signer les textes de base des droits de l’homme accède à la présidence après que son Etat ait littéralement acheté le vote des Etats-membres : les grands défenseurs des droits de l’homme n’ont rien à dire ni sur la méthode, ni sur les prisonniers politiques aux émirats, et le redouté prince héritier Mohammed bin Zayed al-Nahyan n’est même pas qualifié de « dictateur ». Quand l’homme triste noie son chagrin dans l’alcool, les Etats occidentaux noient leurs convictions dans l’argent.

Bienvenue dans le monde des logiciels espions sophistiqués, avec la bénédiction d’Interpol.

Les actualités du droit, novembre 2021

1er novembre – Lisez Ouest-France !

Une belle annonce : « Ce recours systématique aux sondages pour éviter de se pencher sérieusement sur les programmes des candidats (ou pour pallier l’absence de programme) nous paraissant dangereux pour la démocratie, Ouest-France ne réalisera aucun sondage sur le sujet avant l’élection ». Oui, lisez Ouest-France, qui rejoint Mediapart et Le Canard Enchainé !

Extrait de l’éditorial : « Présidentielle 2022 : les sondages, inquiétantes dérives »

« À chaque élection, on veut connaître le résultat avant même que les Français aient voté.

Pourquoi consulter les citoyens alors qu’il est si simple d’attendre les sondages ? Pourquoi se casser la tête à bâtir un programme politique alors que pour quelques milliers d’euros, des sondages vous diront ce qu’attendent les gens ? Pourquoi s’enquiquiner à débattre avec les militants politiques pour désigner un candidat alors que les sondages peuvent s’en charger ? On a tout vu ces derniers temps, des sondages mis à toutes les sauces, des personnalités politiques cherchant désespérément une légitimité dans les pourcentages des dernières études d’opinion, des sondages faisant ou défaisant le deuxième tour de l’élection présidentielle, des cadors du petit écran gonflés à l’hélium des mesures d’audiences devenir des stars politiques déjà qualifiées par les sondages avant même d’être candidats. Les sondeurs n’arriveront bientôt plus à mettre du charbon dans la machine tant elle est en surchauffe […].

Les sondeurs qui, quoi qu’en disent certains, sont des professionnels sérieux ont beau rappeler que leurs enquêtes donnent seulement une photographie à un instant précis, qu’il faut évidemment tenir compte des marges d’erreurs, qu’il ne faut pas faire dire aux sondages ce qu’ils ne disent pas, rien n’y fait. Les sondages sont pris pour argent comptant.

Ce que tout cela met en évidence, c’est l’extrême fragilité de notre système politique. Les partis sont affaiblis et n’ont plus beaucoup de militants. Les familles politiques traditionnelles semblent à court d’idées pour répondre aux défis, colossaux, d’aujourd’hui. La progression inquiétante de l’abstention témoigne de la sévérité avec laquelle la politique est jugée par les citoyens.

Le temps passé à commenter les sondages détourne les personnalités politiques et les médias de l’essentiel : la rencontre avec les citoyens, l’échange approfondi, le débat d’idées, l’écoute de ce que vivent les gens au quotidien, de leurs inquiétudes, de leurs espoirs. L’obsession sondagière empêche les uns et les autres d’écouter la diversité du pays, de ses habitants, de ses territoires. Elle nous berce d’illusions et nous aveugle. Elle nous fait prendre des vessies pour des lanternes.

La démocratie est fragile. Sans doute avons-nous trop tendance à penser qu’elle est un acquis indéboulonnable, que même fatiguée, elle est solide et résiste au temps. La multiplication des discours populistes, haineux et extrémistes devrait pourtant nous tenir éveillés. Ce n’est pas la consultation de « panels représentatifs » qui redonnera de la vigueur à la démocratie, c’est l’écoute et la consultation de chacune et chacun. Il est urgent de rebâtir un espace politique au contact immédiat des citoyennes et des citoyens ».

3 novembre – Accès aux prestations pour les ménages modestes

Le dédale des prestations sociales… La protection sociale comprend une trentaine de dispositifs soumis à des conditions de ressources, qui permettent chaque année de redistribuer 120 milliards d’euros. Cela concerne notamment les aides au logement (17 milliards d’euros, 6,6 millions d’allocataires), le RSA (11,3 milliards), la prestation d’accueil du jeune enfant (11 milliards), l’allocation adulte handicapé (9,7 milliards). Ce système s’est construit au fil du temps, et en pratique les conditions d’accès de ressources sont différents d’une prestation à l’autre. Une personne constitue son dossier pour l’aide au logement, et elle devra en faire un autre pour la prestation d’accueil du jeune enfant, et ainsi de suite. Au final des droits perdus, et beaucoup d’incompréhension.

Un rapport du Conseil d’État propose d’harmoniser et simplifier la définition des « bases ressources » qui servent à apprécier le niveau de vie des ménages : « Aujourd’hui, il existe autant de manières de définir les ressources des allocataires, et donc autant de bases ressources que de prestations ». Même la notion de revenu salarial diffère selon les cas : l’abattement fiscal de 10 %, les tickets-restaurants, l’aide à la mutuelle, etc. peuvent être ou non pris en compte. La proposition vise à ne pas créer de perdants, et si elle coûte aux finances publiques, ce sera au maximum quelques centaines de millions d’euros, moins de 1 % des sommes en cause.

8 novembre 2021 – Après la CJUE, c’est la CEDH qui condamne la Pologne

Cette procédure (CEDH, Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne, 8 novembre 2021, nos 49868/19 et 57511/19), a été engagée par deux juges polonais, sanctionnés dans leur carrière, soutenant que la Chambre du contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême ayant examiné leurs recours n’est pas un « tribunal établi par la loi » et manque d’impartialité et d’indépendance.

Pour la CEDH, cette chambre n’est pas un « tribunal indépendant et impartial établi par la loi » car trop dépendante du pouvoir politique, et une procédure de nomination des juges indûment influencée par les pouvoirs législatif et exécutif est en soi incompatible avec la Convention. Il s’agit d’une violation de la règle basique du procès équitable. Dans ces conditions, la Pologne doit par toute mesure individuelle ou générale appropriée résoudre les problèmes à l’origine de ces violations du droit et empêcher que des violations similaires ne se produisent à l’avenir. L’arrêt est très proche de l’arrêt Reczkowicz c. Pologne de juillet 2021 (n° 43447/19).

Après les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (Luxembourg), voici celles de la Cour européenne des Droits de l’homme : il n’y a pas de diable européen contre la Pologne, mais simplement la Pologne doit prendre des mesures rapides pour résoudre le manque d’indépendance du Conseil national de la magistrature, ce pour respecter les textes qu’elle a signés.

10 novembre – Amazon dégage du Gard

En novembre 2019, le préfet du Gard avait pris une décision ouvrant vers l’octroi de permis de construire à Fournès, non loin du Pont du Gard, pour Amazon, en accordant une autorisation environnementale au projet de la société Argan, spécialisée dans la construction de bases logistiques, principalement pour les besoins d’Amazon. Le projet prévoyait la construction d’un bâtiment de 38.800 m² sur un terrain de 13,7 hectares, à proximité de l’autoroute A9, cet énorme centre de tri attirant 500 camions par jour.

Avait suivi un recours en annulation, et le tribunal administratif de Nîmes vient d’annuler l’arrêté préfectoral de novembre 2019.

Ce projet est « susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées », et « malgré la création probable de 600 emplois équivalent temps plein et les retombées économiques (…) il ne répond pas à une raison impérative d’intérêt majeur, notion appréciée très strictement par la jurisprudence du Conseil d’Etat ».

C’est une « grande victoire pour la mobilisation « stop Amazon » », a réagi le porte-parole d’Attac France, Raphaël Pradeau, se félicitant de la « forte résistance de la part de riverains, agriculteurs, commerçants, altermondialistes, écologistes » partout en France contre Amazon.

10 novembre – Mulhouse : 300 détenus transférés d’une prison vétuste à un nouveau centre pénitentiaire

323 détenus de la maison d’arrêt de Mulhouse ont été transférés dans la nuit du 9 au 10 vers le nouveau centre pénitentiaire de Lutterbach, opération mobilisant 350 policiers et gendarmes et 250 membres du personnel. Affaire conduite en quelques heures, et de main de maître.

La maison d’arrêt de Mulhouse, construite entre 1865 et 1870, était vétuste et surpeuplée : avec une capacité théorique de 283 places, elle pouvait parfois accueillir jusqu’à 400 détenus, soit un taux d’occupation de 170%.

Le nouveau centre de Lutterbach, c’est17 bâtiments, 55.000 mètres carrés, un terrain de foot… pouvant accueillir 520 détenus en cellules individuelles, et avec 300 salariés de l’administration pénitentiaire. Cette nouvelle prison dispose également d’un « quartier de confiance », réservé aux détenus les plus respectueux, au sein duquel les règles seront moins contraignantes. Ils bénéficieront ainsi d’une plus grande autonomie et seront plus responsabilisés.

14 novembre – Violence de l’État contre le peuple kanak

Selon la classification juridique de l’ONU, la Nouvelle-Calédonie est un territoire non-autonome, à décoloniser. Après bien des événements, le processus a été enclenché par l’accord de Nouméa il y a 25 ans. Le dernier rendez-vous était fixé ce 12 décembre, pour le troisième et dernier référendum prévu sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté et à l’indépendance. Donc, le vote est décisif.

Beaucoup de discussions, notamment sur la liste électorale, mais le processus négocié avait tenu bon.

Le calendrier s’est compliqué en septembre 2021 car, longtemps épargnée, la Nouvelle-Calédonie a été frappée par la pandémie de COVID 19, avec des ravages dans les communautés océaniennes, qui cumulent les facteurs de comorbidité. Aussi, les représentants kanak, fidèles interlocuteurs depuis plus de 25 ans, ont formé la demande que ce référendum soit reporté de quelques mois pour respecter cette période de deuil.

Dans une tribune publiée par Le Monde, des soutiens au processus écrivent : « Si la situation paraît s’améliorer, la sidération et la tristesse restent palpables. Pour les Kanak, le temps est au recueillement et aux cérémonies traditionnelles de deuil qui mobilisent, pendant de longues périodes, beaucoup de monde et d’énergie. Le Sénat coutumier vient d’ailleurs de décréter un « deuil kanak » exceptionnel d’une année et s’est joint à la demande de report du référendum à la fin 2022 ».

Une demande logique, et n’occasionnant qu’un faible retard après 25 ans de processus, mais Macron a opposé un refus intransigeant. Ce sera le 12 décembre et rien d’autre.

Les représentants kanak ont donc appelé la population à ne pas participer, et on se retrouve dans le processus d’affrontement du référendum Pons de 1987, boycotté par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).

C’est une décision violente de l’État, qui remet en cause les accords de Matignon (1988) et de l’accord de Nouméa (1998) qui détruit le processus de colonisation pacifique et inclusive qui était le grand pari de ces accords.

Pour le Parti de libération Kanak, « cette décision inique relève de la provocation politique. Elle nous ramène à la case départ d’avant les accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa et met à mal toute possibilité́ de dialogue sur l’avenir du pays. Elle s’apparente à une véritable déclaration de guerre contre le peuple kanak et les citoyens progressistes du pays. »

Nous avons donc déjà les résultats du référendum du 12 décembre, et en même temps une parfaite connaissance de l’impasse dans laquelle Macron vient de plonger la Nouvelle-Calédonie. Lamentable.

19 novembre – Face à la colère des paysans, l’Inde abandonne ses lubies libérales

En Inde, le secteur agricole qui doit nourrir 1,3 milliards d’êtres humains, représente environ 15 % du PIB, et repose essentiellement sur de petites structures familiales avec une société qui se construit autour de ces petites exploitations.

Le premier ministre, Narendra Modi, enthousiasmé par les vertus de l’économie libérale, avait fait voter en septembre 2020 une grande réforme agricole, qui autorisait les agriculteurs à vendre leurs productions aux acheteurs de leur choix, plutôt que de se tourner exclusivement vers les marchés contrôlés par l’Etat qui leur assurent un prix de soutien minimal. L’opposition a été immédiate, cette libéralisation obligeant à terme les agriculteurs à brader leurs marchandises aux grandes entreprises pour les écouler.

Il s’en est suivi un an de manifestations massives d’agriculteurs, soutenues par un large mouvement de solidarité, mais marqué par des affrontements avec les forces de l’ordre, avec des morts. Le Premier ministre restait intransigeant malgré la démonstration d’une réforme destructrice.

En réalité, le mouvement agricole a tenu bon, et alors que les élections s’approchent, le Premier ministre vient le 19 novembre de faire machine arrière : « Nous allons entamer le processus constitutionnel d’abrogation de ces trois lois lors de la session parlementaire qui débute à la fin du mois ».

Les agriculteurs ont gagné, et avec eux la nécessaire régulation des marchés qui ne peut pas être laissée aux gougnafiers de l’économie libérale.

20 novembre – Israël rend le mauvais corps à la famille d’un adolescent palestinien tué

Le fait est grave en lui-même, mais il apporte une lumière crue sur l’une des pires pratiques d’Israël : faire purger les peines de détention à des cadavres.

Dans toutes les pratiques militaires, lorsqu’une personne meurt lors d’une opération militaire ou en détention, le corps est immédiatement restitué à la famille, qui peut faire le deuil. Cette pratique est ignorée par l’État d’Israël, qui décide arbitrairement de conserver pendant de longues années certains corps de défunts. Selon le groupe de défense des droits de l’homme Jerusalem Legal Aid and Human Rights Center (JLAC), Israël détient les dépouilles d’environ 80 Palestiniens, en plus de 254 corps enterrés dans des « cimetières numérotés » – des cimetières secrets où leurs tombes sont numérotées.

Après maintes démarches, le commandant militaire avait prévu de restituer les corps de deux Palestiniens – Isra Khazimia et Amjad Abu Sultan – pour des « raisons humanitaires ». Au moment des attaques présumées, Khazimia souffrait de problèmes de santé mentale alors qu’Abu Sultan était mineur.

Mais lorsqu’ils ont remis la dépouille d’Abou Sultan, sa famille a informé les soldats qu’il ne s’agissait pas de son corps. Les restes n’ont pas été publiquement identifiés.

L’armée israélienne dans un communiqué, s’est excusée pour l’erreur : « Au retour du corps, il a été révélé que le corps avait été mal identifié. Cette malheureuse erreur est en cours d’examen par les autorités compétentes ». Les restes corrects seraient rendus à la famille le lendemain. Ainsi va l’horreur.

22 novembre – Venezuela : La victoire écrasante du chavisme

Macron, notre génie qui sait tout sur tout, devrait quand même se poser la question de renoncer à la politique étrangère, tellement il est nul.

Le 4 février 2019, Macron avait reconnu l’opposant vénézuélien Juan Guaido, autoproclamé président du Venezuela, comme « président en charge » après l’expiration d’un ultimatum donné à Nicolas Maduro, réélu à la présidence de son pays en 2018, et qui avait refusé de convoquer de nouvelles élections en dehors du calendrier.

Une pure aberration. Le Venezuela est un État enregistré auprès de l’ONU, qui dispose d’institutions élues, en état de fonctionnement, et l’« auto proclamation » de Guaido n’a aucun sens. Par ailleurs, si la France reconnaît les Etats, elle n’a jamais reconnu les gouvernements, ce qui l’amènerait à s’immiscer directement dans les affaires des Etats tiers. Il n’y avait aucun antécédent de la diplomatie française sur une telle reconnaissance d’un président auto-proclamé avant la géniale déclaration de Macron.

La haine contre un dirigeant socialiste était un motif suffisant, mais un motif n’est pas la raison. Et aujourd’hui, où en est-on ?

Ce dimanche 21 novembre se tenait au Venezuela les élections régionales, élections placées sous le contrôle d’observateurs de l’Union européenne, qui ont vu la victoire des partisans de Nicolas Maduro dans 20 des 23 régions, ainsi que la mairie de Caracas. L’opposition a reconnu sa défaite. Une victoire magnifique, saluée par Nicolas Maduro comme « un beau triomphe, une belle victoire, une belle récolte, et le produit du travail ».

C’est une belle victoire du chavisme, huit ans après la mort d’Hugo Chavez et la série des agressions occidentales contre le Venezuela.

Quant à Guaido, le président « autoproclamé reconnu par la France », il a été écarté du circuit par ses propres amis politiques, et se trouve totalement marginalisé. Macron veut peut-être l’adopter ?

23 novembre – 3 000 magistrats et une centaine de greffiers appellent à l’aide

Un collectif de 3 000 magistrats et d’une centaine de greffiers publie dans Le Monde une tribune dénonçant l’approche « gestionnaire » de la justice et soulignant la « discordance » entre la volonté de rendre une justice de qualité et la réalité du quotidien.

« Nous, magistrats judiciaires, qui ne prenons que très rarement la parole publiquement, avons décidé aujourd’hui de sonner l’alarme. Autour de nous, les arrêts maladie se multiplient, tant chez les nouveaux magistrats que chez les magistrats plus expérimentés. L’importante discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien fait perdre le sens à notre métier et crée une grande souffrance ». 

L’ambiance est décidemment bien mauvaise. 

23 novembre – Le procureur de la CPI est cool (avec lui-même)

Le 23 novembre, se tenait une réunion consacrée à la Libye entre les 15 membres du Conseil de sécurité et Karim Kahn, le procureur de la Cour pénale internationale. Celui-ci a indiqué qu’il espérait pouvoir se rendre en début d’année en Libye : « Je voudrais m’engager davantage avec le gouvernement libyen mais aussi avec d’autres parties prenantes ». Au cœur du dossier, la situation de Seif al-Islam Kadhafi, candidat à la présidentielle en Libye prévue le 24 décembre, et recherché depuis 2011 par la CPI pour « crimes contre l’humanité ».  Très bien.

Sauf que les choses se compliquent, car avant d’être procureur Karim Kahn était avocat… et avocat notamment de Seif al-Islam Kadhafi. En juin 2018, encore avocat, il avait déposé un mémoire argumenté de 50 pages, cosigné avec son fameux client, pour dire que la Cour n’avait aucune compétence sur la Libye, et en particulier vis-à-vis de Seif al-Islam Kadhafi. 

Alors que tout accusé a droit à un procès équitable, la situation de l’avocat qui devient procureur – du jamais vu – est un vice rédhibitoire. Mais cette question ne semble pas traumatiser outre mesure Karim Khan, qui a précisé que pour les affaires libyennes où « son impartialité pourrait être mise en cause », il se récuserait et c’est son adjoint à la CPI qui serait chargé de suivre ces affaires. 

D’où ce dialogue. 

  • Bonjour Monsieur Kadhafi, c’est Karim Khan, il faut parler de l’affaire en cours devant la CPI.
  • Ah, cher avocat, y a-t-il du neuf ?
  • Oui, je suis devenu procureur, et on va vous arrêter. 
  • Quoi ! Mais après m’avoir défendu et défendu la cause libyenne, vous ne pouvez ni m’accuser, ni m’arrêter !
  • Bien sûr, aussi c’est mon adjoint qui va s’en charger. 
  • Cet adjoint dispose-t-il de garantie d’indépendance ou n’est-il pas plutôt placé sous votre autorité ?
  • Certes, il est statutairement sous mon autorité, mais il m’a garanti qu’il serait indépendant… 
  • Quelles garanties ? 
  • S’il ne se montre pas indépendant, je prendrai des sanctions, vu que je suis son supérieur hiérarchique. 
  • Pas d’accord, je vais contester la procédure. En tant que procureur, vous vous accordez toutes les circonstances atténuantes. 
  • Oui mais c’est dans l’intérêt de la justice ! Et le Conseil de sécurité est d’accord.
  • Dans ce cas…

24 novembre – Nicolas Hulot interviewé par Patrick Poivre d’Arvor ? 

Pendant des années, les sondages répétitifs nous ont expliqué que Nicolas Hulot et Patrick Poivre d’Arvor étaient les personnalités préférées des Français. Aussi, dans nos temps incertains, il serait certainement profitable d’organiser une interview de Nicolas Hulot par Patrick Poivre d’Arvor sur le thème : « Que vaut la parole des femmes face à la cuistrerie des vedettes médiatiques ? ». L’avis des experts, il est toujours dommage de s’en passer…

26 novembre – Un policier musulman persécuté par le ministère de l’Intérieur

Le 3 octobre 2019, un informaticien embauché depuis 15 ans, habilité secrets défense, a soudain abattu quatre fonctionnaires du service du renseignement dans les locaux de la préfecture de police de Paris. L’enquête a rapidement mis en évidence les carences dans la surveillance de cet informaticien.

Quelques jours plus tard, un policier de la brigade d’exécution des décisions de justice (BEDJ) – chargé de traquer des personnes condamnées tentant d’échapper à leur peine – a fait l’objet de toutes les suspicions : le 10 octobre, désarmé et contraint de poser ses congés ; le 28 octobre, suspendu pour radicalisation par Castaner alors ministre de l’Intérieur. Et l’affaire défraye la chronique. Pour cet officier de 41 ans au passé professionnel irréprochable, un monde s’écroule, et on imagine la pression des événements.

Le 26 février 2020, aucun grief n’a été versé au dossier, et le policier a fait l’objet d’une réintégration automatique, mais alors qu’il était en charge du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), il se trouve affecté au service dédié à la lutte contre les fraudes financières, ce qui constitue une sanction déguisée.

L’enquête se poursuit, confiée à l’IGPN qui le 8 juin, blanchit le fonctionnaire dans un rapport dévoilé par Marianne , dénonçant le non-respect de la procédure, qui doit être marquée par une graduation, et stigmatisant un «principe de précaution exacerbé».

Ce chef d’équipe au professionnalisme loué par sa hiérarchie – un « fonctionnaire sérieux, méthodique, respectueux et organisé », participant à «la cohésion et la bonne ambiance au sein du groupe » – affichait d’excellentes notations. L’enquête administrative, qui a entendu tous les collègues de travail et vérifié toutes les données matérielles, « n’a mis en lumière aucun manquement susceptible d’être reproché au capitaine de police ». Pour la police des polices, « aucun prosélytisme religieux » ne peut être reproché au fonctionnaire, qui « semble avoir parfaitement intégré le devoir de neutralité et le principe de laïcité ». L’IGPN note que « les ressentis et inquiétudes » ne relèvent pas d’ « éléments factuels et concrets ». Par conséquent, la suspension en 2019 n’est « adossée à aucun fait ni comportement contemporain. En l’absence de toute faute, la carrière de cet agent a été considérablement affectée […] avec un impact négatif pérenne sur sa personne.»

L’agent a engagé un recours en responsabilité devant le tribunal administratif, et dans son mémoire de juin 2021, le ministère reprend toutes ses lubies, ignorant le rapport de l’IGPN. Le policier est décrit comme refusant « soudain d’embrasser les femmes du service », ayant une « pratique religieuse radicale, incompatible avec la vie de l’unité » ou tenant « des propos sans équivoque traduisant une vision radicale de l’islam ». Plus vicieux encore, il lui est aussi reproché d’avoir adopté ces derniers temps « une attitude plus souple » laissant penser qu’il « tenterait de dissimuler ses convictions religieuses ». Ces responsables d’administration sont indécrottables.

Comme l’expliquent ses avocats Me Hélène Jouny et Anass Khafif, « le problème fondamental dans cette affaire, c’est qu’un policier musulman, suspecté à tort, ne peut pas contribuer à la lutte contre le terrorisme avec son pays. Il s’agit d’une discrimination par la seule raison de sa religion, en l’occurrence l’islam. Sur la simple foi d’une rumeur, on a pris des décisions qui relevaient de la sanction, et fait de la communication politique sur le dos des libertés publiques. Peut-on briser la carrière et la vie de quelqu’un sur la base de simples on-dit ?» 

Aussi, le 17 novembre, le policier a également déposé une plainte au pénal contre X pour « discrimination » et « dénonciation calomnieuse ». La plainte vise aussi Monsieur Castaner, et a été enregistrée devant la Cour de justice de la République.