Les actualités du droit, aout 2021
En musique avec Angelique Kidjo, Dianne Reeves et Lizz Wright
L’une suffit à faire le bonheur, mais les voici toutes trois réunies pour un hommage à Nina Simonne à l’Estival Jazz Lugano 2011 : Sing The Truth. Sommet de beauté…
Focus sur… une mère jugée trop dangereuse pour se rendre aux funérailles de sa fille
Palestine :
La député Khalida Jarrar
trop dangereuse pour se rendre aux funérailles de sa fille
Khalida Jarrar est une femme politique, très présente dans la vie politique palestinienne. Elle a été élue pour la première fois au Conseil législatif palestinien en 2006 sur une liste dirigée par Ahmad Sa’adat, secrétaire général du FPLP. Son action a porté sur les droits des prisonniers, la législation sociale et l’amélioration de la condition de la femme. Elle n’a quitté la Cisjordanie qu’une fois, en 1998, pour assister à une conférence sur les droits de l’homme à Paris. Depuis, elle est interdite de déplacement, et la seule exception a été en 2010, où elle a pu se rendre à Amman pour des soins médicaux non disponibles en Palestine.
Elle est l’un des 15 membres du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine, l’organe suprême de cette organisation.
En décembre 2015, Khalida Jarrar avait déjà été condamnée à 15 mois de prison pour l’appartenance au FPLP, et a été libéré en juin 2016.
Elle a ensuite de nouveau été arrêtée en juin 2017. Là encore, pas le moindre indice de preuve. L’option retenue a été la « détention administrative », mesure de sureté sans inculpation, et sans juge, pour 20 mois, pour être libérée en février 2019. Les détentions administratives sont basées sur des soupçons gérés par le Shin Bet. Les griefs restent secrets, et la rétention n’est pas contrôlée par un tribunal.
En octobre 2019, le Shin Bet a à nouveau arrêté de nombreux militants, dont Khailda Jarrar, au motif d’un attentat. N’ayant pu trouver le moindre indice, ils ont renoncé à tout implication de ce type, et l’inculpation restée est d’« appartenance à une organisation illégale ». Jarrar de membre du FPLP. Khalida Jarrar a été condamnée par un tribunal militaire israélien à deux ans de prison, dont quatre mois avec sursis. Parmi les nombreuses législations permettant la répression de toute activité politique en Cisjordanie, l’ordre militaire 1651 menace de dix ans de prison quiconque « tente, oralement ou autrement, d’influencer l’opinion publique dans la zone, d’une manière qui peut nuire à la paix ou l’ordre public ».
Addameer, une organisation d’aide juridique pour les prisonniers palestiniens, a déclaré que le verdict « prouve qu’Israël travaille contre l’opposition politique à l’occupation et utilise son système judiciaire militaire pour forcer sa politique de domination et de préjudice au peuple palestinien ».
Au milieu de tous ces évènements, Khalida Jarrar, c’est aussi une vie de famille.
Son époux, Ghassan gère une usine, située à Beit Furik près de Naplouse, qui fabrique des meubles et jouets pour enfants, une activité très dangereuse. Ghassan n’est jamais sorti Cisjordanie au motif « raison de sécurité ». Il a été arrêté et emprisonné 14 fois depuis l’âge de 15 ans.
Khalida et Ghassan sont les parents de deux enfants.
Leur fille aînée, Yafa, est docteur en droit au Canada, où elle a épousé un Canadien.
Suha après avoir obtenu à Ottawa une maîtrise en études environnementales, était rentrée en Palestine, et elle était très active dans la société civile. On la voyait beaucoup sur l’environnement et les droits des femmes ; notamment, elle avait été reçue en 2014 par le pape dans le cadre d’un projet de protection de l’environnement.
Suha avait pu rendre visite à sa mère, dans la prison de Damon au sud de Haïfa, en février 2020. Il y a eu ensuite trois visites pour le père, en aout et octobre 2020, puis le 7 juillet 2021. 4 visites en deux ans.
Chaque semaine, Suha adressait à sa mère via l’émission « Lettres aux prisonniers », de la radio Ajyal basée à Ramallah. Encore, le vendredi 9 juillet.
Mais le dimanche 11 juillet est survenu le drame : Suha a été retrouvée morte dans sa maison du camp de réfugiés de Qaddura, près de Ramallah, apparemment d’un arrêt cardiaque. Elle était âgée de 30 ans.
L’administration pénitentiaire n’a pas informé Khalida Jarrar. Celle-ci a entendu parler de la mort de sa fille pour la première fois à la radio le lundi, et quelques heures plus tard, ses avocats lui ont rendu visite pour lui confirmer la terrible nouvelle.
Khalida Jarrar, qui doit être libérée en septembre, a demandé une permission de sortie pour se rendre aux funérailles de sa fille.
Le service pénitentiaire israélien a rejeté la demande, le commissaire de l’administration pénitentiaire expliquant dans une lettre au ministre de la Sécurité publique Bar-Lev : « La détenue est classée comme détenue de sécurité. En tant que telle, sa demande ne remplit pas les conditions préalables à l’examen. En conséquence, personne dans l’administration pénitentiaire, y compris le commissaire, n’a le pouvoir d’approuver cette demande ». L’arbitraire, et ce n’est assurément pas une première.
La famille a alors organisé les funérailles mardi 13 juillet, sans la mère.
L’administration pénitentiaire a autorisé un appel téléphonique à sa famille, et voici le texte de Khalifa Jarrar lu lors des funérailles :
« Je souffre tellement, mon enfant, uniquement parce que tu me manques.
« Du plus profond de mon agonie, j’ai tendu la main et embrassé le ciel de notre patrie à travers la fenêtre de ma cellule de prison dans la prison de Damon, à Haïfa.
« Ne t’inquiète pas, mon enfant.
« Je me tiens droit et inébranlable, malgré les chaînes et le geôlier.
« Je suis une mère dans le chagrin du désir de te voir une dernière fois. Cela n’arrive qu’en Palestine.
« Tout ce que je voulais, c’était dire un dernier adieu à ma fille. Avec un baiser sur le front et pour lui dire que je l’aime autant que j’aime la Palestine.
« Ma fille, pardonne-moi de ne pas avoir assisté à la célébration de ta vie, de ne pas avoir été à tes côtés pendant ce moment déchirant et final.
« Mon cœur a atteint les hauteurs du ciel en rêvant de te voir, de te caresser et de poser un baiser sur ton front à travers la petite fenêtre de ma cellule de prison.
« Suha, ma si précieuse,
« Ils m’ont empêché de t’offrir un dernier baiser d’adieu.
« Je te dis adieu avec une fleur.
« Ton absence est terriblement douloureuse, atrocement douloureuse.
« Mais je reste ferme et fort, comme les montagnes de la Palestine bien-aimée ».
Une mère trop dangereuse, en effet.
* * *
A lire, cette lettre que Khalida Jarrar avait pu faire parvenir au festival « Palestine Writes », le 17 octobre 2020
Depuis la prison israélienne de Damon, située au sommet du mont Carmel à Haïfa, je vous adresse mes salutations au nom de moi-même et de mes 40 camarades, toutes combattantes palestiniennes pour la liberté détenues dans des prisons israéliennes.
Nous adressons nos salutations et nos respects légitimes à tous les écrivains, érudits, intellectuels et artistes qui disent la vérité et qui réclament la liberté et la justice pour tous et qui défendent le droit des gens à l’autodétermination tout en s’opposant à la domination coloniale raciste.
À cette occasion, permettez-moi, s’il vous plaît, d’également adresser nos salutations et notre soutien à tous les écrivains, érudits, intellectuels et artistes arabes qui rejettent la normalisation avec le système israélien d’implantation coloniale et qui ont refusé d’accepter les accords de normalisation entre les Émirats, Bahreïn et le Soudan d’une part et l’entité sioniste d’autre part. Ce sont des prises de position de ce genre qui représentent les véritables liens entre notre peuple au sein du monde arabe et qui nous fortifient de l’intérieur, nous, les prisonniers.
Bien que, physiquement, nous soyons gardés emprisonnés derrière des barrières et des barreaux, nos âmes restent libres et s’élèvent en flèche vers les cieux de la Palestine et du monde entier. Qu’importe la dureté des pratiques et des mesures punitives imposées par l’occupation israélienne, notre voix libre continuera à s’exprimer au nom de notre peuple qui a enduré des catastrophes horribles, la déportation, l’occupation et des arrestations. Il continuera également à faire connaître au monde cette forte Volonté palestinienne qui, infatigablement, rejettera et défiera le colonialisme sous toutes ses formes. Nous œuvrons à établir et à consolider les valeurs humaines et à lutter pour obtenir une libération sociale et économique qui unira les peuples libres du monde entier.
Nos salutations aux participants de cette discussion de clôture : à la camarade Angela Davis, à la collègue et amie Hanan Ashrawi, à Richard Falk, à la bien-aimée Susan Abulhawa et à Bill V. Mullen.
Quant à notre contribution à cette conférence, nous aimerions tenter de vous faire part de nos expériences actuelles avec la littérature et la culture alors que nous sommes en prison en Israël.
L’élément le plus important à ce point de vue, ce sont les livres. Les livres constituent le fondement de la vie en prison. Ils préservent l’équilibre psychologique et moral des combattants pour la liberté, qui perçoivent leur détention comme faisant partie de la résistance générale à l’occupation coloniale de la Palestine. Les livres jouent également un rôle dans le combat individuel de la volonté de chacun des prisonniers entre eux et les autorités des prisons. En d’autres termes, la lutte devient un défi pour les prisonniers palestiniens du fait que les geôliers cherchent à nous dépouiller de notre humanité et à nous garder isolés du monde extérieur.
Le défi pour nous, prisonniers, consiste à tranformer notre détention en un état de « révolution culturelle » par le biais de la lecture, de l’éducation et des discussions littéraires.
Les prisonniers politiques palestiniens sont confrontés à de nombreux obstacles, s’ils veulent avoir accès à des livres. Par exemple, les livres ne nous parviennent pas à temps puisqu’ils sont soumis à de sévères mécanismes de contrôle et à des confiscations quand c’est un membre de la famille qui les apporte. En théorie, chaque détenu a le droit de recevoir deux livres par mois. Toutefois, ces livres sont soumis à des « contrôles » lors desquels, très souvent, ils sont rejetés par l’administration de la prison sous le prétexte d’être des livres d’incitation. Faire cesser l’accès des détenus aux livres est utilisé comme punition et, dans ce cas, les détenus ne peuvent plus recevoir de livres pendant deux ou trois mois, et c’est l’expérience que j’ai moi-même vécue en 2017.
La modeste bibliothèque utilisée par les détenus fait également l’objet d’inspections constantes afin que les gardiens de la prison puissent confisquer tout livre qui pourrait avoir été introduit à leur insu. Cela encourage les prisonniers à imaginer des moyens créatifs pour protéger les livres susceptibles d’être saisis. Empêcher les livres d’être confisqués par les autorités carcérales constitue l’une des tâches les plus importantes des prisonniers.
C’est avec cela en tête que les prisonnières palestiniennes sont parvenues à faire entrer en secret un grand nombre de livres, en dépit des contraintes très strictes. Par exemple, outre certains livres de philosophie et d’histoire, de nombreux livres de Ghassan Kanafani, des œuvres d’Ibrahim Nasr-Allah et de Susan Abulhawa faisaient partie de ceux auxquels les prisonnières ont eu accès avec succès et qu’elles ont pu étudier. Le roman « La mère », de Maxime Gorki est devenu un réconfort pour les détenues privées de l’amour de leur mère. Les livres de Domitila Chúngara, Abd-Arahman Munif, Al-Taher Wattar, Ahlam Mustaghanmi, Mahmoud Darwich, « Les quarante règles de l’amour » d’Elif Shafak, « Les misérables » de Victor Hugo, ou encore les livres de Nawal El Saadawi, Sahar Khalifeh, Edward Saïd, Angela Davis et Albert Camus font partie des livres les plus appréciés à avoir échappé aux inspections et qui ont été introduits en fraude avec succès.
Cependant, des livres comme « Écrits sous la potence » de Julius Fučík et « Cahiers de prison » d’Antonio Gramsci n’ont jamais pu échapper aux mesures et restrictions des geôliers. En fait, aucun des livres de Gramsci n’a jamais été autorisé en prison en raison de ce qui semble être une position très hostile des autorités d’occupation envers Gramsci.
Du côté plus brillant de nos existences, certains livres écrits par des prisonniers à l’intérieur des prisons ont été en mesure de se faufiler jusqu’à nous, dont l’un, qui parle des expériences d’emprisonnement et d’interrogatoire dans les prisons isaréliennes. Il est intitulé « Vous n’êtes pas seul ». Ce que j’essaie de dire, mes chers artistes et écrivains, c’est que vos livres qui sont proposés dans les librairies du monde entier font l’objet de poursuites et de confiscation de la part des autorités carcérales de l’occupation israélienne, si nous tentons d’y avoir accès – vos livres, ici, sont arrêtés de la même façon que nos gens le sont.
L’accès aux livres n’est pas la seul lutte à laquelle sont confrontés les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Je vais tenter de vous donner un bref aperçu de nos existences. Tenez à l’esprit toutefois que notre volonté requiert de nous que nous restions forts comme l’acier.
Les autorités carcérales israéliennes imposent une politique oppressive sur base quotidienne comme le prouve l’application des mesures d’isolement par le biais de l’enfermement solitaire. Elles nous privent aussi des visites de la famille, empêchent l’entrée d’ouvrages culturels et littéraires et interdisent complètement les livres éducatifs. Elles interdisent aussi le chant sous toutes ses formes. Les chansons révolutionnaires ou les chansons ordinaires sont interdites.
En outre, il ne nous est pas permis d’acheter davantage que la seule radio à laquelle nous avons accès. La radio est une importante source d’information qui nous relie au monde extérieur en diffusant les nouvelles mondiales. Mais la radio représente bien plus que cela, pour nous… C’est un outil qui nous relie à nos familles et à nos amis et ceux-ci lancent des appels et nous envoient des messages par le biais des diverses émissions de radio palestiniennes.
Les autorités carcérales israéliennes ne nous autorisent pas non plus le moindre type d’assemblée ou de rassemblement. Elles punissent sans arrêt des détenues en réduisant les articles que l’on peut se procurer à la « cantine », qui est le seul « magasin » accessible.
Les prisonniers sont continuellement contrôlés au moyen des caméras de surveillance installées à chaque coin de la prison, y compris le quadrilatère (Al-Forah). Cette place, c’est là où les détenues ont le droit de jouir du soleil pendant cinq heures intermittentes chaque jour, à l’extérieur de leurs cellules cadenassées et fenêtres en acier. Nos cellules sont également soumises à des fouilles rigoureuses et provocatrices à toutes les heures de la nuit ou de la journée, en quête du moindre bout de papier sur lequel quelque chose est écrit. Vous pouvez vous imaginer comme il est malaisé pour moi de faire sortir cette note que je vous adresse ici.
Tout ce qui précède et bien d’autres choses encore nous forcent à imaginer diverses méthodes pour contrecarrer ces mesures. Certains détails et éléments peuvent sembler terre-à-terre en dehors de la prison, mais ils ont une grande importance pour nous, les détenues qui sommes à l’intérieur. Par exemple, le stylo est important, le papier est important et les livres sont perçus comme un trésor. Tout cela constitue des outils utilisés dans le cadre de notre survie et de notre lutte contre l’occupation, et aussi dans le but de nous développer.
Pour aborder une note un peu plus joyeuse, nous estimons que, malgré cette luttes mentionnées, bien des détenus, et particulièrement ceux qui ont de lourdes peines, ont enrichi la littérature en publiant des romans, dont j’espère qu’ils gagneront l’attention des écrivains arabes et internationaux. En outre, le Mouvement des prisonniers a publié un certain nombre d’études et de recherches qui ont éclairé la réalité des conditions dans les prisons israéliennes. Moi-même, alors que j’étais en prison en 2016, j’ai mené une étude sur « La situation des détenues dans les prisons israéliennes ». L’étude se concentrait sur les effets des violations subies par les femmes et enfants détenus dans les prisons. En 2019, j’ai préparé un autre article sur « L’enseignement à l’intérieur des prisons israéliennes », qui a été publié dans le livre de Ramzy Baroud sur l’éducation et les femmes prisonnières intitulé « These Chains Will be Broken » (Ces chaînes seront brisées).
Malheureusement, je n’ai pas vu la version publiée du livre en raison de ma nouvelle détention actuelle. Dans l’article mentionné, je présentais les défis rencontrés par l’éducation en prison, l’un d’eux étant la volonté persistante d’Israël de nous empêcher d’organiser le moindre processus éducatif en prison. Clairement, le but des Israéliens est d’isoler les prisonniers, aussi bien les hommes que les femmes, et de nous briser en nous transformant en individus dénués d’espoir ou du moindre plan d’avenir décent. Les détenus, par ailleurs, font tout ce qu’ils peuvent pour contrecarrer les tentatives des autorités carcérales, en recourant à des méthodes créatives novatrices pour gagner le droit à l’éducation.
Nous cherchons pour l’instant à démarrer un enseignement universitaire pour une première fournée de détenues, en guise de deuxième stade de notre lutte de revendication du droit à l’enseignement. Ce sera la première fois dans l’histoire que des détenues palestiniennes, et particulièrement celles frappées de lourdes peines, seront capables d’obtenir un diplôme universitaire alors qu’elle sont en prison. Dans un futur proche, une mise à jour sera disponible sur ce sujet, laquelle parlera également des défis auxquels nous sommes confrontées.
Une partie du programme éducatif universitaire s’appuie sur l’intégration des expériences éducatives palestiniennes, arabes et internationales par le biais de la littérature de résistance. Le programme comprendra aussi de la recherche et des études scientifiques disponobles à nous, en prison, dans une tentative d’approfondir les capacités analytiques des détenues et d’identifier leurs ambitions à propos de leur avenir.
L’ensemble de l’initiative tend à inspirer et à renforcer la confiance en soi des détenues en les encourageant à considérer la prison comme un lieu de développement créatif, culturel et humain. Nous espérons que l’initiative fortifiera les convictions des prisonnières et leurs capacités à créer un changement dans la société une fois qu’elles auront été libérées.
Cette initiative vise à contribuer à la lutte de libération générale contre l’apartheid israélien et l’inégalité des sexes en donnant la possibilité aux détenues de poursuivre leur éducation et d’accéder à l’emploi une fois qu’elles auront été libérées.
Je tiens à faire remarquer que, pendant que je préparais cette déclaration, nous avons eu deux sessions éducatives pour les détenues qui se sont inscrites pour l’enseignement universitaire. Les deux sessions ont été présentées, l’une autour de la langue anglaise, l’autre autour de l’arabe.
Ce qui a attiré mon attention, c’est que, lors de la première session autour de la langue anglaise, j’ai demandé que chaque prisonnière remplisse une fausse demande d’inscription à l’université et qu’elle précise le domaine des études qu’elle désirait poursuivre. J’aimerais partager certaines des demandes que j’ai reçues :
Shorouq : une détenue de Jérusalem condamnée à 16 ans de prison et qui en a actuellement purgé six. Elle a été arrêtée alors qu’elle était à l’Université de Bethléem pour une majeure en « tourisme ». Le rêve de Shorouq est de devenir guide touristique. Elle a choisi sa majeure en tourisme parce qu’elle veut instruire le monde à propos des sites historiques de Palestine. Elle est particulièrement intéressée par des visites guidées à Jérusalem en raison de la permanence de l’annexion, du vol, des violations et de la déformation du paysage imposées à la ville par l’occupation israélienne.
Maysoun : une détenue de Bethléem condamnée à 15 ans de prison et qui en a actuellement purgé six. Elle a été arrêtée alors qu’elle était à l’université pour une majeure en littérature. Maysoun est une lectrice boulimique, même en prison. Elle aime profondément la littérature. Elle définit la littérature comme une méthode pour former son propre avenir. La littérature, selon elle, requiert du lecteur qu’il réfléchisse et qu’il réponde à de nombreuses questions à propos d’un thème particulier soulevé par le roman ou l’œuvre littéraire qu’on a sous la main. Elle croit que cela mène à une pensée critique et au développement culturel.
Ruba : Ruba est une étudiante de 3e année en sociologie à l’Université de Birzeit. Elle a été arrêtée il y a trois mois et elle est toujours en détention. Ruba est fermement disposée à poursuivre ses études lors de sa libération. Selon elle, la raison d’avoir choisi la sociologie comme majeure est de développer son savoir académique et son analyse des structures sociales et de classes dans la société, et leurs impacts sur les femmes.
Dans ma tentative de comprendre les motivations sous-tendant les aspirations et rêves de ces femmes, j’ai décidé de discuter les questions plus en profondeur avec les femmes elles-mêmes. J’ai trouvé que leur dénominateur commun était la rébellion. La rébellion contre l’oppression et contre les restrictions imposées. Un rejet définitif des mesures d’occupation empêchant l’éducation des prisonnières. Une force intérieure pour défier le contrôle appliqué aux détenues et visant à les isoler, à les transformer en femmes désespérées n’ayant ni rêves ni plans d’avenir.
D’autres motivations comprennent la résistance au plan d’occupation visant à oblitérer l’identité et l’histoire palestiniennes. Ces femmes veulent également rompre avec les professions stéréotypées et de genre que la société destine aux femmes. C’est pourquoi elles choisissent des majeures comme le tourisme, la littérature, la sociologie et la théorie critique.
Quant à la seconde session autour de l’arabe, nous nous sommes concentrées sur les autobiographies et avons travaillé sur les diverses méthodes de rédaction d’autobiographies. Les détenues étaient divisées en groupes qui discutaient des diverses biographies, dont celles de la dirigeante ouvrière et féministe bolivienne Domitila Chúngara, « Si on me donne la parole », qui parle des expériences et luttes des mineurs en Bolivie.
En outre, nous avons étudié des biographies et autobiographies d’écrivains arabes bien établis, comme « Al-Ayyam », de Taha Hussein et « Je suis né là, je suis né ici », de Mourid Barghouti.
La session comprenait également l’analyse de textes littéraires comme celui du poète palestinien Mahmoud Darwich intitulé « Uncertainty of the Returned » et qui était un discours donné par Darwich à l’Université de Birzeit lors d’une célébration de la libération du Sud-Liban en 2000.
Les sessions d’enseignement, les présentations et les discussions ont enrichi le savoir des détenues et les ont encouragées à continuer de lire des livres et des romans. Nous transformons la prison en une école culturelle où les prisonnières apprennent d’autres expériences et où nous annihilons les tentatives de l’occupation en vue de nous isoler du reste du monde.
En conclusion, notre lutte pour la libération à l’intérieur des prisons commence par la protection de la littérature de résistance. Nous transmettons nos voix et nos histoires, lorsque nous les écrivons dans des circonstances très difficiles. Quand nous sommes prises, le prix à payer est parfois lourd, particulièrement lorsque notre punition est l’enfermement solitaire ou l’interdiction des visites de la famille.
Un cas en discussion est le prix payé par le prisonnier Waleed Daqa qui a été placé en enfermement solitaire pour avoir fait sortir en fraude son roman de la prison afin de le faire publier. Cela constitue un autre défi auquel nous sommes confrontés dans le cadre des « Deux Volontés » – la Volonté des combattants de la liberté et celle des colonisateurs, telles que les a exprimées la combattante de la liberté Domitila Chúngara dans « Si on ne donne la parole ».
Nous, les prisonnières palestiniennes, disons aussi : « Laissez-nous parler… Laissez-nous rêver… Laissez-nous nous libérer ! »
Merci de m’avoir écoutée et de m’avoir donné l’occasion de participer à cette conférence.
Khalida Jarrar, Prisonnière politique, Prison de Damon, 17 octobre 2020
Les actualités du droit, juillet 2021
1 juillet – « Pour nous, les morts en prison ne sont pas des anonymes »
Depuis quelques années, le collectif « Les Morts de la prison » s’active contre le fléau des morts devenues anonymes car survenues sous écrou. Lancé il y a treize ans par Roch-Etienne Noto-Migliorino, un infirmier, le collectif « Les Morts de la prison » rassemble le Secours catholique, Farapej, Les petits frères des pauvres, la Cimade, les Morts de la rue, le Courrier de Bovet, avec le soutien de l’OIP, l’Acat, l’aumônerie catholique des prisons, Genepi… Avec cette année cette tribune dans Le Monde.
« Toute personne, quoi qu’elle ait pu faire, conserve le droit que sa dépouille soit traitée avec respect et dignité. Nul ne doit être abandonné dans sa mort. Pour nous, les morts en prison ne sont pas des anonymes : à la confrontation des idées abstraites de la prison et de la mort nous préférons considérer que ces personnes auraient pu vivre une autre vie.
« L’arrivée en prison est violente : 15 % des suicides ont lieu dans les dix premiers jours. Puis on s’habitue, ensuite on désespère ; les deux tiers des suicides surviennent dans les cent premiers jours de détention. Mais on meurt en prison aussi du fait des violences qui s’y produisent ou encore de « mort naturelle ».
« Dans ce dernier cas, ces décès sont souvent liés au manque de soins évident, en amont de la prison, de personnes souvent éloignées du système de santé. Ils peuvent aussi résulter de la découverte tardive d’une maladie grave. La prison n’est pas un lieu de soins et les chances de guérison n’y sont pas égales à celles des citoyens libres. Les effectifs de soignants sont insuffisants, du fait notamment de la surpopulation dans les établissements, de la surenchère sécuritaire qui y règne parfois ».
Le système carcéral augmente objectivement les risques chez les plus fragiles, et ce quel que soit leur âge. En 2020, la plus jeune des personnes mortes en prison avait 17 ans, la plus âgée avait 90 ans, et leur cas étaient si graves que cela justifiait la mort en prison. Avec des condamnations au nom du peuple français, c’est-à-dire vous et moi.
2 juillet – Montpellier : L’ancien doyen et professeur de la fac de droit condamnés en correctionnelle pour violences
Dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, des étudiants qui, dans le cadre d’un grand mouvement de protestation, occupaient un amphithéâtre de la faculté de droit de Montpellier, s’étaient fait violemment virer . Une dizaine d’étudiants avaient été blessés. En cause un commando du groupuscule identitaire de la Ligue du Midi, venus cagoulés et armés de planches et d’un pistolet à impulsions électrique. Problème n° 1. Mais vite était survenu un problème n° 2 : ces nervis étaient intervenus à la demande du doyen de la faculté de droit Philippe Pétel. Au lieu d’appeler le préfet, le doyen avait appelé les fachos… L’erreur est humaine… Et parmi les membres du commando, on trouvait Monsieur le professeur agréé Jean-Luc Coronel de Boissezon, spécialiste d’histoire du droit.
Ces « deux éminents juristes ont fait le choix conscient et déshonorant de basculer du côté obscur de la force » en faisant « intervenir des nervis dans une enceinte de faculté de droit », avait fustigé le procureur, Fabrice Belargent, lors de ses réquisitions le 21 mai dernier.
Résultat : 18 mois avec sursis pour l’ex-doyen, six mois ferme pour le professeur, qui va peut-être se spécialiser dans l’histoire des petites frappes.
7 juillet – Croix gammée géante sur un toit près de Belfort : un policier condamné
C’était le 3 mai. Un père et son fils venaient de restaurer eux-mêmes la toiture d’une maison, à Evette-Salbert, près de Belfort. Très bien, oui mais voilà : les voisins découvrent le soir une grande croix gammée d’environ deux mètres sur deux, faite en tuiles blanches sur le toit. Rien de moins…
Dépôt de plainte, et l’enquête identifie vite l’auteur : le fils du propriétaire, un policier de 44 ans, responsable régional du syndicat UNSA, qui a été renvoyé devant le tribunal pour « apologie de crime contre l’humanité ».
A l’audience, le procureur de Belfort avait requis une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis, estimant qu’il s’agissait de « faits d’une grande gravité », soulignant que « l’exemplarité est attendue d’un fonctionnaire de police ».
Le tribunal a requalifié les faits comme « exhibition d’uniformes, d’insignes ou d’emblèmes rappelant ceux d’organisations ou de personnes responsables de crimes contre l’humanité », une infraction passible d’une contravention de 5e classe, et le policier a été condamné à 1 500 € d’amende.
Selon l’article 434.12 du code de déontologie de la police nationale : « Lorsqu’il n’est pas en service, le policier s’exprime librement dans les limites imposées par le devoir de réserve et par la loyauté à l’égard des institutions de la République ».
A prévoir, un conseil de discipline.
7 juillet – Le ministre Éric Dupond-Moretti a omis de déclarer 300.000 euros de revenus en 2019
Des droits d’auteur pour sa pièce À la barre, soit 300 000 euros, n’avaient pas été notifiés au fisc. Le toujours très classieux garde des Sceaux a fait savoir que c’était une faute de son comptable. Vraiment un homme bien choisi pour porter le fer contre le vote populaire de Le Pen.
8 juillet – Malgré la pandémie, le nombre des milliardaires français a augmenté en 2021
Le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes de France a augmenté de 30% en un an, selon le classement du magazine Challenges, qui a dénombré 109 milliardaires français cette année, contre 95 l’an dernier. Il y a dix ans, en 2011, le nombre de milliardaires français était de 51.
Le classement est dominé pour la cinquième année consécutive par Bernard Arnault, le patron de LVMH, l’ami du luxe et de tous les pouvoirs, dont la fortune atteint 157 milliards d’euros, une progression de 55 milliards d’euros, soit 57% sur un an.
Le montant de la fortune des 500 plus riches du pays s’approche 1.000 milliards d’euros. « Ce sont les plus fortes progressions annuelles jamais enregistrées par notre palmarès, mis en place en 1996 », a indiqué Challenges. Toutes mes félicitations pour cette réussite, qui nous montre à nouveau que le problème, ce sont les salauds de pauvres.
9 juillet – On peut prêter serment sans dire « je le jure »
14 ans après, la Cour de cassation annule le licenciement par la RATP d’une agent catholique au motif qu’elle avait refusé de dire « je le jure » lors d’une prestation de serment.
Cette femme avait été affectée comme agent de contrôle, et elle devait prêter serment devant le président du tribunal de grande instance de Paris en application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer. Elle avait expliqué que sa religion chrétienne lui interdisait de jurer, et proposé d’autre formules signifiant son engagement, formules refusées le président du tribunal, et elle avait été licenciée pour faute grave par la RATP.
La Cour de cassation juge que le respect de la liberté de conscience et de religion impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel. Cette position est conforme à la jurisprudence de la CEDH qui considère que les autorités de l’État ne peuvent s’enquérir des convictions religieuses d’une personne ou l’obliger à les manifester notamment à l’occasion d’une prestation de serment pour pouvoir exercer certaines fonctions, et à une jurisprudence très ancienne de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui permet aux témoins de prêter serment devant les juridictions pénales sans utiliser la formule « je le jure ».
Un rappel de ce qu’est la liberté de conscience, mais il y a encore du travail pour ramener la raison les radicalisés de la déesse laïcité.
13 juillet – Experts de l’ONU chargé d’examiner les violences policières
Le 13 juillet, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a institué un groupe d’experts chargé d’examiner « les violences policières commises contre les personnes d’ascendance africaine » et de recommander les réponses pénales. Les experts pourront «enquêter sur les réponses des gouvernements aux manifestations pacifiques contre le racisme»
Cette résolution fait suite à la publication fin juin d’un rapport de Michelle Bachelet, Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme sur les violences policières contre les personnes noires. Les experts sont également chargés de mener des « activités de sensibilisation avec les Etats, les personnes et les communautés directement touchées » et d’examiner «les causes profondes du racisme systémique dans l’application des lois et dans le système de justice pénale, du recours excessif à la force, du profilage racial et d’autres violations des droits de l’Homme à l’égard d’Africains et de personnes d’ascendance africaine».
J’espère que ces experts de l’ONU ne sont pas des indigénistes ou des islamo-gauchistes. Qu’en pense l’excellent Blanquer ?
13 juillet – Surpopulation pénale à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses
Un taux d’occupation de 186 % » avec dans le quartier des hommes 898 détenus pour 482 places, avec 173 détenus qui dorment sur un matelas posé sur le sol, dans le quartier des femmes, 58 détenues pour 40 places, et 16 femmes devant dormir au sol. Des cafards et punaises jusque dans les lits des détenus, des rats dans les espaces de promenade jonchés de détritus… Quatre ans après une première alerte en 2017, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) juge que la surpopulation à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses est « inacceptable ». Les onze contrôleurs, qui ont visité cet établissement entre le 31 mai et le 11 juin, font le constat « d’un nombre important de dysfonctionnements graves qui permettent de considérer que les conditions de vie des détenus sont indignes ». La maison d’arrêt concentre à elle seule « près du quart du nombre de matelas au sol pour l’ensemble des établissements » français. « Le niveau de la surpopulation carcérale est connu de tous, mais aucune mesure n’est mise en œuvre pour y remédier ».
16 juillet – Le ministre de la justice mis en examen pour « prise illégale d’intérêts »
Le garde des Sceaux a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » par la Cour de justice de la République, Dupond-Moretti est suspecté d’avoir profité de son statut pour régler ses comptes avec des magistrats croisés dans plusieurs de ses dossiers d’avocat. Me Christophe Clerc, avocat du Syndicat de la magistrature et de l’Union syndicale des magistrats, à l’origine des plaintes, ne veut pas se réjouir mais salue dans Libération une avancée démocratique.
« Cette mise en examen est-elle une satisfaction pour vous ?
« On ne peut pas dire les choses comme ça. C’est un évènement grave, sans précédent, et au fond je pense que tout le monde aurait préféré qu’on n’en arrive pas là. Mais c’est vrai que les syndicats avaient averti de longue date sur ce conflit d’intérêts. Le garde des Sceaux aurait tout à fait pu confier la gestion des dossiers en question au Premier ministre, en application d’un décret de 1958 dont l’usage est très banal. Il n’y aurait pas eu de difficulté.
« Il a choisi de ne pas suivre cette procédure et a donc accompli des actes en étant en situation de conflit d’intérêts. Il a lui-même reconnu l’existence de ce conflit d’intérêts en décidant, plus tard, de se déporter au profit du Premier ministre. On en arrive à cette situation qui est ce qu’elle est, qui n’est pas un motif de réjouissance mais qui est tout de même un bon signe pour la démocratie. Le garde des Sceaux est un justiciable comme un autre et chacun doit être responsable de ses actes devant la justice. Il n’était pas possible de laisser passer ces faits et de créer un précédent.
« Avez-vous confiance en la Cour de justice de la République ?
« Absolument. Après la plainte déposée par les deux syndicats de magistrats, la commission d’instruction a validé leur argumentaire et eu la même analyse sur l’existence d’une infraction. Le conflit d’intérêts était évident. Ce qui est nouveau, c’est de dire que ce conflit d’intérêts est passible d’une qualification pénale, la prise illégale d’intérêt.
« J’aimerais néanmoins comprendre pourquoi le ministre a choisi de se placer dans cette situation. C’est une vraie question. Il sait qu’il est en situation de conflit d’intérêts, c’est un cas d’école et il sera bientôt donné aux étudiants pour illustrer le conflit d’intérêts. Il connaît parfaitement les règles, il n’est pas n’importe qui. J’écouterai avec attention celle ou celui qui aura la réponse à cette question.
« Je tiens aussi à préciser qu’Éric Dupond-Moretti a évidemment droit à la présomption d’innocence, c’est essentiel et tout à fait fondamental. Des faits ont été commis, la justice fait son travail.
« Justement, malgré cette présomption d’innocence, la situation est-elle tenable pour le ministre, qui se voit pour le moment soutenu par le gouvernement ?
« Nous n’avons pas à prendre position sur cette question. Il n’existe pas d’obligation juridique de démissionner. Il existe un usage mais cela reste une décision politique. Que le ministre décide de rester en fonction ou pas, la décision lui appartient, comme on peut imaginer qu’elle appartient au président de la République et au Premier ministre. Il sera jugé politiquement. Ce n’est pas aux syndicats de magistrats de s’exprimer sur ce point.
« La position actuelle du ministre est évidemment une source de complexité mais cela reste sa décision. C’est sa liberté de savoir s’il veut rester dans cette position ou pas. A ce stade, il n’est pas question de démission ».
19 Juillet – Chili : Pour la Gauche, ce sera Gabriel Boric
Au Chili, les évènements s’enchaînent pour bousculer le pouvoir libéral, arrogant et incompétent : en octobre 2009, un mouvement social historique, qui a été le porteur de tout ; le 25 octobre 2020, le vote de 78 % des Chiliens pour changer de Constitution ; les 15 et 16 mai 2021, élection d’une Convention constitutionnelle avec une droite réduite à 20 % des voix, et aux municipales, la militante communiste et féministe Irací Hassler, âgée de trente ans, remporte la mairie de Santiago.
Ce 18 juillet 2021, c’était les primaires pour la présidentielle, qui aura lieu le 21 novembre. Daniel Jadue, pour le Parti communiste était favori, mais c’est Gabriel Boric, ancien leader étudiant, âgé de 35 ans, du parti Convergence sociale, qui l’a remporté avec 60,42% des voix : « N’ayez pas peur de la jeunesse pour changer ce pays. Le Chili a été le berceau du néolibéralisme, ce sera aussi sa tombe ».
Les partis traditionnels comme la Démocratie chrétienne, le Parti socialiste ou les centristes du Parti pour la démocratie ont été mis hors-jeu. Aujourd’hui le Chili, demain la France ? Porque no ? Mais attention, ça ne démarre pas sur les plateaux télé ou sur twitter, mais par le mouvement social.
22 juillet – Rachida Dati mise en examen pour corruption
Rachida Dati a été mise en examen pour « corruption passive par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale » et « recel d’abus de pouvoir », dans le cadre de l’information judiciaire ouverte pour « corruption, trafic d’influence et abus de biens sociaux » à l’été 2019, conduite par les juges Bénédicte de Perthuis, Patricia Simon et Cécile Meyer-Fabre et visant les fonds versés par RNBV, la filiale néerlandaise de l’Alliance Renault-Nissan, au profit de Rachida Dati et du criminologue Alain Bauer. Une procédure qui s’ajoute à l’enquête principale visant d’autres possibles malversations de l’ancien PDG du groupe, Carlos Ghosn.
La justice s’interroge sur la réalité des missions confiées par Renault-Nissan à Rachida Dati entre 2010 et 2013 pour 900 000 euros hors taxe, soit 25 000 euros mensuels. Une période durant laquelle elle cumulait déjà les fonctions de députée européenne, conseillère de Paris et maire du 7e arrondissement.
Elle est fortiche Rachida Dati. En 1999, à sa sortie de l’ENM, elle a été juge au TGI de Péronne, puis substitut du procureur à Evry en 2003 – deux postes bien ancrés dans la justice de terrain – avant de quitter la magistrature pour être recrutée en 2004, directrice générale adjointe au conseil général des Hauts-de-Seine, chargée des marchés publics. Elle a ensuite plongée dans la politique. Et en 2010, on la retrouve avocate spécialisée en droit international des affaires… La bonne blague.
A part ça, cela fait deux garde-des-sceaux mis en examen le même mois, l’un pour prise illégale d’intérêt, l’autre pour corruption. Et bien sûr, s’il y a tant d’abstention, c’est parce que les Français sont de mauvais citoyens.
23 juillet – Pegasus, un logiciel dévoyé pour espionner journalistes et activistes
Le logiciel Pegasus, commercialisé par la société israélienne NSO Group, a été vendu depuis 2016 à 55 pays du monde entier. Une enquête, menée par Forbidden Stories et seize médias internationaux, révèle que ce logiciel a été utilisé pour infecter 50 000 numéros de téléphone, dont 1 000 citoyens français.
Pegasus est un logiciel installé à distance sur les smartphones Android ou iPhone qui permet de savoir tout ce qui se passe dedans. Grâce aux failles de sécurité des logiciels Google et Apple, le logiciel se glisse à l’intérieur des terminaux, en ne laissant presque aucune trace. Il permet d’accéder à l’ensemble des données : photographies, vidéos, carnet d’adresses, localisations ou messages chiffrés des applications cryptées WhatsApp et Signal. Il peut activer et désactiver à distance le micro du smartphone, et ainsi d’écouter les appels de son propriétaire.
L’éditeur et le vendeur de ce logiciel est la société israélienne NSO Group, créée en 2009, qui a embauché des hackers pour s’immiscer dans des failles informatiques afin de les exploiter, et la société s’est imposée dans l’industrie de la surveillance numérique.
Le logiciel n’est commercialisé qu’à des États ou des agences gouvernementales, après l’aval du gouvernement israélien, soit à ce jour à 55 pays. Selon l’enquête de Forbidden Stories, 50 000 numéros de téléphone ont été ciblés depuis 2016, dont plus de 1 000 en France, essentiellement par le gouvernement marocain.
Le nom de Pegasus a déjà été associé à plusieurs scandales qui ont mené aux meurtres et à la disparition de nombreux opposants ou journalistes. C’est le cas, par exemple, de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, qui travaillait pour le Washington Post . Il avait été violemment assassiné le 2 octobre 2018 à Istanbul en Turquie. Des traces du logiciel Pegasus avaient été retrouvées dans les téléphones des proches de l’opposant saoudien, également assassinés. Au Mexique, c’est plus de 15 000 numéros de journalistes qui ont été retrouvés, dont celui de Cecilio Pineda, assassiné en mars 2017.
29 juillet – Un tribunal administratif refuse un visa à une auxiliaire afghane de l’armée française
Alors que l’on assiste à une offensive généralisée des talibans en Afghanistan, le tribunal administratif de Paris a refusé mercredi d’accorder en urgence un visa à une ex-auxiliaire afghane de l’armée française, estimant non « attestée la réalité de ses craintes » pour sa vie.
Fatima A., 28 ans, Afghane a été employée un an comme auxiliaire sur une base française entre 2012 et 2013. Elle a sollicité le ministère des Armées dès 2019 pour obtenir une protection de la France, qui l’a refusée mi-2020. Refus de Florence Parly, affirmant que les talibans « visent surtout le pouvoir en place » dans leurs attentats mais « cherchent toujours (…) à rassurer (la population) et à l’épargner au maximum dans ses actions de terreur ».
La jeune femme a déposé un référé contre ce refus et demandé un visa, estimant que son emploi passé et la situation actuelle l’« exposent à de graves dangers ». Mais le tribunal administratif de Paris a estimé que les éléments produits « ne permettent pas d’attester la réalité des craintes qu’elle invoque pour établir l’urgence » à remettre en cause le refus français.
« Il s’agit malheureusement d’une décision attendue. La situation est figée pour les personnes dans son cas. Ils doivent apporter la preuve des menaces qu’ils reçoivent, ce qui est impossible en pratique » a expliqué son avocat Me Antoine Ory.
Pour rappel, à la mi-juillet, Paris a appelé tous ses ressortissants à quitter l’Afghanistan, « en raison de l’évolution de la situation sécuritaire dans le pays et compte tenu des perspectives à court terme ». Les forces étrangères quittent peu à peu le pays : le processus de désengagement devrait être finalisé pour le 11 septembre. L’attitude du gouvernement est écœurante et criminelle.
29 juillet – Égypte : 24 opposants politiques condamnés à mort
Un tribunal égyptien a condamné à mort 24 opposants politiques, aux termes de procès sans preuves, sans instructions, sans droits de la défense, et par un tribunal spécialement nommé pour ces sales affaires. En 2020, on a compté 107 exécutions d’opposants politiques, après 39 en 2019. Tous condamnés sur ordre du président Abdel Fattah al-Sissi, avec une procédure qui n’est qu’une mise en scène.
Peines de mort, et pour des opposants politiques ? La France a immédiatement suspendu toute coopération militaire, et bloqué les ventes de Mirages ? Le dixième de tels faits commis en Iran aurait mis en transe tout le joli petit monde politique et médiatique. Là, pas plus d’une ligne : Al-Sissi, notre ami, ne fait pas de répression politique mais il défend nos valeurs en luttant contre le terrorisme des Frères Musulmans. Il suffisait de le préciser.