Facebook est trop dangereux, et c’est aux autorités publiques de contrôler son activité : ce rappel vient cette fois-ci de Zuckerberg, sauf que bien sûr, avec ce Monsieur, ce n’est que de la fumée pour mieux protéger son business.

Le fait de départ, c’est l’attaque des deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le 15 mars dernier. Facebook a diffusé les tueries – quarante-neuf morts et vingt blessés graves – pendant dix-sept minutes en direct, avec un public avisé par les annonces faites par le criminel auprès des adeptes de la suprématie blanche. C’est la police néo-zélandaise qui avait dû aviser Facebook. Pendant ces dix-sept minutes, tout utilisateur pouvait assister au spectacle, partager la vidéo, la commenter et la « liker ». Et Facebook a laissé se diffuser des centaines de milliers de répliques dans les jours qui ont suivi l’attentat.

Les petits génies de la Silicon Valley, qui ont admis 300 000 diffusions – chiffre lâché en pâture par eux, sans aucune preuve ni contrôle -, ont d’abord dit qu’ils avaient réagi au plus vite, pour reconnaitre ensuite qu’effectivement ils avaient failli, mais que c’était à cause d’un problème technique.

Sauf que là, c’était trop gros, et Mark Zuckerberg a choisi un contrefeu par une tribune dans le Washington Post, reprise notamment par Le Journal du Dimanche.

« Les décideurs publics me disent souvent que nous avons trop de pouvoir en matière d’expression, et franchement, je suis d’accord. J’en viens à croire que nous ne devrions pas prendre de telles décisions tout seuls. Nous sommes donc en train de créer un organisme indépendant pour que les gens puissent faire appel de nos décisions. Nous travaillons aussi avec les gouvernements, et notamment avec les pouvoirs publics français dans le cadre d’un groupe de travail commun, afin de garantir que nos dispositifs de modération des contenus soient efficaces.

« Une idée pourrait être de confier à des organismes tiers le soin de définir des standards sur la diffusion des contenus violents et haineux, et d’évaluer les entreprises sur la base de ces standards. La régulation pourrait établir une base de référence de ce qui est interdit, et exiger des entreprises qu’elles mettent en place des moyens pour réduire au maximum les contenus violents et haineux. »

Donc Zuckerberg reconnait que Facebook a « trop de pouvoir en matière d’expression » : voilà un point d’accord ! Et quelle est la solution proposée ? Un système idoine avec des régulateurs extérieurs (extérieurs à quoi ?) qui définiraient les règles et les mesures à prendre. Donc, comme ça chauffe, Zuckerberg veut organiser ses propres règles avec ses propres juges. Ben voyons…

Facebook est un diffuseur d’information, et tous les pays du monde disposent de législations relatives aux abus dans la liberté d’expression, souvent sous le contrôle de juridictions internationales, ce qui donne des garanties objectives sur les règles, les procédures et les sanctions. Et si effectivement Facebook a « trop de pouvoir en matière d’expression », c’est parce qu’il échappe à ces lois et à ces juges.

Aussi, la vraie mesure à prendre est simple : Facebook reconnait dans ses statuts la compétence territoriale des tribunaux étatiques, et pour chaque pays, il désigne un responsable de la diffusion avec une adresse postale permettant de lui adresser des convocations en justice. Là, au moins ce serait clair et net, et on ne pourrait plus dire que Facebook a « trop de pouvoir en matière d’expression ».

Sauf qu’évidemment ce n’est pas pour demain. Ce prédateur revendique d’échapper à la loi, car c’est le moyen de développer son business.

A part ça ?

Après le scandale de Cambridge Analytica – les données de 87 millions d’utilisateurs de Facebook cédées à ce groupe pour influencer les primaires républicaines de 2016, rien n’a changé. UpGuard, une société de sécurité informatique, publie un communiqué ce 3 avril expliquant que les données de plus de 540 millions d’utilisateurs de Facebook ont été trouvées accessibles, stockées sans protection par l’entreprise mexicaine Cultura Colectiva, laquelle utilisait ces données pour prédire les comportements et orienter l’activité. Juste le business de Facebook.

Autre bonne blague. La diffusion d’une page pour les nouveaux utilisateurs demandant de confirmer l’adresse mail, pas de problème, mais aussi le mot de passe ! Donner son mot de passe à un tiers, faut être dingue, et oui, mais ça a marché, vu que c’est le prix pour entrer dans la modernité Facebook. Et comme l’explique Business Insider, Facebook en a profité pour importer l’ensemble des contacts mail des utilisateurs… Après un article sur le site The Daily Beast , les gentils lascars ont du se justifier dans leur style inimitable : « Nous comprenons que la vérification par mot de passe n’est pas le meilleur moyen pour authentifier un utilisateur, donc nous allons arrêter de proposer cette option ».

Combien de temps durera ce cirque ?

Facebook is asking some new users for their email passwords and appears to be harvesting their contacts without consent