Pas de politique de la peur, mais de l’action : la Corée du Sud montre la voie à suivre, comme l’explique cet article de France Culture du 12 mars 2020.
Au palmarès des pays les plus touchés par le coronavirus, la Corée du Sud occupait cette semaine la quatrième position. Mais face à la flambée virale de Covid-19, Séoul a semble-t-il pu mettre en œuvre des mesures efficaces, le nombre de personnes infectées tendant à se tasser.
Sur les dernières semaines de février, le nombre de nouveaux cas de coronavirus a explosé en Corée du Sud. Avec, le plus souvent, une accélération quotidienne de l’ordre de 30 % à 40 %. Le 18 février, le pays ne dénombrait pas plus de 30 cas. Une semaine après, ils étaient près de 1 000…
Mais le 11 mars, Séoul signalait 7 869 malades. Une bonne nouvelle, paradoxalement, puisque depuis le début du mois, le rythme de progression s’est tassé, passant bien en-dessous des 10 % quotidiens (3 % maximum depuis le début de la semaine).
Par ailleurs, le taux de létalité a été maintenu relativement bas. Au total, 60 morts sur l’ensemble des personnes contaminées, soit 0,76 %. Deux fois moins qu’en France, et loin des 3,4 % annoncés par l’Organisation mondiale de la santé.
Ce résultat semble être le fruit d’une stratégie sanitaire très singulière. Car si le principal enjeu, dans le cadre de la diffusion d’un virus, est la vitesse de réaction, chaque pays a choisi ses priorités. Et contrairement à la Chine, qui a choisi de cloîtrer une partie de sa population pour contenir le mal, Séoul a choisi l’action.
- Dépistages massifs
Depuis le début de la crise, la Corée du Sud a réalisé davantage de dépistages qu’aucun autre pays. À raison de 10 000 tests quotidiens, elle a pu s’attaquer très tôt aux nouveaux foyers d’infection. D’abord, les autorités s’appuient sur un maillage sanitaire très dense, aux 500 cliniques habilitées à réaliser les dépistages s’ajoutant une quarantaine de cliniques ambulantes. Mais surtout, la Corée du Sud, forte de son expérience lors de la crise en 2015 du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers), a accéléré les procédures de mise sur le marché des tests : quelques semaines après l’apparition du coronavirus en Chine, Séoul donnait son feu vert à la mise à disposition des cliniques d’un procédé diagnostiquant le Covid-19 en six heures.
« Les tests sont une mesure initiale cruciale pour contrôler un virus, estime Masahiro Kami, de l’Institut pour la recherche sur les politiques médicales, à Tokyo. C’est donc un bon modèle, pour tous les pays. » Le 11 mars, 220 000 diagnostics avaient ainsi effectués.
- Criblage systématique
La population a évidemment été mise à contribution. La méthode, discutable en termes de protection de la vie privée, est implacable : les déplacements des malades avant qu’ils ne soient testés positifs sont reconstitués au travers des images de vidéosurveillance, de l’utilisation de leur carte bancaire ou du bornage de leur téléphone portable, puis rendus publics.
Les proches de toute personne contaminée sont recherchés de façon systématique et soumis à un test de dépistage. Des SMS sont même envoyés aux gens quand un nouveau cas est détecté près de chez eux ou de leur travail.
- Responsabilisation collective
Yoon Tae-ho, directeur général des politiques de santé publique, a exhorté les Sud-Coréens à maintenir une « distance sociale » les uns avec les autres. En d’autres termes, restez chez vous – et même en autoquarantaine à domicile pour certains –, évitez les rassemblements et minimisez les contacts. « Il est très difficile pour les autorités de se résoudre à des mesures aussi fortes », reconnaît Marylouise McLaws, de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud. Mais au sein d’une population particulièrement respectueuse des consignes, ces injonctions ont produit des effets immédiats.
En conséquence, les rues et lieux publics se sont vidés, les événements sportifs ou culturels ont été annulés. Et chez ceux qui sortent encore, le port du masque s’est généralisé, tandis que les transports publics, par exemple, font l’objet d’opérations de désinfection massives.
- Cas unique ?
En Corée du Sud, 3 cas de contamination sur 5 (63,5%) sont liés à l’Église Shincheonji de Jésus, une organisation religieuse souvent accusée d’être une secte. La plupart de ses membres sont des femmes, pour beaucoup âgées d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années. Ce qui a permis aux autorités de circonscrire les profils infectés, de contenir la propagation du virus et d’en limiter la létalité.
Mais Yoon Tae-ho, le directeur général des politiques de santé publique, avertit : « Il est trop tôt pour dire que nous surmontons la maladie. Nous assistons toujours à des flambées sporadiques, nous ne pouvons donc pas baisser la garde.
« Le gouvernement livre une réponse totale », a de son côté assuré le Président sud-coréen Moon Jae-in dans un discours télévisé, tout annonçant le déblocage d’un fonds exceptionnel.