Le contrôle des CPAM est normal, régi par la loi, cela ne fait pas de doute. Mais il est redouté, vu la différence de poids entre les services des Caisses et les IDELS. La FNI vient de publier un communiqué dénonçant la manière dont les Caisses jouent de la méconnaissance du droit conventionnel infirmier par les tribunaux. Comme dans toutes professions, il y a des pratiques déviantes. En réalité, c’est une donnée très minoritaire, et l’expérience quotidienne montre que la grande majorité des contrôles ne traite pas de ces fraudes avérées, mais de pratiques discutables ou normales, mais qui ne témoignent d’aucune malhonnêteté, et qui devrait permettre un vrai dialogue. Or ce n’est pas toujours le cas…
Chaque situation est individuelle et mérite une approche approfondie, pièce après pièce, et en fonction de la structure du cabinet. L’expérience montre que certaines problématiques mal posées reviennent régulièrement, et voici quelques arguments clés pour préparer les réponses.
1/ Le volume d’activité
Les comparaisons globales en volume d’activité ne veulent rien dire. Il y a beaucoup de collègues qui travaillent uniquement 10 jours par mois et avec de petites tournées.
2/ Le préjudice
L’IDEL doit rembourser les facturations erronées. Mais la CPAM doit indiquer quels sont les actes, car il ne peut pas y avoir de remboursement sur un volume global. La question est : quel acte doit être annulé, pour quel motif, ce dans le cadre d’un examen au cas par cas, preuves à l’appui.
3/ Les justificatifs
La facturation est assurée sur la base des prescriptions médicales ou infirmières. Ainsi, la base indispensable est la production par la CPAM de l’intégralité des prescriptions litigieuses. Le dossier doit regrouper toutes les prescriptions médicales et toutes les DSI. C’est à partir de ces documents de preuve que la discussion est possible.
4/ Les actes fictifs
Certaines facturations peuvent ne pas être dues, du fait d’une mauvaise saisie informatique. Mais comment peut-il y avoir des actes fictifs alors qu’il y a de vrais malades ? Pour les AMI, comment obtenir le remboursement d’actes qui ne figurent pas sur l’ordonnance ? Pour les AIS, la dépendance rend le passage infirmiers indispensable, et il y aurait une hospitalisation rapide si l’infirmier ne passait pas. Comment peut-il y avoir des actes fictifs sans la preuve de dommages pour les patients ?
5/ AMI/AIS
On ne peut pas parler globalement d’une activité, car il faut distinguer les AIS et les AMI. Les AMI sont pratiqués sur prescription médicale donc dans le respect strict de ce qu’a prescrit le médecin, alors que pour les AIS, le médecin se contente de définir le besoin de soins infirmiers, et c’est à l’infirmière de prescrire le contenu. Pour les AIS, le médecin n’a pas qualité pour définir le nombre d’AIS ou leur durée.
6/ Le rôle propre
La séance de soins infirmiers de la NGAP (Art. 11), fait référence expresse au rôle propre (R. 4311-3), c’est-à-dire au diagnostic infirmier. C’est à l’infirmier de définir les objectifs de soins et de les évaluer, par la prescription infirmière (Art. R. 4312-33). Le médecin n’a pas compétence pour prescrire les soins du rôle propre.
7/ La démarche de soins infirmiers
Lorsqu’un médecin constate un besoin de soins infirmiers du fait du handicap ou de la maladie, il doit établir une « DSI prescription » justifiant le besoin de soins infirmiers par la dépendance, mais c’est l’infirmière qui définit le contenu de la séance de soins infirmiers, que le médecin cosigne.
8/ Contrôle administratif ou contrôle médical ?
Pour les AMI, le service administratif de la CPAM est le plus souvent en mesure d’assurer le contrôle car il suffit de comparer la prescription médicale et les cotations en fonction de la NGAP. Pour les AIS, la contestation remet en cause le travail de l’infirmier c’est-à-dire son diagnostic et la définition des soins, et cela ne peut être fait que par le service médical ou par un expert. Le service administratif de la CPAM n’a pas compétence pour remettre en cause l’approche clinique de l’infirmier.
9/ La durée des actes
Il n’existe aucun référentiel de durée s’agissant des AMI. Par le passé, il existait un volume maximal d’actes AMI, mais ce volume a été supprimé. Pour les AIS, il existe une durée de référence de 30 minutes. La Cour de cassation admet 34 AIS par jour, ce qui équivaudrait à 17 heures de travail sans les déplacements, ce qui n’est pas crédible sur la base d’une demi-heure stricte. Aussi, une durée variable, de l’ordre de 20 minutes un peu plus ou un peu moins, est dans la norme. Cela inclut la tenue du dossier de soins infirmiers, qui est une obligation.
10/ Les toilettes et le nursing
Ces notions relèvent du langage de tous les jours mais elles n’ont pas de contenu professionnel ou juridique. La prescription médicale de toilette ou de nursing est nulle, car ces notions n’existent pas. La seule notion que connaît le CSP est celle des soins d’hygiène, qui est une conception large, incluant hygiène alimentaire, et tout ce qui concerne la protection du corps, la surveillance des signes corporels, et la valorisation de l’image de soi. Ce sont des soins qui mettent en cause l’intime, et qui suppose une qualité relationnelle. La CPAM ne peut pas valider des prescriptions médicales de « toilette » ou de « nursing », pour remettre en cause des soins infirmiers.
11/ La qualité des soins
S’il existe des actes fictifs, donc non réalisés, ou des actes effectués avec une telle rapidité qu’ils doivent être considérés comme inexistant, il en découle nécessairement des conséquences pour le patient. La preuve doit en être apportée. Comme tout professionnel, un IDEL est d’accord pour une analyse de la qualité des soins qu’il pratique, mais à condition que cet examen soit professionnel, c’est-à-dire effectué par un expert de même compétence.
12/ Audition des patients
Les auditions des patients font foi pour ce que le paient a dit à l’enquêteur, mais c’est juste un indice, assez faible, par rapport à la réalité des soins qui ont été pratiqués. Il faut prendre en compte le degré de lucidité du patient, son niveau cognitif, et si c’est la déclaration des proches, s’ils étaient présents au moment des séances de soins. Par ailleurs, les patients sont impressionnés par des contrôles car ils ont le sentiment que c’est eux qui sont contrôlés au motif qu’ils coutent trop cher, et ils ont tendance à minimiser l’ampleur des soins redoutant la fin de la prise en charge à domicile.
13/ Remplacement
La CPAM doit être en mesure d’identifier la personne qui a pratiqué les soins. Les documents transmis doivent mentionner l’identité du remplaçant. Attention : si la caisse n’est pas en mesure d’identifier le remplaçant, l’IDEL qui sollicite le remboursement global des soins et ensuite effectue le remboursement à sa remplaçante, est susceptible de se voir reprocher l’infraction d’escroquerie